۱۳۹۴ اردیبهشت ۳۰, چهارشنبه

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20 mai 2015
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Franco-Vénézuélien résidant au Venezuela depuis des décennies, je reçois fréquemment des mails de mes amis européens, du genre : « Je te transmets cet article. Toi qui habites là-bas, pourrais-tu me dire si c'est la réalité ou encore une fois la diabolisation du Venezuela ? »



En réalité, cette réaction face aux médias n’est pas exclusive des lecteurs européens. Au mois de juin de l’année dernière, la célèbre Gallup publia les résultats d’une enquête qui a mis en évidence le fait que la plupart des Etats-uniens se méfiaient de leurs médias, leur confiance atteignant un niveau historiquement bas.

Seuls 18% des enquêtés montrèrent une confiance dans ce qui est diffusé dans les journaux, les nouvelles à la radio ou les journaux télévisés ; et beaucoup cherchaient à s’informer sur Internet, ce qui, bien évidemment, ne veut pas dire que tout ce qui est publié sur internet soit considéré comme fiable. Aussi l’enquête Gallup mesura la confiance des Etats-uniens par rapport à leurs institutions et il faut dire que les pourcentages baissent en flèche de façon dramatique, que ce soit concernant la Présidence (29%) comme sur le Congrès (7%).

Eh bien, sans plus de préambule, revenons sur l’article publié sur Agora Vox et signé par ... une caricature de Morice. On peut donc supposer qu’il s’agit d’un monsieur X, alias Morice. De façon générale il est bien plus agréable d’identifier l’auteur de l’article qu’on voudrait commenter, mais tant pis, nous devrons nous contenter de l’appeler “ Alias Morice”.

Cette fois-ci, je reçus l’article suivant, publié le 10 avril. Voici donc l’entête :
Bien sûr, cela m’interpella fortement de voir d’emblée une carte du Venezuela avec ce titre alarmant : “les routes de la cocaïne au Venezuela”.



Alors j’ai attaqué la lecture, mais j’ai rapidement eu la tentation d’appeler un service d’assistance, car j’ai eu l’impression d’halluciner et, comme je ne consommais pas de stupéfiants, je me demandais si je n’avais pas été drogué à mon insu.

Dans un article destiné à aborder le sujet du narcotrafic, l’introduction écrite par Alias Morice cite le Venezuela plus de treize fois et illustre le trafic de drogue mondial avec une carte du Venezuela. Je conclus que je ne souffrais pas d’hallucinations et que c’était peut-être l’auteur qui avait fumé la moquette...à moins que ses intentions journalistiques se trouvaient ailleurs, pour répondre à Dieu sait quels autres objectifs cachés. Au fur et à mesure que je continuais la lecture du texte d’Alias Morice commencèrent enfin à apparaître quelques autres explications, telles que les banques qui blanchissent de l’argent, des chefs d’Etat et leurs familles en Colombie, les cartels de la drogue, les juges confrontés à la mafia, la cocaïne colombienne acheminée vers le marché des États-Unis, des pays comme le Mexique, la République Dominicaine, Haïti, le Honduras, le Guatemala, le Costa Rica ou Belize, avec, pour chacun, leur lot de corruption des hommes politiques.

Tout cela est également illustré par Alias Morice avec des cas notoires d’avionnettes et de navires interceptés avec les moindres détailles sur les dates, lieux, noms des navires, types d’avions et numéros d’immatriculation.

A l’évidence, Alias Morice dispose de quelques bonnes sources, telles les enquêtes de la DEA, l’Agence Anti Drogue états-unienne. Il finit même par affirmer que la Colombie, avec l’aide des États-Unis, a commencé à resserrer la surveillance de son espace aérien.

Avec son introduction et sa carte de présentation, la soupe t’a été servie par Alias Morice. Il s’agit bel et bien de diaboliser le Venezuela, et d’adresser par la même occasion quelques commentaires hostiles envers son confrère européen, le journaliste Michel Collon, dont les points de vue sur le Venezuela diffèrent des siens. Peut-être que lui, il connaît vraiment ce pays et son peuple. Le coup semblerait avoir réussi. Bon, peut-être pas tout à fait lorsqu’on constate que 79% des lecteurs désapprouvent cet article. Puisque le sujet avait l’air d’être sérieux, j’ai poursuivi la lecture jusqu’au dernier mot de la dernière phrase d’Alias Morice pour découvrir si quelque chose de positif avait été dit à propos du Venezuela. Surprise ? ... ¡Nada ! ¡Niente ! Walou ! ...

Seulement un pays de routes de cocaïne destinée à une distribution mondiale avec un gouvernement comme l’un des principaux bénéficiaires du narcotrafic. C’est donc sans surprise qu’on découvre la tentative d’associer le Président Chavez à ce scénario, au moyen d’allusions à ses échanges avec Manuel Marulanda, le chef de la guérilla colombienne FARC-EP (Fuerzas Armadas Revolucionarias, Ejercito del Pueblo) selon ce qui fut révélé par les disques durs de l’ordinateur de ... Paul Reyes. Non, c’était Raul en fait.

Alors, inquiet par cette description alarmante du pays dans lequel je vis, je décidai d’investiguer moi aussi afin d’offrir à cet Alias Morice quelques informations supplémentaires.

D’abord, commençons par clarifier les choses. Le narcotrafic est un fléau au Venezuela, sans doute !

Et dans ce monde globalisé ce fléau-là concerne aussi, malheureusement, de nombreuses nations. Il y aurait au Venezuela quelques trafiquants et corrompus. On est d’accord ! Nous le savons tous, comme nous savons qu’il y en a à l’échelle mondiale et que peu de nations peuvent prétendre le contraire. N’est-ce pas ? Mais il y a également ceux qui luttent contre ce fléau, contre les trafiquants et les corrompus, mais il paraît que ceux-là ne méritent pas la moindre attention de la part d’Alias Morice. Eh bien, maintenant nous allons en parler. Alias Morice, prends-en note !

Venezuela et le trafic de drogue : un pays victime, carte en main

La carte du Venezuela sur la une de l’article d’Alias Morice mérite une vision un peu plus élargie afin de couvrir l’ensemble du continent américain et pouvoir situer géographiquement qui est qui dans cette histoire. C’est ainsi que vous verrez qu’au nord de l’Amérique se trouvent...les États-Unis d’Amérique, le pays qui consomme le plus de drogue dans le monde. Non, ce n’est pas nous qui le disons. Cela fut révélé par les Nations Unies dans son rapport annuel de 2011, où elle affirme que les Etats-Unis sont en tête de la liste des pays consommateurs de drogue dans le monde entier, selon une étude de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (Junta Internacional de Fiscalización de Estupefacientes, JIFE). Dans cette étude, l’accent est mis sur le fait que les Etats-uniens consomment annuellement entre 150 et 160 tonnes de cocaïne, et que le 90% de cette drogue parvient aux Etats-Unis après être passée par le Mexique et d’autres pays d’Amérique centrale.

Cependant, les Etats-Unis ont le culot de publier chaque année, à travers leur Département d’Etat, une liste de disqualification des 22 pays où le trafic de drogue et le blanchiment d’argent sont les plus élevés. Fait intéressant, parmi les premiers accusés se trouve le Venezuela. Est-ce parce que Washington aime l’idée d’éradiquer le gouvernement socialiste afin de s’approprier les hydrocarbures de notre pays ?

Vous verrez aussi qu’au nord-ouest de l’Amérique du Sud se trouve la Colombie, considérée comme l’un des plus grands producteurs de drogue dans le monde. Vous constaterez donc que la Colombie partage sa frontière avec le Venezuela, une nation qui se trouve presque au milieu d’une ligne directe imaginaire entre la Colombie et les Etats-Unis. Sachant que le Venezuela n’est pas un pays producteur de drogue, que la Colombie est l’un des plus grands producteurs et que les États-Unis sont le plus grand consommateur, ce n’est pas nécessaire d’être un génie pour se rendre compte de combien il est facile que le Venezuela subisse les éclaboussures néfastes des narcotrafiquants et de leurs partenaires corrompus. L’on trouvera, malheureusement, et de façon inévitable, des consommateurs parmi la population la plus vulnérable.

 Lutte contre le narcotrafic au Venezuela
Image du travail quotidien des forces de sécurité de l’Etat (Mars-Avril 2015)

DEA, Colombie, Etats-Unis et les disqualifications

Alias ​​Morice nous présente donc cette analyse simpliste du duo Colombie-DEA, le Drug Enforcement Agency : la Colombie, avec l’aide des États-Unis, aurait commencé à resserrer la surveillance de son espace aérien. Il fait probablement référence aux sept bases militaires que les Etats-Unis possède en territoire colombien, même si, lorsqu’on prend la peine d’analyser leurs armes et troupes, on constate qu’elles ne semblent pas les plus appropriées pour la surveillance et la lutte contre le narcotrafic.

La vérité est tout autre. La vérité est que, pour que les Etats-Unis puissent contrôler le Venezuela, ils ont besoin d’occuper militairement la Colombie. Et ce n’est pas non plus nous qui le disons. Cela fut déclaré par Paul Coverdall, sénateur républicain, en tant que premier porte-parole du Plan Colombie, au Sénat des États-Unis en 1998. Aujourd’hui, depuis ses bases militaires en Colombie, les Etats-Unis réalisent ou soutiennent des activités subversives au Venezuela, en Equateur, en Bolivie et au Nicaragua. Par contre, ils ont échoué à contrôler les FARC-EP, et encore moins à réduire la production et la distribution de drogue.

Ils ont également échoué à contrôler les fêtes des agents de la DEA dans les bâtiments publics avec des prostituées payés avec l’argent des cartels de la drogue colombiens. Ce scandale eut une telle ampleur qu’il provoqua la démission de Michele Leonhart, la directrice de la DEA. La raison : le manque d’éthique de ses agents. Le scandale atteignit son point culminant lorsque les agents des services secrets d’Obama en personne furent les acteurs d’événements similaires à Cartagena de Indias, lors de la préparation du Sommet des Amériques en 2012.

L’année dernière, malgré la célèbre liste annuelle des États-Unis pour discréditer les nations à propos des drogues, l’Organisation des États américains (OEA) souligna l’efficacité du gouvernement vénézuélien dans ses efforts pour arrêter ce fléau. L’ambassadeur du Venezuela à l’OEA, Roy Chaderton, rejeta la disqualification des Etats-Unis sous le prétexte des drogues et le gouvernement vénézuélien dut émettre un communiqué déclarant que « Nous n’accepterons pas que les États-Unis aient l’intention d’utiliser la lutte contre le narcotrafic comme un mécanisme de domination et violation de la souveraineté de notre pays ».

Chavez, DEA et Uribe

Dans sa tentative de représenter le Venezuela via les FARC-EP, Alias Morice a essayé de mettre Chavez sur la scène. Mais il mentionne également l’ancien président colombien Uribe et sa famille, sans vouloir développer le côté le plus sombre de ce personnage, à savoir la relation d’Uribe avec les paramilitaires et leurs infiltrations actuelles au Venezuela.

Dans un passé pas si lointain que cela, Washington tenta également de lier le président Chavez avec le terrorisme, le narcotrafic, et bien sûr de disqualifier son mandat sous l’appellation de "dictature", et en lui prêtant toutes les méchancetés que l’on puisse imaginer.

Cependant, et malgré cette "telenovela" impressionnante, la seule chose concrète et officielle qui restera dans les annales du DEA sera le dossier N°82 contre Alvaro Uribe, un fichier issu des services de renseignements des Etats-Unis, qui l’accuse de narcotrafic et blanchiment d’argent.



Washington, D.C., 1 August 2004 –
« L’ancien sénateur et actuel président de la Colombie, Alvaro Uribe était un ami proche de Pablo Escobar. Uribe s’occupait d’établir un partenariat entre le cartel [de la drogue] de Medellin et les hauts officiers du gouvernement [le gouvernement colombien de l’époque], selon des sources de l’agence de renseignement des Etats-Unis et de l’agence DIA [rédigés] par des officiers en Colombie ».

Fin de la 1ère partie ...à suivre dans le Journal de Notre Amérique n°5

Source : Journal de Notre Amérique n°4, Mai 2015.

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