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ONG : Organisations non grata ? De plus en plus de pays interdisent la présence des ONG sur leurs territoires Publié le : mercredi 8 juin

ONG : Organisations non grata ?

De plus en plus de pays interdisent la présence des

 


ONG sur leurs territoires


Depuis le succès retentissant des révolutions colorées qui ont balayé, dans les années 2000, plusieurs pays d’Europe de l’Est ou les ex-Républiques soviétiques, les missions politiques de nombreuses ONG (Organisations Non Gouvernementales) ont été mises en évidence. Sous les fallacieux prétextes de l’exportation de la démocratie, des droits de l’Homme et de la liberté d’expression, ces organisations – qui sont en essence des OG (organisations gouvernementales) ­– travaillent selon des agendas concoctés par les stratèges de la politique étrangère de pays Occidentaux.

Dans ce domaine, la palme revient très certainement aux États-Unis, pays qui a élevé la pratique en art absolu, difficilement égalable. En effet, le pays de l’oncle Sam s’est doté d’une panoplie d’entités politico-caritatives spécialisées dans la déstabilisation non-violente de pays considérés comme « non-amicaux » ou « non-vassaux ». Ces organismes bénéficient d’un encadrement politique de choix, de moyens matériels colossaux en plus d’un financement régulier et conséquent. Méthodiquement actualisées, les techniques utilisées sont redoutablement efficaces surtout lorsqu’elles ciblent des pays autocratiquement gouvernés ou en prise avec de sérieux problèmes socioéconomiques.
Les organismes étasuniens d’« exportation » de la démocratie les plus emblématiques sont l’USAID (United States Agency for International Development), la NED (National Endowment for Democracy), l’IRI (International Republican Institute), le NDI (National Democratic Institute for International Affairs), Freedom House et l’OSI (Open Society Institute). Excepté le dernier, tous ces organismes sont principalement financés par le gouvernement américain. L’OSI, quant à lui, fait partie de la Fondation Soros, du nom de son fondateur George Soros, le milliardaire américain, illustre spéculateur financier. Inutile de préciser que Soros et sa fondation travaillent de concert avec le département d’État américain pour la « promotion de la démocratie ».
Et le tableau de chasse est éloquent : Serbie (2000), Géorgie (2003), Ukraine (2004), Kirghizstan (2005) et Liban (2005). Malgré quelques échecs cuisants – Venezuela (2007) et Iran (2009) – le succès a été de nouveau au rendez-vous avec ce qui a été improprement nommé « printemps » arabe (2011). L’implication des organismes américains d’« exportation » de la démocratie a été clairement démontrée dans les révoltes qui ont secoué les pays arabes « printanisés » – Tunisie et Égypte – et ceux où une guerre civile fait encore rage à l’heure actuelle – Libye, Syrie et Yémen.
La relative efficacité avec laquelle ces déstabilisations sont réalisées et leur apparente spontanéité témoignent du rôle de cheval de Troie de ces « ONG » épaulées par un réseau d’activistes autochtones adéquatement formés par le biais d’officines spécialisées.
Afin de se prémunir contre l’effet néfaste de ces bouleversements, de nombreux pays ont interdit ces organisations sur leur sol, à titre prophylactique ou curatif.
Ainsi, le 8 février 2012, soit quasiment une année après la chute du président Moubarak, les journaux du monde entier reprenaient une nouvelle en provenance du Caire : « Égypte : la justice accuse des ONG d’activités "politiques" illégales ». On pouvait y lire : « Ces tensions font suite à des perquisitions dans 17 locaux d’ONG égyptiennes et internationales le 29 décembre dernier. Parmi elles, figurent les organisations américaines National Democratic Institute (NDI), International Republican Institute (IRI) et Freedom House ».


Quarante-trois employés égyptiens et étrangers d’ONG présentes en Égypte ont été accusés d’avoir reçu des financements étrangers illégaux et de s’être ingérés dans les affaires politiques du pays. Parmi eux, figure Sam LaHood, responsable de la section Égypte de l’International Republican Institute (IRI) et fils du ministre américain des Transports Ray LaHood.
Depuis 2014, les ONG travaillant en Égypte ont l’obligation de s’enregistrer auprès des autorités sans quoi, elles risquent la saisie de leurs biens ou des poursuites judiciaires. D’autre part, les autorités doivent également approuver tout financement venant de l’étranger.
Outre l’Égypte, certains pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) se sont dotés de lois interdisant ou renforçant le contrôle des ONG sur leurs sols.
La Russie, qui n’a pas été épargnée par des tentatives de révolutions colorées, a légiféré dans ce sens. En 2012, le président russe Vladimir Poutine a signé une loi qualifiant les ONG recevant des fonds étrangers « d’agents de l’étranger ». L’USAID a été tout particulièrement ciblée : elle a été interdite par Moscou le premier octobre 2012 pour « ingérence dans la vie politique russe ».


La liste des ONG « indésirables » en Russie s’est allongée en 2015. Parmi elles, on peut citer la NED, le NDI, l’IRI, Freedom House et l’OSI de Soros .
La journaliste Julia Famularo s’est posé la question à savoir si les autorités russes et chinoises collaborent dans le domaine de la lutte contre les ONG « toxiques ». Toujours est-il que la Commission chinoise de sécurité nationale (NSC) a commencé à enquêter officiellement sur le sujet dès 2014. Finalement, tout comme la Russie, la Chine a récemment légiféré sur la question. À partir du premier janvier 2017, les ONG étrangères seront contraintes à s’enregistrer auprès du Ministère de la sécurité publique et permettre à la police de scruter leurs activités et leurs finances. Le New York Times relève que les organisations telles que la NED et l’OSI sont particulièrement visées par la nouvelle réglementation. Il est clair que les manifestations qui ont secoué Hong Kong en 2014, baptisés « révolution des parapluies », ne sont pas étrangères au durcissement de la loi chinoise sur les activités des ONG. En effet, il a été montré que la NED, Freedom House et le NDI étaient largement impliqués dans les évènements.
Voir aussi, sur E&R :

À lire, chez Kontre Kulture :

ONG : Organisations Non Grata

printemps arabe
    Depuis le succès retentissant des révolutions colorées qui ont balayé, dans les années 2000, plusieurs pays d’Europe de l’Est ou les ex-Républiques soviétiques, les missions politiques de nombreuses ONG (Organisations Non Gouvernementales) ont été mises en évidence [1].
Sous les fallacieux prétextes de l’exportation de la démocratie, des droits de l’Homme et de la liberté d’expression, ces organisations – qui sont en essence des OG (organisations gouvernementales) ­– travaillent selon des agendas concoctés par les stratèges de la politique étrangère de pays Occidentaux. Dans ce domaine, la palme revient très certainement aux États-Unis, pays qui a élevé la pratique en art absolu, difficilement égalable. En effet, le pays de l’oncle Sam s’est doté d’une panoplie d’entités politico-caritatives spécialisées dans la déstabilisation non-violente de pays considérés comme « non-amicaux » ou « non-vassaux ». Ces organismes bénéficient d’un encadrement politique de choix, de moyens matériels colossaux en plus d’un financement régulier et conséquent. Méthodiquement actualisées, les techniques utilisées sont redoutablement efficaces surtout lorsqu’elles ciblent des pays autocratiquement gouvernés ou en prise avec de sérieux problèmes socioéconomiques [2].
Les organismes étasuniens d’« exportation » de la démocratie les plus emblématiques sont l’USAID (United States Agency for International Development), la NED (National Endowment for Democracy), l’IRI (International Republican Institute), le NDI (National Democratic Institute for International Affairs), Freedom House et l’OSI (Open Society Institute). Excepté le dernier, tous ces organismes sont principalement financés par le gouvernement américain. L’OSI, quant à lui, fait partie de la Fondation Soros, du nom de son fondateur George Soros, le milliardaire américain, illustre spéculateur financier. Inutile de préciser que Soros et sa fondation travaillent de concert avec le département d’État américain pour la « promotion de la démocratie ».

ONG Soros





Et le tableau de chasse est éloquent : Serbie (2000), Géorgie (2003), Ukraine (2004), Kirghizstan (2005) [3] et Liban (2005) [4]. Malgré quelques échecs cuisants – Venezuela (2007) et Iran (2009) – le succès a été de nouveau au rendez-vous avec ce qui a été improprement nommé « printemps » arabe (2011). L’implication des organismes américains d’« exportation » de la démocratie a été clairement démontrée dans les révoltes qui ont secoué les pays arabes « printanisés » – Tunisie et Égypte – et ceux où une guerre civile fait encore rage à l’heure actuelle – Libye, Syrie et Yémen [5].
La relative efficacité avec laquelle ces déstabilisations sont réalisées et leur apparente spontanéité témoignent du rôle de cheval de Troie de ces « ONG » épaulées par un réseau d’activistes autochtones adéquatement formés par le biais d’officines spécialisées [6].
Afin de se prémunir contre l’effet néfaste de ces bouleversements, de nombreux pays ont interdit ces organisations sur leur sol, à titre prophylactique ou curatif.
Ainsi, le 8 février 2012, soit quasiment une année après la chute du président Moubarak, les journaux du monde entier reprenaient une nouvelle en provenance du Caire : « Égypte : la justice accuse des ONG d’activités “politiques” illégales » [7].  On pouvait y lire : « Ces tensions font suite à des perquisitions dans 17 locaux d’ONG égyptiennes et internationales le 29 décembre dernier. Parmi elles, figurent les organisations américaines National Democratic Institute (NDI), International Republican Institute (IRI) et Freedom House ».

ONG perquisitionnées au Caire (Euronews, le 29 décembre 2011)

Quarante-trois employés égyptiens et étrangers d’ONG présentes en Égypte ont été accusés d’avoir reçu des financements étrangers illégaux et de s’être ingérés dans les affaires politiques du pays. Parmi eux, figure Sam LaHood, responsable de la section Égypte de l’International Republican Institute (IRI) et fils du ministre américain des Transports Ray LaHood [8].
Depuis 2014, les ONG travaillant en Égypte ont l’obligation de s’enregistrer auprès des autorités sans quoi, elles risquent la saisie de leurs biens ou des poursuites judiciaires. D’autre part, les autorités doivent également approuver tout financement venant de l’étranger [9].
Outre l’Égypte, certains pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) se sont dotés de lois interdisant ou renforçant le contrôle des ONG sur leurs sols.
La Russie, qui n’a pas été épargnée par des tentatives de révolutions colorées, a légiféré dans ce sens. En 2012, le président russe Vladimir Poutine a signé une loi qualifiant les ONG recevant des fonds étrangers « d’agents de l’étranger » [10]. L’USAID a été tout particulièrement ciblée : elle a été interdite par Moscou le premier octobre 2012 pour « ingérence dans la vie politique russe » [11].

USAID en Russie

La liste des ONG « indésirables » en Russie s’est allongée en 2015. Parmi elles, on peut citer la NED, le NDI, l’IRI, Freedom House et l’OSI de Soros [12].
La journaliste Julia Famularo s’est posé la question à savoir si les autorités russes et chinoises collaborent dans le domaine de la lutte contre les ONG « toxiques ». Toujours est-il que la Commission chinoise de sécurité nationale (NSC) a commencé à enquêter officiellement sur le sujet dès 2014 [13]. Finalement, tout comme la Russie, la Chine a récemment légiféré sur la question. À partir du premier janvier 2017, les ONG étrangères seront contraintes à s’enregistrer auprès du Ministère de la sécurité publique et permettre à la police de scruter leurs activités et leurs finances. Le New York Times relève que les organisations telles que la NED et l’OSI sont particulièrement visées par la nouvelle réglementation [14]. Il est clair que les manifestations qui ont secoué Hong Kong en 2014, baptisés « révolution des parapluies », ne sont pas étrangères au durcissement de la loi chinoise sur les activités des ONG. En effet, il a été montré que la NED, Freedom House et le NDI étaient largement impliqués dans les évènements [15].

La Chine légifère contre les ONG étrangères

De son côté, l’Inde a aussi sorti ses griffes contre les ONG étrangères. En 2015, le gouvernement du premier ministre Narendra Modi a annulé les licences de pas moins de 9000 d’entre elles et a considérablement restreint le financement provenant de donateurs étrangers [16].

Inde : le gouvernement s’en prend aux ONG par france24. Le gouvernement ferme 9000 ONG étrangères.

Quant au Brésil, il devrait se méfier : les manifestations contre la présidente Dilma Rousseff et sa destitution ont des airs de « révolution colorée » tel qu’expliqué par la spécialiste des questions latino-américaines et brésiliennes, Micheline Ladouceur [17].
Il n’y a pas que la Russie qui a eu maille à partir avec l’USAID. Notons qu’une résolution des pays de l’ALBA (Alianza Bolivariana para los Pueblos de Nuestra América) demandant l’expulsion immédiate de l’USAID des pays membres de l’alliance a été signée en juin 2012. Les signataires étaient la Bolivie, Cuba, l’Équateur, la Dominique, le Nicaragua et le Venezuela [18].

Alba TCP







Les pays de l’ALBA

Parmi les pays arabes, les Émirats arabes unis (EAU) ont procédé, en 2012, à la fermeture des bureaux de plusieurs ONG étrangères dont le NDI [19]. En janvier 2016, le député jordanien Zakaria Al-Cheikh a demandé à la chambre basse du Parlement de Jordanie de mettre fin aux activités de ce même organisme arguant qu’il « constitue un danger pour la sécurité nationale » [20].
Le député jordanien Zakaria Al-Cheikh: Le NDI est un danger pour la sécurité publique arabe (31 janvier 2016)
(Mon livre “ArabesqueS” est cité vers la 10e minute)

Il va sans dire que le bilan sanglant et catastrophique du funeste « printemps » arabe aura certainement pour conséquence le serrement de l’étau contre les ONG « toxiques », qui ne sont en réalité ni « non-gouvernementales » ni caritatives. Elles passeront alors du statut spécieux d’« Organisations Non Gouvernementales » à celui salutaire d’« Organisations Non Grata ».

Notes:
  1. G. Sussman et S. Krader, « Template Revolutions : Marketing U.S. Regime Change in Eastern Europe », Westminster Papers in Communication and Culture, University of Westminster, London, vol. 5, n° 3, 2008, p. 91-112https://www.westminster.ac.uk/file/7561/download?token=CYB8Szpq
  2. Ahmed Bensaada, « Arabesque$: Enquête sur le rôle des États-Unis dans les révoltes arabes », Éditions Investig’Action, Bruxelles, 2015, chap. 2
  3. Ibid., chap. 1
  4. Ahmed Bensaada, « Liban 2005-2015 : d’une révolution colorée à l’autre », Afrique Asie, Octobre 2015, pp. 50-58http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=323:liban-2005-2015-dune-l-revolution-r-coloree-a-une-autre&catid=46:qprintemps-arabeq&Itemid=119
  5. Ahmed Bensaada, « Arabesque$: Enquête sur le rôle des États-Unis dans les révoltes arabes », Op. Cit., chap. 5 et 6
  6. Ibid., chap. 1 et 3
  7. AFP, « Egypte: la justice accuse des ONG d’activités “politiques” illégales », Le Point.fr, 8 février 2012http://www.lepoint.fr/monde/egypte-la-justice-accuse-des-ong-d-activites-politiques-illegales-08-02-2012-1428827_24.php
  8. AFP, « Égypte : début du procès de membres d’ONG égyptiennes et étrangères », L’Express, 26 février 2012, http://www.lexpress.fr/actualites/1/actualite/egypte-debut-du-proces-de-membres-d-ong-egyptiennes-et etrangeres_1086667.html
  9. France 24, « Le pouvoir égyptien renforce son contrôle sur les ONG », 10 novembre 2014, http://www.france24.com/fr/2014110-focus-egypte-ong-controle-enregistrement-liberte-sissi-freres-muslmans-lutte-terrorisme
  10. AFP, « Russie : les ONG “agents de l’étranger” selon une loi signée par Vladimir Poutine », Le Huffington Post, 21 juillet 2012, http://www.huffingtonpost.fr/2012/07/21/russie-les-ong-agents-de-etranger-loi-vladimir-poutine_n_1691436.html
  11. AFP, « USAID interdite en Russie », La Presse, 19 septembre 2012http://www.lapresse.ca/international/europe/201209/19/01-4575522-usaid-interdite-en-russie.php
  12. RIA Novosti, « Soros and MacArthur Foundations among 12 NGOs in “patriotic stop list” », Meduza, 8 juillet 2015, https://meduza.io/en/news/2015/07/08/soros-and-macarthur-foundations-among-12-ngos-in-patriotic-stop-list
  13. Julia Famularo, « The China-Russia NGO Crackdown », The Diplomat, 23 février 2015, http://thediplomat.com/2015/02/the-china-russia-ngo-crackdown/
  14. Edward Wong, « Clampdown in China Restricts 7,000 Foreign Organizations», The New York Times, 28 avril 2016, http://www.nytimes.com/2016/04/29/world/asia/china-foreign-ngo-law.html?_r=1
  15. Ahmed Bensaada, « Hong Kong : un virus sous le parapluie », Reporters, 14 octobre 2014, http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=294:hong-kong-un-virus-sous-le-parapluie&catid=46:qprintemps-arabeq&Itemid=119
  16. Pierre Cochez, « Bras de fer entre le gouvernement indien et les ONG », La Croix, 7 juillet 2015, http://www.la-croix.com/Monde/Bras-de-fer-entre-le-gouvernement-indien-et-les-ONG-2015-05-07-1310076
  17. Micheline Ladouceur, « ”Révolution de couleur” à la brésilienne. Qui a peur de Dilma ? », Mondialisation.ca, 19 mars 2016, http://www.mondialisation.ca/revolution-de-couleur-a-la-bresilienne-qui-a-peur-de-dilma/5514116
  18. ALBA-TCP, « ALBA Expels USAID from Member Countries », Venezuela Analysis, 22 juin 2012, http://venezuelanalysis.com/news/7069
  19. Samir Salama, « German, US institutes in UAE closed », Gulf News, 5 avril 2012,http://gulfnews.com/news/uae/government/german-us-institutes-in-uae-closed-1.1004603
  20. Ammon News, « Le député Al-Cheikh : le NDI représente un danger pour la sécurité nationale », 31 janvier 2016, http://www.ammonnews.net/article.aspx?articleno=257727
Source: Afrique Asie:
http://www.afrique-asie.fr/menu/actualite/10127-ong-organisations-non-grata

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Affaire « ChuzaDAS »: huit années d’espionnage et de barbarie

Affaire « ChuzaDAS »: huit années d’espionnage et de barbarie

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     Espionnage, menaces, persécutions et assassinats contre des leaders socia les professeurs et les syndicalistes sociaux et politiques, les exilé(es) colombiens… Une longue série de faits graves qui ont eu lieu lors des deux dernières périodes du gouvernement d’Alvaro Uribe sont l’objet d’une impressionnante investigation dans «ChuzaDAS», le nouveau livre du reporter Julián F.Martinez. Un texte qui réhabilite la mémoire historique et la dignité de celles et ceux qui ont été pourchassés par des opérations extrajudiciaires d’infiltration et d’harcèlement par l’État. Mettre en lumière ce délicat chapitre de la Colombie est indispensable afin que l’histoire ne se répète pas. Interview réalisée par Jorge Freytter-Florian & Alex Anfruns.


Dites-nous, qui est Julián F. Martínez ?
C’est une question difficile car parler de soi est une tâche complexe, non seulement à cause du risque de tomber dans les auto-éloges mais aussi car il faut avoir la capacité d’être auto-critique. Julián Martínez est un citoyen colombien tout ce qui a de plus banal et qui a trouvé dans le journalisme la meilleure façon de parler de sa patrie. Cela fait 8 ans que je travaille comme reporter professionnel et je travaille actuellement à Noticias Uno qui est un journal télévisé indépendant qui émet les week-ends en Colombie. Là je me charge des sujets judiciaires, environnementaux, des droits de l’homme, de la politique ainsi que la corruption dans l’administration publique. La philosophie du journal permet de nous ouvrir sur divers champs pour développer des projets d’investigations sous la directive de notre supérieur, le journaliste Ignacio Gomez. J’ai étudié la communication sociale et le journalisme et j’ai toujours pensé que notre Colombie avait besoin de reporters qui exercent leurs métier de manière indépendante et toujours avec distance par rapport au pouvoir.
Dans quel contexte fut rédigé le livre : ChuzaDAS ?
ChuzaDAS fut rédigé par la nécessité de laisser un document historique qui restaure la vérité sur des faits graves qui ne doivent pas se répéter. Mais également parce que le dossier et le nombre d’inculpés allaient ”crescendo” et parce que plusieurs fois dans les journaux ou à la télévision on parlait de ces délits de manière biaisée.
Le président Álvaro Uribe a changé le DAS (Departamento Administrativo de Seguridad, services de renseignement colombiens, NdT) en une police militaire pour satisfaire son intérêt personnel et politique. La police du président a commis plusieurs délits graves, de l’interpellation illégale au crime, puisque le DAS est arrivé à assassiner des défenseurs de droits de l’homme et syndicalistes pour le simple fait d’avoir fait une critique du gouvernement. En plus de cela, le DAS a élaboré des campagnes de terreur, des menaces de mort, des stratégies d’intimidation, de suivis, d’espionnage et le sabotage des activités que développaient légitimement les critiques du gouvernement Uribe. Cinq groupes ont été déclarés comme ennemis de la politique de “sécurité démocratique” : des défenseurs de droits de l’homme, des syndicalistes, des journalistes indépendants, des adversaires politiques et des magistrats de haute cours. N’importe qu’elle personne qui se trouvait dans ces groupes et qui montrait sa divergence avec le président finissait dans la liste noire du DAS.
Ainsi, j’ai toujours été sûr depuis 2009, époque où a explosé le scandale, que les Chuzadas (écoutes téléphoniques illégales) du DAS non seulement allait être plus négatif que le président Uribe lui-même, mais que la gravité des crimes exécutés avait besoin d’une explication complète pour que l’opinion publique comprenne. De cette manière, un livre pouvait raconter à la société simplement et clairement pour qu’il comprenne pourquoi et comment on a utilisé le renseignement d’état et comment celui-ci a employé des méthodes illicites et même protégé les vrais terroristes en Colombie, puisque le gouvernement du président Uribe protégeait les paramilitaires.
Certains d’entre eux se réunissaient avec les secrétaires de la Présidence à la Casa de Nariño pour élaborer des campagnes diffamatoires contre les juges de la République qui enquêtaient sur les liens des congressistes ”Uribistes” avec des organisations paramilitaires.
Le livre ChuzaDAS n’est pas la transcription d’un dossier judiciaire, ce n’est pas non plus un pamphlet ou mes simples opinions contre le président Uribe. Le livre ChuzaDAS est un reportage avec de profondes recherches qui mettent en évidence les liens entre Uribe et des membres de sa famille avec ce scandale, les histoires des victimes qui ont osé contredire sa manière de gouverner ainsi que les versions judiciaires. La justice colombienne a condamné deux des cinq directeurs du DAS, mais il reste encore à inculper beaucoup de complices dans son gouvernement, qui auront à expliquer à la justice, par exemple, pourquoi ils se sont associés avec des membres du Bureau d’Envigado, une organisation narcoterroriste de Medellín, pour discréditer à la Cour Suprême de Justice les secrétaires César Mauricio Vélasquez et Edmundo del Castillo, avec approbation du président Uribe.
Vous parlez dans votre livre de “dictatures silencieuses”, et d’une violation permanente de la liberté publique, ces aspects se caractérisent-ils dans le Gouvernement du monsieur Álvaro Uribe Vélez ?
En réalité le terme “dictature silencieuse” est œuvre du préfacier du livre, le docteur Ramiro Bejarano Guzmán, qui a été victime du DAS. Ils l’ont suivi lui, ainsi que sa famille. Mais fondamentalement ce que le livre révèle et qui n’est pas soutenu selon une opinion mais par des preuves et des faits, consiste en ce que le gouvernement d’Álvaro Uribe a fait tout son possible pour restreindre la liberté publique et légitime de l’opposition. Contre les ONGs des droits de l’homme, ils ont exécuté un plan dénommé “Opération Transmilenio”, imaginé par José Miguel Narváez Martínez, qu’Uribe a récompensé en lui donnant la sous-direction du DAS. Narváez est liée au crime de Jaime Garzón, à la séquestration de Piedad Cordoba et au meurtre de Manuel Cepeda Vargas, le leader de l’Union Patriotique (1994).
“L’Opération Transmilenio” a été une stratégie pour délégitimer le travail des organisations sociales qui promouvaient la défense des droits de l’homme et parlaient de paix. Il faut rappeler que parler de paix en Colombie, dans le gouvernement d’Uribe, était qualifié d’acte terroriste ; ils assimilaient toujours les défenseurs des droits de l’homme avec les FARC.
Les organisations de droits de l’homme, comme le Collectif d’Avocats José Alvear Retrepo, le Cinep, la Commission Colombienne de Juristes, entre autres, parce que c’était 120 organisations poursuivies par le DAS, développaient une tâche légitime qui consistait à surveiller la politique de “sécurité démocratique”. Ces organisations ont découvert que depuis septembre 2003, l’Armée colombienne déguisait des paysans en guérilleros en les présentant comme des combattants. Ce travail d’investigation a tant déstabilisé Uribe qu’il a ordonné au DAS d’en finir avec le “cauchemar des défenseurs de droits de l’homme”. Et effectivement, ils se sont exécutés.
Uribe a publiquement ordonné d’exécuter ces délits. De cette façon, l’opinion publique a pu se remémorer ces moments terribles pour le pays afin qu’ils ne se répètent pas, car une société informée peut ainsi mesurer les conséquences du choix de mettre au pouvoir des personnes comme Álvaro Uribe.
Considérez- vous que le livre “ChuzaDAS” est une preuve permettant de dire que le Gouvernement d’Alvaro Uribe Vélez a mené une opération systématique contre l’opposition politique ?
En effet, le livre raconte l’histoire, par exemple, des congressistes déjà cités Piedad Córdoba et Gustavo Petro. Ils ont tous les deux été des objectifs institutionnels. Ils n’ont pas été seulement poursuivis, la Casa de Narino (siège du pouvoir exécutif colombien) avait décidé d’en finir avec eux. Ils ont déclaré leur mort politique.
En parlant de ces deux cas, j’explique comment le DAS a divisé l’opération en trois phases. D’abord, ils ont intercepté les téléphones, et les schémas de la sécurité que le gouvernement octroyait pour leur protection n’était pas pour leur intégrité mais pour les espionner. Or, les interceptions ne révélaient pas de délit. Alors la deuxième phase a commencé, cela a consisté à les intimider, à les menacer. S’infiltrer dans leur vie privée. À les espionner au plan international. Le DAS a réussi à obtenir un contrôle total de leurs activités 24h/24, mais ils n’ont jamais rien trouvé d’illicite. Alors là arrive la troisième phase, la campagne de discrédit.
Des campagnes diffamatoires ont été faites pour que l’opinion publique les rattache à la guérilla, ainsi le DAS faisait des pamphlets et des vidéos pour les répandre sur les réseaux sociaux, dans les universités et les ambassades pour salir le nom de ces personnes. Ce travail de discrédit a terminé avec la destitution de Piedad Cordoba de la part du procureur Alejandro Ordóñez en 2010. Ce qui n’a pas été tenu en compte par le procureur a été cette opération menée contre Piedad Cordoba. Cependant, je pense qu’elle pourra revenir en politique. Le livre ChuzaDAS raconte qu’un membre du DAS a raconté à la justice qu’ils avaient reçu l’ordre de la Casa de Narino de créer un procès disciplinaire à l’encontre de Piedad Cordoba, comme ils l’ont effectivement fait.
Dans votre livre vous soulignez la relation des entreprises financières et de la téléphonie avec le DAS (Departamento Administrativo de Seguridad), quels liens ont été trouvés et dans quels aspects partageaient-ils une information, violant ainsi les protocoles de confidentialité de ces mêmes organismes financiers et de téléphonie ?
Dans le chapitre 7, le lecteur trouvera les preuves qui lient les entreprises Movistar et Comcel au scandale des écoutes du DAS. Entre 2005 et 2006, le directeur des services secrets a écrit dans un rapport confidentiel que la police de la Présidence avait scellé un accord avec ces deux multinationales pour “canaliser les demandes d’information en relation avec les abonnés, des appels entrants, sortants et perdus, et la situation du dernier appel. Et cela durant 24 heures, tous les jours et les jours de fête”. C’est-à-dire que ces compagnies livraient au DAS toute l’information de ses clients que le DAS exigeait. Le livre révèle aussi qu’il y a un registre de 183 millions d’appels.
Malgré ces faits, le Ministère public colombien ne s’est pas prononcé. Peut-être que dans un autre pays ils auraient fait des recherches approfondies.
Dans cette dénommée « campagne contre-insurrectionnelle en Colombie » ils avaient un instructif, le DAS, pour faire avancer toutes ses opérations, comment avez-vous pu obtenir cette documentation et quel est le contenu de ces archives?
Je ne peux pas révéler mes sources. Mais le livre ChuzaDAS a particulièrement puisé ses ressources dans les 51.500 documents que le Ministère public a trouvés dans le DAS en mars 2009. C’est-à-dire que nos recherches se sont basées sur ces nombreux documents, mais notre investigation contient beaucoup plus, car elle inclut les documents qui ont été détruits lorsque le scandale a éclaté. Notre détective qui avait infiltré la cours suprême de justice a révélé que l’ordre avait été donné de faire disparaître des millions de preuves. En général, une partie des interceptions qu’elle a fait du DAS par des ordres de la Casa de Nariño, notamment lors des campagnes diffamatoires pour relier à des activités délictueuses les ONGs, les journalistes indépendants, les adversaires politiques et les magistrats honnêtes qui enquêtaient sur les ”parapolitiques” .
Quelle différence existe-t-il dans le Gouvernement d’Alvaro Uribe Vélez et le Gouvernement de Juan Manuel Santos en ce qui concerne l’idée de déclassifier les archives de l’opération de contre-insurrection et d’espionnage ?
Uribe et Santos défendent pratiquement les mêmes intérêts, je ne vois pas de différence fondamentale entre ces deux gouvernements. Cependant, Uribe a été si imprudent et il stigmatisait tant les personnes qui le critiquaient que Santos paraît plus honnête. Et effectivement, Santos ne discrédite pas ses adversaires en les taxant de terroristes, mais nous n’avons pas à le remercier pour ça, c’est son devoir. En revanche Uribe accusait les gens qui le critiquaient d’être terroristes et cela se poursuivait par des menaces de mort, d’espionnage, de suivis, ainsi que les campagnes de discréditation qu’exécutait le DAS.
Maintenant, que Santos ne fasse pas la même chose qu’Uribe ne signifie pas que la Colombie ait éradiqué la politique de persécution de l’État colombien contre l’opposition ou les journalistes indépendants.
Le scandale de la Police tourne autour du gouvernement de Santos, spécifiquement sous la gestion du général controversé Rodolfo Palomino, qui est plongé dans un scandale d’arrestations illégales contre des journalistes comme Vicky Dávila, ex-directrice de FM, ou le journaliste Enrique Tapias de Noticias Uno, entre autres. Il a été prouvé que Vicky Davila était suivie par une voiture des services de renseignement et la justice n’a pas pu déterminer les menaces de la mort qu’a subies le journaliste Enrique Tapias qui elles, proviendraient de la police. Ces deux journalistes enquêtent depuis presque trois ans sur la corruption dans la Police Nationale incluant des meurtres, des liens avec la mafia et un réseau de prostitution.
Pour l’instant, il n’y a pas de volonté de déclassifier les archives. Les organisations de droits de l’homme se battent pour obtenir cette déclassification depuis des décennies, puisque les suivis illégaux viennent des administrations antérieures à celles d’Uribe. Ce qui différencie le scandale du gouvernement Uribe avec les autres, consiste dans le fait que les opérations illégales étaient planifiées dans la propre Casa de Nariño à quelques mètres du bureau du président, qu’il ne s’agissait pas d’une infiltration de la mafia dans le DAS ; cette mafia co-gouvernait avec le service présidentiel.
Dans votre livre vous expliquez clairement la dénommée: “Opération Europe”, une opération d’espionnage et de montages judiciaires contre organismes, personnalités, entités gouvernementales européennes, ONG(S) et des collectifs de réfugiés. Par exemple, l’ “Assemblée constituante des exilés/persécutés de l’état” développe une dénonciation à l’échelle internationale sur cette opération. Comment s’est-elle structurée et contre qui cette opération était- elle dirigée ? Quels documents déclassifiés avons-nous pour preuve ? Pouvez-vous décrire les grandes lignes de cette opération dans le continent européen ?
“L’Opération Europe” était destinée à espionner toutes les organisations sociales qui avaient des liens avec le Collectif d’Avocats ”José Alvear Restrepo”. Elle était aussi destinée à discréditer les députés européens de gauche qui tentaient de faire des investigations sur la situation des droits de l’homme en Colombie.
L’opération s’est structurée à la suite d’une visite du président Uribe en février 2004 au parlement européen à Strasbourg, en France. Là, le président a traité de “guérillero” le docteur Reynaldo Villalba, un fervent défenseur colombien de droits de l’homme qui était à cette époque en Europe pour dénoncer la vérité qui rôdait autour de la politique de “sécurité démocratique”. Depuis cette date, un détective du DAS a été nommé pour qu’il coordonne l’espionnage dans le vieux continent. On dénombre au moins 20 organisations des droits de l’homme d’Espagne, de France et de Belgique qui ont été espionnées par le DAS. Suite à cela, deux plaintes ont été déposées, l’une à Bruxelles et l’autre à Madrid, contre Álvaro Uribe, Jorge Noguera et Germán Villalba accusés ”d’espionnage international”.
La tâche consistait à discréditer ces organisations à travers pamphlets et créations de pages web pour les lier avec les FARC. Le détective Villalba devait infiltrer les réunions de ces organisations, prendre des photos des participants et faire des rapports pour les envoyer à Bogotá et là-bas informer le président sur ces activités. Le livre raconte comment le détective Villalba a infiltré une réunion en Espagne de Colombiens exilés membres du parti communiste. L’homme a fait son rapport avec cette information et a volé la liste des participants. Nous ne savons pas encore en Colombie et dans l’Europe les dimensions de cet espionnage, puisque ici peu de personnes ont fait des recherches sur ce sujet. Nous espérons qu’il y ait justice, car le livre ChuzaDAS raconte, en plus de cela, qu’un exilé colombien en Espagne, qui apparaît comme victime de ces espionnages, a par la suite été assassiné à son retour en Colombie.
Clairement, l’objectif de cette opération était de discréditer ces personnes aux yeux de l’opinion publique, salir les organisations colombiennes et les citoyens européens qui s’intéressaient à la situation de notre pays. Et bien entendu que le mouvement d’exilés colombiens en Europe, pour la majorité d’entre eux victimes du conflit armé, soit espionné par le DAS.
Y a-t-il un lien entre les pouvoirs de facto régionaux et le scandale des écoutes du DAS?
Tout l’appareil d’espionnage du DAS en Colombie s’est principalement occupé de persécuter les organisations de défense des droits de l’homme. Les 27 sections du DAS n’étaient pas là pour protéger les citoyens mais avaient une ligne directrice claire qui consistait à espionner et poursuivre les détracteurs du président. Il y avait 7039 personnes, la majorité d’entre elles sans savoir qu’elles étaient utilisées, disposées à satisfaire les caprices du président Uribe. Tout ce qu’a exécuté le DAS, dont aujourd’hui des membres du gouvernement Uribe sont condamnés, l’a été sans ordre judiciaire. Tout a été exécuté dans l’ombre et en croyant que la société ne serait jamais informée de ces méfaits. Et encore, nous savons qu’énormément d’événements terribles sont encore inconnus à ce jour, et je sais que mon livre raconte à peine 1% de ce qu’a fait Uribe, en collaboration avec le Departamento Administrativo de Seguridad (DAS).
«L’un des plus clairs symptômes de la maladie du pouvoir consiste à confondre les intérêts personnels avec ceux de l’État … Les renseignements d’État ont été utilisés pour poursuivre les membres de la Cour Suprême de Justice et les journalistes qui enquêtaient sur les liens entre des hommes politiques affiliés au gouvernement et les mafias paramilitaires. Le travail de Julián F. Martínez montre comment cette opération criminelle a été mise en œuvre depuis la Casa de Nariño (siège du pouvoir exécutif colombien)”. 
Source : Le Journal de Notre Amérique no.15, Investig’Action
Traduction: Collectif Investig’Action
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