۱۳۹۴ شهریور ۱۸, چهارشنبه

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26 août 2015
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Cémoi ou la vraie fausse « première chocolaterie » ivoirienne. A quoi cela sert-il à l’AFP [Agence France Presse] d’avoir un bureau local doté de plusieurs journalistes si elle n’est même pas capable de savoir que cela fait des décennies que des chocolateries industrielles existent en Côte d’Ivoire ? Fallait-il tout simplement lire que l’usine de Cémoi était la première chocolaterie française en Côte d’Ivoire ?



C’est une sorte de « fable » sur le pouvoir qu’exerce, au sein des frontières hexagonales et ailleurs, l’Agence France Presse (AFP) sur les sujets internationaux, notamment les sujets africains. Le 18 mai dernier, Patrick Poirrier, le patron du groupe industriel français Cémoi, inaugure sa chocolaterie à Abidjan, en présence du chef de l’Etat Alassane Ouattara. Patriotisme économique oblige, l’AFP couvre cette actualité avec zèle. Et commence sa dépêche ainsi :

« Faire du chocolat pour les Ivoiriens » : la Côte d’Ivoire a inauguré lundi sa première usine de chocolat, une denrée jusqu’alors inaccessible pour la plupart des habitants d’un pays qui est depuis des décennies le premier producteur mondial de cacao.

Le hic – car il y a un hic – c’est que l’usine de Cémoi n’est absolument pas la première chocolaterie à caractère industriel à ouvrir ses portes en Côte d’Ivoire. Les Ivoiriens qui, depuis une trentaine d’années grandissent avec des marques de chocolat comme Mambo, Choconut, etc… sont les propriétés de Chocodi, une usine créée par la filiale locale du groupe suisse Barry Callebaut dans les années 1970, revendue à des intérêts locaux en 2008, et qui connait désormais quelques difficultés. En dehors de Chocodi, une autre chocolaterie a été créée en 2010 dans la zone industrielle de Yopougon, à Abidjan, et continue de « tourner » . Son nom ? Professional Food Industry (PFI). C’est une filiale du groupe local SATOCI, contrôlée par des intérêts ivoiro-libanais.

A quoi cela sert-il à l’AFP d’avoir un bureau local doté de plusieurs journalistes si elle n’est même pas capable de savoir que depuis des décennies des chocolateries industrielles existent en Côte d’Ivoire ? Fallait-il tout simplement lire que l’usine de Cémoi était la première chocolaterie française en Côte d’Ivoire ?

Il est frappant de constater que de nombreux médias, y compris locaux, y compris spécialisés dans l’économie, ont repris cette dépêche manifestement erronée et mal informée de l’AFP. Le Monde Afrique a même maintenu intact son titre, «  Une première chocolaterie au pays du cacao » après avoir précisé, dans le corps de l’article, que Chocodi avait précédé Cémoi dans ce domaine dès 1978. Où l’on se rend compte que la diversité des sites de « news » entraîne plus souvent la duplication ad nauseum d’une erreur là où on pouvait s’attendre à une multiplicité des regards et des sources, donc à un enrichissement de l’information.

L’erreur de l’AFP peut s’expliquer par un phénomène qui s’observe dans les rédactions, mais aussi dans les chancelleries : un ivoiro-optimisme forcené, quasiment obligatoire, qui ne lésine pas sur les superlatifs pour décrire un pays qui « émerge » après une « décennie » de crises. Il faut donc se donner l’impression qu’il y a des « ruptures », des avancées à pas de géant, voire des miracles quotidiens. Il faut construire une légende, et non se contenter de raconter le réel. Du coup, une « première chocolaterie », ça en jette beaucoup plus que – tout simplement – une «  nouvelle chocolaterie ».

Source : Journal de l’Afrique 12, juillet 2015, Investig’Action.

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