Fondé en 1961, l’Atlantic Council (Conseil de l’Atlantique) se proclame « cercle de réflexion atlantiste influent auprès de l’OTAN« . L’Atlantic Council publie des documents favorables à la coopération transatlantique et internationale. Il déclare encourager ainsi le libre-échange entre les deux continents et, dans une moindre mesure, avec le reste du monde.
« Idées, Influence, Impact. » Thinktank ou machine de guerre?
Selon sa charte, l’Atlantic Council est, depuis sa création, une institution non partisane, avec des membres modérés des deux tendances « gauche et droite ». En dépit de ses connexions, le Conseil se dit indépendant du gouvernement des États-Unis et de l’OTAN.
A / Qui sont ses intervenants ?
Zbigniew Brzezinski, grand stratège néocon.
Très présent sur ce forum, Zbigniew Brzezinski est le géostratège qui a conseillé les présidents Jimmy Carter, George W. Bush et Barack Obama. L’Atlantic Council offre à Zbigniew Brzezinski une
tribune permanente, lui permettant par exemple de rabâcher sans relâche son couplet favori du moment : «
il est dans l’intérêt des américains que l’occident arme l’Ukraine« .
Le président Ukrainien remercie l’AtlanticCouncil et précise qu’il vaincra à l’aide de son soutient.
L’Ukraine constitue l’enjeu essentiel [pour soumettre l’Eurasie] […]. Si l’occident devait choisir entre une Ukraine démocratique et une Ukraine indépendante, ce sont les intérêts stratégiques et non des considérations démocratiques qui devront déterminer notre position. » Dans
un entretien accordé au Nouvel Observateuren janvier de la même année (1998), Brzezinski explique «
Pourquoi et comment il a financé Ben Laden en Afghanistan« .
Anders Fogh Rasmussen est également très présent dans les dossiers et conférences de l’
Atlantic Council. Ancien premier ministre Danois, Anders Fogh Rasmussen a fortement soutenu dans la « période Bush » la guerre en Irak de 2003. Rasmussen affirmait «
L’Irak a des armes de destruction massive. Ce n’est pas quelque chose que nous pensons, c’est quelque chose que nous savons. » Toutefois une contrevérité, même de ce calibre, ne l’a pas empêché de devenir le 12ème secrétaire général de l’OTAN (du 1er août 2009 au 1er octobre 2014).
En Avril 2014, l’ex maoïste, ex Premier ministre du Portugal et 11ème président de la Commission européenne José Manuel Barroso, s’est déplacé à Washington pour recevoir
le Prix du Leadership 2014 de l’Atlantic Council. Une distinction qui peut s’expliquer par le fait qu’un an auparavant, Barroso l’ultra- libéral avait relancé
le Marché transatlantique, vaste espace économique, politique et militaire dominé par les Etats-Unis. Mme Clinton avait qualifié ce projet d’ «
OTAN économique ».
B / A quoi ressemblent les débats organisés par l’Atlantic Council ?
L’une des spécialités de l’Atlantic Council est la mise en place de tables rondes qui ont actuellement pour objectif de convaincre de la permanence du leadership des États-Unis dans un monde souvent qualifié de « post-occidental ».
Prix du meilleur citoyen global, parmis les nominés: Shimon Peres, président d’Israël ou encore Petro Poroshenko, président d’Ukraine
Ces rencontres réunissent un panel de représentants des gouvernements des affaires et de la sphère politico-médiatique. Par exemple : «
Macro-tendances 2030 : les États-Unis pourront-ils rester leader dans un monde post-occidental ? » Pour animer ce débat, une directrice de la Fondation Bertelsmann à Washington DC, Annette Heuser, un néocons historique, Robert Kagan, chef de file des néo-conservateurs et cofondateur avec William Kristol du think tank «
Project for the New American Century » (PNAC), et pour parfaire le tout, Moisés Naí, Directeur exécutif du FMI,
fabricant de misère comme l’a montré John Paul Kampfner pour la BBC. Moisés Naím est également chroniqueur pour de nombreux journaux dont El Pais, The New York Times et Slate en France. Naím est enfin membre du conseil d’administration de la « Dotation nationale en faveur de la Démocratie » (
NED, National Endowment for Democracy), une fondation financée par le gouvernement américain. Un des fondateurs de la NED,
Allen Weinstein, expliquait au
Washington Post que « bien des choses qu’ils [à la NED] faisaient maintenant étaient faites clandestinement par la CIA 25 ans auparavant »
Autres intervenants
sur ce fil de discussion du site de l’Atlantic Council, cette fois consacré au droit maritime, nous retrouvons entre autres Leon Panetta, Directeur de la CIA et ancien secrétaire général de la Maison Blanche sous Bill Clinton,
John Negroponte, ambassadeur américain qui soutenait secrètement
les Escadrons de la mort au Honduras, Bruce Josten de la Chambre de Commerce américaine, et enfin Martin J. Durbin de l’American Petroleum Institute.
De facto ces « dialogues » n’ont rien de démocratique. Il n’y a pas le moindre débat contradictoire à l’Atlantic Council, seulement des recherches de convergences d’intérêts entre lobbyistes cumulards qui partagent des points de vue similaires sur la plupart des questions d’ordre économique ou géostratégique.
En substance, la préoccupation principale de ces échanges peut se résumer en deux points :
- Les Etats-Unis sont en train de perdre leur leadership et tout doit être mis en oeuvre pour récupérer la première place.
- Pour y parvenir, il est primordial de favoriser au maximum la réduction de la réglementation financière sur les sociétés transnationales.
C / Qui sont les directeurs et les directeurs honorifiques de l’Atlantic Council ?
Parmi un parterre bien choisi de fonctionnaires de l’armée américaine, d’affairistes ou bien de professionnels des médias, il semble instructif de dégager quelques personnalités et de relater certains de leurs faits d’armes qui indéniablement confirment le caractère cynique et suprémaciste de l’Atlantic Council.
Kissinger, Baker, Albright, Powell, Clinton et Kerry.
Madeleine Albright, Secrétaire d’Etat sous Clinton, protégea certains criminels alliés à l’OTAN durant la guerre de Yougoslavie. Dans la même période, elle justifia publiquement la mort de 500 000 enfants irakiens par embargo.
Colin Powell, secrétaire d’Etat de l’administration Bush, prononça à l’ONU un discours sur les armes de destruction massive en Irak. Les « preuves » qu’il avançait se sont révélées fausses, mais ce rapport servit de prétexte à Bush pour envahir l’Irak.
Condoleezza Rice fut aussi secrétaire d’État sous les deux mandats de George W. Bush. Rice fait également partie de plusieurs conseils d’administration, dont celui du pétrolier Chevron. En avril 2014, sa nomination chez l’un des acteurs majeurs du stockage de données en ligne Dropbox occasionna
une polémique.
Wesley Clark, ancien général des Forces armées des États-Unis, fut chargé de diriger l’opération « Allied Force » (78 jours de bombardements sur l’ex Yougoslavie). Wesley Clark fut le conseiller militaire d’Hillary Clinton pour la primaire démocrate de 2008.
H. Kissinger et J. Baker. Malgré leurs 91 et 84 ans ils restent des éléments clés de la politique étrangère des USA.
James Baker, chef de cabinet de Reagan, directeur de campagne puis secrétaire d’état de GH Bush, conseillé juridique de GW Bush pour faire annuler la victoire d’Al Gore , conseiller du groupe Carlyle et président d’une commission sur l’Irak il prôna le maintient des USA en Irak.
Très actif et pro-guerre sur les fronts Syrien et Ukrainien de l’impérialisme US.
Frank C. Carlucci, ex directeur de la CIA, deviendra directeur du
Carlyle Group, une société qui unissait par de multiples intérêts les familles Bush et Ben Laden.
Robert M. Gates, directeur de la CIA lui aussi, deviendra secrétaire à la Défense des États-Unis sous la présidence de Bush et conservera son poste sous Obama. Dans les années 1980, il fut impliqué dans le scandale Iran-Contra.
D / Qui finance l’Atlantic Council ?
«
L’Atlantic Council exprime sa gratitude envers les fondations privées, les agences US et étrangères, les entreprises et les personnalités qui le soutiennent. Ces soutiens permettent au Conseil de mettre en oeuvre une propagande de qualité et de produire des analyses régulières, entérinant par là-même la poursuite de sa mission« .
Atlantic Council Supporters.
Nous pouvons dégager six catégories de pourvoyeurs de fonds : l’Industrie de l’armement (essentiellement aéronautique et spatiale), le pétrole et l’énergie, la finance internationale, les médias et la communication, les Départements d’Etat américains, et les gouvernements.
Quelques uns des sponsors : multinationales de l’armement, de l’énergie, de la finance ou encore des médias…
1 L’industrie de l’armement
Airbus Group, Lagardère et Daimler sont très présents dans le secteur aéronautique civil et militaire. Safran est un grand groupe industriel et technologique français très actif sur les marchés civils, militaires et spatiaux. Thales est spécialisé dans l’aérospatial et la défense. Avascent est une entreprise au service de la défense et de l’aéronautique.Sikorsky Aircraft Corporation est un constructeur américain d’avions et d’hélicoptères. Qineti est une multinationale britannique spécialisée dans le domaine de la défense.MDPA Missiles Systèmes est un sous-traitant d’Airbus Group. ATK est une entreprise américaine jouant un rôle majeur dans les secteurs de l’armement. Textron est une entreprise américaine du secteur de l’aéronautique et de la défense, comme Raytheonspécialisée elle dans les domaines des systèmes de défense et l’électronique. ANA All Nippon Airways est une compagnie aérienne japonaise partenaire à la fois de Boeing et d’Airbus. Lockheed Martin est la première entreprise américaine et mondiale de défense et de sécurité. Leidos travaille avec le ministère américain de la Défense, et le constructeur automobile suédois Saab est aussi un constructeur aéronautique militaire et civil.
2 Le pétrole et l’énergie
Chevron Corporation est la deuxième compagnie pétrolière des États-Unis. Grupa Lotos SA est une holding pétrolière semi-publique polonaise. ENI est la société nationale italienne des hydrocarbures. Areva est une multinationale française du secteur de l’énergie. General Electric est un conglomérat américano-canadien qui opère aussi dans le domaine de l’énergie.
3 La finance Internationale
Bank of America, Merrill Lynch sont des banques d’investissement. Kulczyk Investments SA est une société d’investissement internationale. Barclays Capital est une banque d’investissement britannique. Blackstone est une banque d’investissement américaine et un important gestionnaire de hedgefunds. Intesa Sanpaolo est une banque italienne. MCB est la quatrième plus grande banque du Pakistan. Nous remarquons encore la banque Rockefeller Financial (groupe Rockefeller), la Banque Royale du Canada, et Kirkland & Ellis LLP qui est une société internationale d’avocats d’affaires. Enfin la Deutsche Bank est la plus importante banque d’affaire allemande.
4 Les médias et la communication
Thomson Reuters est une agence de presse canadienne, Orange Pologne est le principal opérateur polonais de télécommunications, Bloomberg LP est un groupe financier américain spécialisé dans les services aux professionnels des marchés financiers. Tenir Ihlas est une agence de nouvelles turque. Bertelsmann est représenté au sein de l’Atlantic Council par sa « fondation Bertelsmann » connue pour promouvoir les idées néolibérales. Le groupe allemand Bertelsmann est l’un des premiers groupes de presse européen. Century Fox est l’une des plus grandes sociétés de production cinématographique US. IBM est une multinationale présente dans les domaines liés au matériel informatique et leurs réseaux, et Microsoft est la première entreprise mondiale d’informatique et de micro-informatique.
5 Les Départements d’Etat américains
Département de l’énergie des USA, Département de l’Armée de l’Air des USA (US AIR FORCE), Département de la Marine des USA (US NAVY), Conseil du Renseignement national des USA, Département d’État des USA (Ministère des Affaires étrangères).
6 Les gouvernements
Canada – Commission européenne – Emirats Arabes Unis – Estonie – Géorgie – Grande-Bretagne – Hongrie – Irlande du Nord – Koweït – Lettonie – Lituanie – Luxembourg – Macédoine-Monténégro – République slovaque – République tchèque – Singapour – Taipei.
E / L’Atlantic Council en France
1 Nicholas Dungan, un homme d’influence
Dugan, sur les plateaux de France24 et BFM, présenté comme « expert » des USA à l’IRIS
Nicholas Dungan est le principal représentant de l’Atlantic Council sur les plateaux de la télévision française. En 2013, l’employé de la CIA et de la NSA, Edward Snowden révèle que les services secrets américains espionnent les européens dans des proportions considérables, un dossier très embarrassant pour les États-Unis qui s’apprêtent à ouvrir les négociations sur le traité de libre échange avec l’UE. Sur
France 24, Dungan revient sur les révélations de Snowden. Si dans un premier temps il souligne l’aspect néfaste de cette affaire en termes d’image, très vite il fustige la démarche de Snowden en proférant que celui-ci a violé la loi et il invoque la lutte contre le terrorisme pour minimiser l’attitude étasunienne. En fait, il nous ressert un argument qui, aujourd’hui encore chargé d’émotion, se suffit à lui-même, mais qui avant tout ici permet de se débarrasser des questions embarrassantes : «
Il faut comprendre qu’aux États-Unis, on ne s’est par remis des attentats du 11 septembre 2001. » (
Les Etats-Unis n’ont jamais cessé d’espionner la France). Dungan conclura son intervention en affirmant que l’ensemble des pays européens veulent ce traité de libre échange… Rappelons qu’en 2014, année des élections européennes,
55 % des Français n’ont jamais entendu parler de ce traité.
Le politologue Nicolas Dungan est membre de la
Chatham House, une société savante britannique ultra droitière qui accueille des conférenciers influents : Christine Lagarde, Madeleine Albright, Ellen Johnson Sirleaf, Abdullah Gül, Anders Fogh Rasmussen, Herman Van Rompuy… Nicholas Dungan est également Conseiller spécial à l’
IRIS qui est dirigé par le journaliste Pascal Boniface, mais surtout Nicholas Dungan est un ex-Président de la
French American Foundation, un Cheval de Troie du libéralisme américain dans la société française qui compte parmi ses anciens disciples, communément appelés « Young Leaders »,
une ribambelle de journalistes et de personnages politiques français de droite comme de gauche.
2 Les parutions de l’Atlantic Council influencent-elles les opinions françaises ?
Cliquez pour voir des exemples d’informations distillées par l’Atlantic Council dans les médias français.
Avec le temps, l’Atlantic Council s’est imposé dans les médias français comme une référence en matière d’économie et de politique internationale. Aussi il est très courant que des journaux tels que
Le Monde,
Le Point, ou
Le Figaro utilisent les analyses de l’Atlantic Council. Et même davantage : il y a une véritable « interaction » entre la presse occidentale et l’Atlantic Council qui à son tour reprend les chroniques du
Monde, du
Figaro, mais aussi du quotidien économique et financier britannique
Financial Times, ou encore de l’hebdomadaire néoconservateur
The Weekly Standard. Finalement, dans sa grande majorité, la presse de masse française a un lien direct avec l’Atlantic Council qui peut poursuivre ainsi sans trop d’embarras son entreprise à marche forcée d’ « OTANisation des esprits ».
Conclusion
L’Atlantic Council est un lobby qui regroupe en son sein une multitude d’anciens secrétaires d’Etat américains, et il entretient des liens étroits avec l’état américain. L’Atlantic Council est financé par des états et des multinationales qui engrangent des bénéfices colossaux dans les secteurs liés directement ou indirectement à la guerre. Véritable bélier au service des guerres sous faux prétextes, (Yougoslavie, Afghanistan, Irak, Libye), l’Atlantic Council est la représentation parfaite du réseau de propagande efficace et moderne qui réunit les plus hauts niveaux des différents pouvoirs (politiques, médiatiques, financiers, administratifs et militaires). L’OTAN possède avec l’Atlantic Council un outil idéal pouvant convaincre du bien-fondé de ses actions un public très large du fait des différentes apparences de ses mandataires. Ces propagandistes ont un autre avantage, celui de communiquer sans jamais avoir en face le moindre contradicteur.
Il s’agit du 1er article d’une série de quatre billets sur l’OTAN