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17 septembre 2015
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« La première victime de la guerre, c’est la vérité », aurait affirmé Rudyard Kipling. Un constat particulièrement vrai dans le cas tragique de la Syrie. Je propose dans cet article de déconstruire la validité d’une série de graphiques abondamment relayés dans les médias occidentaux ces derniers jours et qui tendraient à prouver le caractère unilatéralement criminel de l’action de Bachar Al-Assad dans la guerre civile.

Le 13 septembre dernier, mon attention a été attirée par un tweet de Kenneth Roth, Directeur exécutif de Human Rights Watch, diffusant un graphique affirmant que seulement 6% des opérations de Bachar Al-Assad étaient dirigées contre Daesh. L’illustration n’étant accompagnée d’aucune source, j’ai demandé à connaître les origines de cette information, rappelant le soutien précoce de la population syrienne à Assad, comme l’avait révélé un sondage qatari dans le Gulf Times en décembre 2012.

Kenneth Roth n’a pas daigné répondre à mon message, mais un certain « Abdul » (@al_7aleem), sous pseudo donc, a repris le flambeau reproduisant une autre infographie, toujours à charge d’Assad, affirmant que « 95,4% des civils tués en Syrie » l’ont été par le régime (1) . Pressé par la nécessité de dévoiler ses sources, il affirme que les données viennent d’une « organisation de droits de l’homme basée en Syrie » et qu’elles ont été compilées par le « Syrian Network for Human Rights ».
Ce « réseau syrien » ne serait, selon Abdul, « pas financé par des gouvernements étrangers » et « imposerait des mesures strictes de validation ». Il est important de noter ici que des quotidiens aussi prestigieux que Le Monde ont repris ces graphiques, comme en témoigne un article sous la plume de Maxime Vaudano, paru le 8 septembre dernier, avec un titre non équivoque reprenant les conclusions du SNHR sans les questionner : « En Syrie, qui de l’EI ou du régime de Bachar Al-Assad a fait le plus de victimes ? » (2). À noter également que le site Internet du SNHR a une rubrique reprenant les différents médias qui le citent (3).
Comme nous allons le voir, ces affirmations sont des mensonges éhontés. Intéressons-nous au fameux « Réseau syrien des Droits de l’Homme ». Sur sa page de présentation, il se présente comme une organisation « indépendante » qui enquête sur « les violations commises par toutes les parties » dans le conflit syrien depuis 2011. Cette organisation, comme l’est l’Observatoire syrien des Droits de l’Homme aujourd’hui largement discrédité (4) , est enregistrée au Royaume-Uni – une information, qui en soi, n’est pas neutre. Cependant, elle affirme s’appuyer sur « des dizaines de chercheurs et d’activistes » en Syrie. Le problème majeur de cette page d’information ? Rien n’est dit sur ses financements. Or l’on sait d’une part qu’un tel travail nécessite des fonds importants et on sait par ailleurs que personne n’est assez fou pour financer une organisation qui agit contre ses propres intérêts. Ainsi, trouver qui finance le SNHR permet de comprendre quels sont les intérêts de cette organisation. Comme je le disais plus haut, le SNHR se garde bien de préciser qui sont ses bailleurs de fonds. En revanche, le site Internet nous apprend que ce « réseau syrien » est membre du ICRtoP (International Coalition for the Responsability to Protect), comme le montre la capture d’écran qui suit :



Cette « coalition internationale » fait référence à une norme stipulant la « responsabilité de protéger » et servant à justifier l’ingérence militaire dans des pays étrangers. Elle a été gravée dans le marbre avec le document final du sommet mondial des Nations unies de 2005. En soi, ce principe est très contestable car, selon les forces en présence et les intérêts des différents acteurs, il autorise d’attaquer un pays tiers. En cela, il s’oppose au droit international et au principe de non-ingérence qui impose le « respect de la souveraineté politique d’un État par la non-intervention dans ses affaires intérieures » (5). Le ICRtoP n’est pas non plus très explicite quant à ses financements. Mais, comme pour le SNHR, il est possible de remonter à une organisation « parent » grâce au site Internet. En effet, la correspondance pour le ICRtoP doit être adressée au « World Federalist Movement – Institute for Global policy », comme on peut le voir ci-dessous :



Le « World Federalist Movement – Institute for Global Policy » est en revanche plus loquace que les deux précédentes organisations-écrans en ce qui concerne ses financements. Sur sa page « about us – our funders », une liste exhaustive des bailleurs de fonds nous apprend combien les organisations que le mouvement finance sont « indépendantes » et « non gouvernementales ». Jugez-en par vous-mêmes (6) :



Une enquête détaillée de chacun des financements serait sans doute très éclairante, mais ce n’est pas l’objet de cet article. Que voyons-nous ? D’abord que de très nombreux gouvernements, contrairement à ce qu’Abdul avait pu affirmer, financent le SNHR, via le ICRtoP et le World Federalist Movement. Dire que cette organisation n’est pas financée par des fonds gouvernementaux est donc un mensonge patent. Il est intéressant d’ailleurs de constater que parmi ces gouvernements (dont l’Union européenne elle-même), tous sont dans le camp « occidental ». On ne trouve pas, par exemple, de financement russe ou vénézuélien. Ainsi, l’ensemble des bailleurs de fonds rend compte d’une uniformité idéologique évidente. Or, rappelons-le : personne ne souhaite financer une organisation allant contre ses intérêts.

Les gouvernements ne sont pas les seules sources de financement du World Federalist Movement (ni sans doute les plus grosses, bien que les chiffres ne soient pas avancés). En première position, on retrouve la Fondation Ford et, un peu plus loin, l’Open Society Foundations du spéculateur milliardaire étasunien, né en Hongrie, George Soros. Se présentant comme un philanthrope, le trader Soros s’était fait connaître en 1992 en dirigeant une attaque spéculative contre la Livre Sterling, laquelle plongea l’Angleterre dans la récession, avec d’épouvantables conséquences sociales. L’année suivante, Soros fonde l’Open Society Institute qui, comme le rappelle pour nous Bruno Drweski, « soutient à la fois la libéralisation des économies et le morcellement du tissu social par une politique favorisant, sous prétexte de tolérance, l’émergence d’identités culturelles, ethniques, religieuses, morales juxtaposées et opposables les unes aux autres ». Très lié au groupe Carlyle et au complexe militaro-industriel, « Soros coopère et co-finance des initiatives lancées par des organismes comme Human Rights Watch, Freedom House, National Endowment for Democracy. »

Nombreuses sont donc les sources qui dénoncent combien ces organisations liées au Département d’État étasunien, ont participé à la déstabilisation de plusieurs pays dans le monde en formant et en finançant les oppositions (7) , au mépris total du droit de non-ingérence (8). On est donc loin, très loin, d’organismes « indépendants » dont l’objectif serait d’apporter une information rendant compte des violations commises par toutes les parties en présence.

Et qu’en est-il des deux protagonistes qui ont relayé ces informations sur Twitter ? Kenneth Roth, comme expliqué en début d’article, est précisément le Directeur de Human Rights Watch, une organisation elle aussi financée par George Soros (9) . Tandis qu’Abdul est l’animateur d’un blog cherchant à « discréditer les médias assadistes » (10) .



L’iconographie utilisée sur son blog et, en particulier, l’image d’un poing levé n’est pas innocente. Illustrant initialement le mouvement serbe Otpor ! (dont George Soros fut, une nouvelle fois, un des bailleurs de fonds), l’image a été ensuite utilisée pendant les révoltes arabes par des jeunes activistes dont l’auteur Ahmed Bensaada a montré dans son livre Arabesque américaine (11) qu’ils étaient formés et financés par différents organismes proches de la CIA. Ainsi, le militant sur Twitter @al_7aleem est lui aussi lié aux intérêts étasuniens ou, en tout cas, se réclame de cette filiation.

L’armée et les renseignements syriens ont commis des exactions et en commettent certainement encore. Il n’y pas de guerre « propre ». Cependant, les graphiques mensongers plébiscités par la presse occidentale tendent à faire du camp syrien le principal responsable des massacres. Ainsi, l’appui de l’Otan et de ses alliés aux groupes fanatiques et la confiscation précoce du mouvement populaire sont occultés. Comme est occulté le fait qu’en Syrie, à l’instar de la Libye, l’objectif n’était pas, selon les termes de l’Open Society Foundations, de « renforcer la loi, le respect des Droits de l’Homme, des minorités, la diversité des opinions et les gouvernements démocratiquement élus » mais, au contraire, de semer le chaos.

Source : Investig’Action

Notes : 1. L’ensemble de la conversation est accessible sur twitter, @manuwath.

2. http://www.lemonde.fr/les-decodeurs...

3. http://sn4hr.org/blog/category/inmedia/

4. Même Atlantico.fr souligne « l’indiscutable subjectivité » de cet « observatoire :http://sn4hr.org/blog/category/inmedia/

5. http://www.larousse.fr/dictionnaire...

6. http://www.wfm-igp.org/content/our-...

7. http://www.michelcollon.info/Des-mi...

8. Pour plus d’informations à ce sujet, Investig’Action a publié de nombreux articles qu’une recherche sur « Soros » permet de retrouver en partie : http://www.michelcollon.info/spip.p...

9. https://www.hrw.org/news/2010/09/07...

10. http://the-assad-debunkation.tumblr.com/

11. Un livre dont Investig’Action publiera dans les jours qui viennent une nouvelle édition augmentée.

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17 septembre 2015
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Ces 4 dernières années, Le Monde nous a habitués aux caricatures les plus absurdes sur le conflit syrien. Mais le 8 septembre dernier, leur journaliste Maxime Vaudano, a dépassé toutes les bornes de la décence dans son tract intitulé « En Syrie, qui de l’EI ou du régime de Bachar Al-Assad a fait le plus de victimes ? ». Court et pauvre en informations, ce texte ressemble davantage à un document militant destiné à frapper les esprits qu’à un article de fond. Le Monde affuble le texte d’un graphique « camembert » pour épater la galerie et lui donner un pseudo-fond scientifique. Puis il enchaîne sur une formule magique aux vertus hypnotisantes : 80 % de victimes syrienne sont le fait des forces gouvernementales ! Et voilà, le tour est joué. Il n'en fallait pas plus pour que le gouvernement français, la gauche interventionniste et les analystes pro-OTAN reprennent en chœur ce slogan publicitaire relevant de la pure intox. Explications.


Le RSDH, une ONG qui avoue faire de la désinformation

Pour nous faire avaler son papier mensonger, le journaliste « Mondain » se base sur le Réseau syrien des droits de l’homme (RSDH), une officine de la Coalition nationale syrienne financée par les soi-disant « Amis de la Syrie » (USA, Canada, pétromonarchies du Golfe, France, Angleterre, Turquie). Le choix de citer le RSDH plutôt que l’OSDH pourtant considéré comme une source fiable par les médias dominants n’est pas anodin.

Depuis que feu le propagandiste Ignace Leverrier (décédé le 21 août dernier) a publié un pamphlet contre l’OSDH qu’il accuse de connivences avec Assad, les journalistes les plus hostiles à la paix en Syrie s’en méfient. (1) Pour attaquer l’OSDH, le défunt mentor et menteur du Monde Ignace Leverrier, s’appuie sur un « nombre d’opposants syriens » sans préciser ses sources. L’une des preuves du manque de fiabilité du directeur de l’OSDH serait, selon lui, ses prétendues origines alaouites. Bien que Leverrier plaide pour une Syrie pluraliste et démocratique, il fait de l’identité alaouite un indice de « mauvaise foi » de Rami Abdel-Rahman alias Oussama Souleimane.

Or, s’il convient de filtrer l’info en provenance de toute ONG agissant dans un contexte de guerre, les bilans avancés par l’OSDH sont relativement plus fiables que ceux du RSDH car ils ont le mérite de mentionner les très nombreuses victimes militaires et civiles pro-Assad.

De l’aveu même de son président Fadel Abdoul Ghany, le RSDH ne comptabilise d’ailleurs même pas le nombre de victimes pro-gouvernementales. « Le président du RSDH admet avoir très peu d’information sur les pertes dans les rangs du régime » reconnaît Nicolas Hénin, auteur du pamphlet anti-syrien « Jihad Academy » (2).

Le graphique en forme de fromage publié par le « journal » Le Monde est donc bien une imposture puisqu’il gomme d’un seul trait des milliers de victimes pro-Assad en prétextant un manque d’information. Joli coup d’esbroufe.

Récapitulons. Le Monde et Libé font les gros titres avec un chiffre avancé par l’opposition qui ne reprend quasi que les victimes de l’opposition. Et ça vient nous donner des leçons d’objectivité. Le jour de la publication du fameux camembert puant du Monde, la gauche moraliste a sauté sur l’occasion pour nous rappeler qu’il fallait surtout intervenir contre Assad ou attaquer simultanément Daech et Assad. Pour permettre au Front al Nosra, branche syrienne d’Al Qaeda, de conquérir Damas ?

La campagne contre les barils d’explosifs d’Assad, une arme de guerre contre la Syrie

La guerre, par définition, ça tue et en Syrie, la guerre tue beaucoup d’innocents.

La guerre de Syrie est donc comme toutes les guerres, une sale guerre.

Les belligérants du conflit syrien étant implantés dans la population, les dommages collatéraux sont énormes de part et d’autre de la ligne de front.

Dans cette guerre sale et complexe, l’armée syrienne a fait le choix d’utiliser une arme artisanale et redoutable contre les djihadistes : les barils d’explosifs.

Efficace contre les tunnels, cette arme, comme toutes les armes, est à double tranchant. Elle tue en effet de manière indiscriminée adultes et enfants, civils désarmés et dangereux terroristes.

De leur côté, quand ils ne font pas détonner des explosifs dans des tunnels, les djihadistes arrosent les quartiers pro-Assad de missiles, d’obus de mortier et des bonbonnes de gaz bourrées d’explosifs tirées par ce qu’ils appellent les « canons de l’enfer ». Au mieux, ils paralysent la vie des citoyens en postant des snipers qui tirent dans le tas.

Ces crimes commis en quantités industrielles semblent peu préoccuper les médias occidentaux.

Pourtant, depuis le début de la guerre, à Alep ouest ou dans les enclaves chiites de Nubbol et Zahra, dans la périphérie de Damas, à Deraa ou à Hassaké, dans les villages loyalistes de Homs et Hama, dans les enclaves chiites de Fouaa et Kefraya à Idlib, dans le quartier chrétien de Bab Touma ou les zones druzes de Jaramana, des milliers de civils ont été tués par des tirs rebelles islamistes.

Face aux attentats kamikazes, aux attaques à la voiture piégée, aux embuscades contre les civils ou aux exécutions de masse, nos médias ne se montrent pas plus indignés.

Seuls les crimes de l’armée syrienne (et dans une moindre mesure de Daech) semblent les intéresser.

Voyons ce que nous dit le RSDH sur les barils d’explosifs d’Assad.

Durant le mois d’août 2014, 1591 barils auraient été largués sur les zones contrôlées par les groupes armés. Ces barils auraient tué 115 personnes (3).

Si 1591 barils ont servi à tuer 115 personnes, cela signifie qu’Assad a besoin de quasi 14 barils pour tuer une seule personne. 13,8 barils exactement.

Bien entendu, nous regrettons les désastres humains occasionnés par ces barils et souhaitons vivement que l’armée syrienne renonce à utiliser ce type d’armes.

Il faudrait pour cela que les djihadistes cessent de bombarder les quartiers pro-gouvernementaux.

Or, les tirs sur les zones civiles contrôlées par le gouvernement augmentent.

De plus, aucune ONG occidentale ne milite pour la démilitarisation des groupes anti-Assad.

Il est évident que l’interdiction des barils d’explosifs ou des avions de guerre à elle seule ne suffira pas à arrêter l’effusion de sang.

Tout au plus permettra-t-elle d’inverser le rapport de force.

Elle donnera surtout l’occasion aux groupes anti-Assad de commettre toujours plus de crimes contre les citoyens syriens loyalistes.

Quand des hommes veulent se faire la guerre, une simple cuiller peut devenir une arme.

Ce n’est donc pas sur les moyens mais sur les raisons de la guerre qu’il faudrait agir pour arriver à la paix. Si tel est l’objectif.

Pour le RSDH en particulier, seule compte la capitulation d’Assad.

En d’autres termes, tous les Etats du monde sont autorisés à combattre le terrorisme excepté l’Etat syrien.

C’est précisément la position officielle de Londres, Paris, Washington, Ankara, Doha et Riyad.

Et le RSDH ose se proclamer « non gouvernemental ».


Les forces syriennes perdent plus de 20.000 hommes en un an, plus de 94.000 en 2000 jours de guerre

Il est difficile de connaître avec précisions le nombre de soldats et de civils armés tués du côté gouvernemental.

La raison principale en est que l’armée syrienne comme toutes les armées en guerre, cache ses pertes pour ne pas saper le moral des troupes.

Notre méconnaissance des pertes militaires est également due au manque d’intérêt de nos gouvernements et de nos médias à propos d’une réalité politiquement contre-productive.

Il arrive d’ailleurs souvent que notre presse évite de parler des victimes loyalistes « pour ne pas faire le jeu d’Assad ».

En censurant un camp, nos médias fabriquent un nouveau scénario de guerre digne de Walt Disney, avec des gentils très gentils d’un côté et des méchants très méchants de l’autre.

Les crimes commis par les rebelles dit « modérés » contre les forces syriennes et les civils syriens pro-gouvernementaux ont, eux, quasi disparu des écrans radar.

Nous sommes donc contraints de croiser la propagande djihadiste et les infos émanant de l’OSDH pour avoir le bilan le plus complet possible des pertes humaines du camp gouvernemental.

Nos recherches ont abouti à la conclusion que les forces loyalistes (civiles et militaires) saignent énormément depuis le début du conflit.

Par exemple, l’armée perd des hommes lorsque ses positions sont attaquées (nœud routier, colline stratégique, garnisons, check-points...). Dans le meilleur des cas, l’armée parvient à reprendre ces positions lors d’une contre-offensive mais au prix de lourdes pertes humaines.

Pour des raisons encore obscures, le bilan humain publié par le RSDH cité dans l’article du Monde se limite à une période d’un an, en l’occurrence d’août 2014 à août 2015.

Cette séquence de la guerre est plutôt mal choisie car elle donne raison au gouvernement syrien qui saigne plus que jamais depuis un an.

En effet, entre août 2014 et août 2015, plus de 20.000 Syriens pro-Assad ont trouvé la mort suite aux offensives de Daech, d’Ahrar al Cham, du Front al Nosra ou de l’Armée de l’islam proche de l’ASL.

En 4 ans de guerre, le mois d’août 2014 est de surcroît le mois le plus meurtrier pour les pro-Assad.

L’été 2014 à lui seul a un goût amer pour le gouvernement syrien. Fin juillet, plus de 500 loyalistes périssent dans la champ gazier d’Al Chaer à Homs suite à un assaut de Daech : ingénieurs, employés du complexe d’exploitation gazière, personnel de sécurité, militaires et volontaires des forces de défense nationale (NDF)... plus de 500 personnes sont tuées lors des combats ou exécutées par le groupe djihadiste.

Si l’on se penche sur la période épinglée par le RSDH en se basant uniquement sur les rapports d’Amnesty, de HRW, les dépêches de Reuters ou de l’AFP, on réalise que le camembert brandi par Le Monde est totalement fantaisiste.

Pour s’en rendre compte, observons de plus près certains des crimes commis contre les civils et militaires dits « loyalistes ».

Le 4 août 2014, Daech massacre onze membres de la minorité ismaélienne à Mzeiraa, un village de Hama. Sept frères d’une même famille sont exécutés y compris des enfants.

Toujours en août 2014, Daech massacre plus de 700 membres de la tribu sunnite pro-Assad des Chaïtat dans les villages de Ghranij, Abou Hammam et de Kashkiyyé à Deir Ezzor (4).

Le mois d’août 2014 est celui où près de 480 soldats sont tués lors d’affrontements ou exécutés à Raqqa. Daech conquiert tour à tour la Division 17, la Brigade 93 et la base de Tabqah, trois installations militaires situées dans la province de Raqqa. Tous les soldats faits prisonniers sont exécutés.

Voici à présent quelques autres épisodes tragiques de l’année écoulée que le RSDH censure ou minore dans ses rapports. (5)

Septembre 2014 : plusieurs civils sont tués suite à des tirs de roquettes contre le village de Mharda, province de Hama. Des dizaines de soldats sont tués sur le front de Quneitra par le Front al Nosra et leurs alliés composant le Front Sud.

Octobre 2014 : les terroristes attaquent une école dans le quartier majoritairement alaouite d’Akrama à Homs. 49 enfants tués. Certains écoliers succomberont plusieurs jours après l’explosion. Au même moment, des dizaines de soldats sont tués par le Front al Nosra à Al Harra dans la province de Deraa.

Le 26 octobre 2014 : attaque terroriste au « canon de l’enfer » contre l’école Houda Shaaraoui dans le quartier de Nouveau Suryan à Alep : au moins 2 morts, 26 blessés.

Le 27 octobre 2014 : attaque terroriste au « canon de l’enfer » contre l’école Al Kamal à Hamdaniyya à Alep. 4 enfants tués.

Le 28 octobre 2014 : Daech lance un énième assaut sur le champ gazier d’Al Chaer à l’est de Homs. Près de 60 loyalistes civils (ingénieurs, employés, gardiens) et militaires sont tués.

6 novembre 2014 : 2000 djihadistes menés par le Front al Nosra s’emparent de la Brigade 52 à Deraa. Plus de 20 soldats tués.

9 novembre 2014 : 5 ingénieurs (4 Syriens et un Iranien) sont abattus dans le Nord de Damas.

Décembre 2014 : L’armée syrienne perd 52 hommes lors d’une offensive de Daech contre les positions loyalistes à DeirEzzor.

14 décembre 2014 : Les terroristes conquièrent deux bases de l’armée à Idlib : Wadi Deif et Hamidiyeh. On dénombre au moins 31 soldats tués à 13 checkpoints conquis avant la prise de deux bases militaires.

31 décembre 2014 : attaque terroriste contre l’hôpital Al Andalous à Shahba, quartier d’Alep. Au moins 2 civils tués.

1e janvier 2015 : un groupe terroriste tire 4 roquettes sur le quartier pro-gouvernemental des Martyrs (al Shouhadah) à Alep. 13 morts, 18 blessés.

Janvier 2015, l’Armée de la conquête dominée par Al Qaeda pilonne les villages sous contrôle gouvernemental à Hama, dans le centre du pays. On ignore le nombre exact de civils et militaires tués à Saqlabiyah, Jourin, Salhab, ou Maharda. Plusieurs dizaines sans doute.

Février 2015 : L’armée syrienne appuyée par le Hezbollah tente de briser le siège des enclaves chiites de Nubbol et Zahra en avançant par le village de Ratyan et les fermes d’Al Mallah au Nord-ouest d’Alep. L’offensive est un échec. 134 soldats loyalistes sont tués.

Le 31 mars : Daech lance un raid contre le village mixte (musulman et chrétien) de Majaoubé à Hama. Plus de 30 personnes dont des femmes et des enfants sont fusillés, brûlés ou décapités.

Entre mars et août 2015, l’armée syrienne perd plus de 900 hommes sur le front Nord-ouest (Jisr al Choughour, Mastoumah, Ariha et Idlib et plaine du Ghab) face à l’Armée de la Conquête.

Le 25 avril 2015, l’Armée de la Conquête fait irruption dans le village alaouite d’Ishtabraq en province d’Idlib et y massacre entre 36 et 137 personnes dont plusieurs enfants en bas âge.

Selon un bilan OSDH publié le 24 mai 2015, 261 militaires et miliciens pro-Assad ont été tués à Jisr al-Choughour et ses environs entre le 22 avril et le 23 mai parmi lesquels 90 officiers, 11 généraux, 11 colonels, 3 lieutenants-colonels, 10 majors, 25 capitaines et 29 lieutenants.

Le 13 mai 2015, Daech lance la bataille de Palmyre en partant de la ville Sukhna (province de Homs). Daech pousse son offensive jusque Qaryataïn et les champs gaziers de Jazal. Là aussi, les forces gouvernementales perdent plus d’un millier d’hommes. Sans compter les civils exécutés pour leur origine confessionnelle ou leur « collaboration avec le régime ».

300 loyalistes sont également faits prisonniers ou portés disparus.

Le 11 juin 2015, Al Qaeda massacre 23 druzes dans le village de Qalb Lawzah à Idlib.

Durant l’été 2015, des dizaines de soldats et miliciens pro- gouvernementaux sont tués par les djihadistes du Front Sud à Deraa et Quneitra.

Le 23 août 2015, les djihadistes bombardent le quartier de la prison d’Adra et assassinent 10 citoyens.

Le 9 septembre 2015, la coalition djihadiste menée par Al Qaeda massacre près de 200 soldats lors de prise de la base d’Abou Dhouhour.

En fait, depuis le mois de février 2015, l’armée syrienne est sur la défensive. Elle évite de lancer des attaques terrestres inutiles et coûteuses en vies humaines vers des positions isolées et donc indéfendables (6). Elle se contente d’encaisser les coups, de repousser les attaques en espérant que l’ennemi se fatigue et capitule. Cette stratégie de repli coûte cher au gouvernement syrien qui ne cesse de perdre des hommes et du terrain devant près de 120.000 terroristes toujours mieux armés et toujours plus aguerris.

D’après l’OSDH, pas moins de 94.000 soldats, miliciens pro-Assad et volontaires étrangers (libanais, palestiniens, irakiens ou afghans) ont perdu la vie en quelques 2000 jours de guerre, soit plus d’un tiers du nombre total de victimes de la guerre (250.000 morts).

Ce chiffre effroyable équivaut à la population totale de Roubaix.

La réalité du conflit syrien est donc bien plus nuancée que le récit en noir et blanc servi par le RSDH et les médias français aux ordres.

Notes de bas de page

1. La crédibilité perdue de Rami Abdel-Rahman, directeur de l’Observatoire syrien des Droits de l’Homme dans le blog « Un œil sur la Syrie », 19 août 2014

2. Nicolas Hénin, Jihad Academy, Ed. Fayard, 2015, p. 110

3. La vidéo de campagne du RSDH sur les barils d’explosifs largués en août est accessible via le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=cNj...

4. Pour les massacres des 700 membres de la tribu Chaïtat à Ghraneidj, Abou Hammam et Al Keshkeyyi, cf : http://www.lepoint.fr/monde/syrie-l... )

5. La présente liste est non exhaustive. Elle ne cite aucune victime civile ou militaire pro-gouvernementale de Damas, Hassaké, Soueidaa ou Lattakia.

6. La seule offensive notable menée actuellement par l’armée syrienne vise le bastion djihadiste de Zabadani à l’ouest de Damas. Elle est appuyée par les Forces de défense nationale (NDF), le Hezbollah libanais et des miliciens palestiniens.

SOURCE : Investig’Action
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17 septembre 2015
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Quel impact pourrait avoir le rétablissement des relations diplomatiques entre Cuba et les Etats-Unis ? Obama a-t-il renoncé au désir historique de l'impérialisme US de renverser le gouvernement cubain ou s'agit-il d'un simple changement de tactique ? La normalisation de ces relations pourrait-elle affecter le modèle révolutionnaire cubain ? Spécialiste de Cuba et auteur du récent ouvrage "Cuba : parole à la défense !", Salim Lamrani répond à nos questions.



Dans votre nouveau livre à paraître ce mois-ci (septembre 2015) intitulé "Cuba : parole à la défense", vous interrogez dix personnalités de renom proche de Cuba tel que Eusebio Leal ou encore Alfredo Guevara. Après l’annonce du rétablissement des relations diplomatiques et commerciales entre Cuba et les Etats-Unis, quelle est l’opinion générale quant à l’avenir de la Révolution Cubaine, de ses institutions, de son modèle social et des réformes économiques annoncées ? Doit-on craindre désormais une forme d’impérialisme économique et culturel des Etats-Unis à l’égard de Cuba ?

Cuba a toujours déclaré être disposée à normaliser ses relations avec les Etats-Unis à condition que celles-ci se basent sur trois principes fondamentaux : l’égalité souveraine, la réciprocité et la non-ingérence dans les affaires internes. Il convient de rappeler que dans le conflit entre La Havane et Washington, l’hostilité est unilatérale. Ce sont les Etats-Unis qui imposent des sanctions économiques obsolètes, cruelles et inefficaces et qui martyrisent le peuple cubain depuis 1960. Ce sont les Etats-Unis qui ont envahi militairement Cuba en avril 1961. Ce sont les Etats-Unis qui ont menacé Cuba de désintégration nucléaire en octobre 1962. Ce sont les Etats-Unis qui financent une opposition interne à Cuba pour obtenir un changement de régime. Ce sont les Etats-Unis qui émettent des programmes de radio et de télévision illégaux et subversifs à destination de Cuba dans le but de déstabiliser la société. Enfin, ce sont les Etats-Unis qui mènent une guerre politique, diplomatique et médiatique contre Cuba.

Cuba, de son côté, n’a jamais agressé les Etats-Unis de son histoire. Au contraire, dès 1959, Fidel Castro avait fait part de sa volonté à entretenir des relations cordiales et apaisées avec Washington. En guise de réponse, les Etats-Unis ont appliqué à l’égard de Cuba une politique de brutalité inouïe.

La décision prise par le Président Barack Obama de rétablir les liens diplomatiques avec Cuba, avec l’ouverture d’ambassades à Washington et La Havane, constitue un pas positif dans le processus de normalisation des relations avec Cuba. La question est de savoir s’il s’agit là d’un changement stratégique, c’est-à-dire si Washington a décidé de renoncer à son objectif de détruire la Révolution cubaine et d’accepter enfin la réalité une Cuba souveraine et indépendante, ou bien d’un simple changement tactique, c’est-à-dire le remplacement d’une politique basée sur la violence, la menace et le chantage par une approche plus douce basée sur le dialogue et la séduction, mais avec toujours le même objectif de faire de Cuba une nation satellite. Ma conviction profonde est qu’il s’agit d’un simple ajustement tactique car les Etats-Unis sont dans l’incapacité psychologique d’accepter la réalité d’une Cuba libre et émancipée de la tutelle étasunienne. Mais les Cubains sont lucides et préparés comme le montrent les conversations de Cuba, parole à la défense !

Ernesto Guevara a un jour annoncé "Toute notre action est un cri de guerre contre l’impérialisme et un appel vibrant à l’unité des peuples contre le grand ennemi du genre humain : les Etats-Unis". Que signifie cette phrase aujourd’hui en 2015 alors que Washington et La Havane viennent de rouvrir leurs ambassades respectives ?

Le Président Raúl Castro a été très clair à ce sujet. Le rétablissement des relations diplomatiques avec les Etats-Unis ne signifie pas le renoncement de Cuba à son projet de société ou à sa politique étrangère internationaliste et solidaire vis-à-vis des peuples du Tiers-monde et des déshérités de la planète. La politique intérieure et la politique étrangère de Cuba sont des compétences exclusives du peuple cubain et ne sont pas négociables. Cuba ne négocie ni sa liberté, ni son indépendance, ni sa souveraineté. Cuba continuera à soutenir toutes les causes justes qui revendiquent l’émancipation du genre humain et tendra une main généreuse et fraternelle aux écrasés, aux révoqués et aux humiliés, avec pour objectif d’atteindre la « pleine dignité de l’être humain », pour reprendre une expression du Héros national José Martí. Cuba, fidèle aux idéaux du Che Guevara, continuera à « trembler d’indignation » chaque fois qu’une injustice sera commise à travers le monde. Le peuple cubain est par essence anti-impérialiste. Cela fait partie de son idiosyncrasie. Néanmoins, il n’est pas anti-américain. Au contraire, il a une sympathie naturelle pour le peuple des Etats-Unis.

Malgré les signes d’ouverture à l’œuvre à la Maison Blanche sur le sujet cubain, de nombreuses questions épineuses restent en suspens notamment celle de l’embargo économique et de Guantanamo. Que peut-on attendre du rétablissement des relations entre les deux pays sur ces sujets qui cristallisent encore de fortes tensions ?

Il est en effet indispensable de lever les sanctions économiques imposées aux Cubains depuis 1960 car elles constituent à la fois le principal obstacle au développement du pays mais également à la pleine normalisation des relations bilatérales. Ce sujet est également abordé dans le livre. Le blocus affecte toutes les catégories de la population cubaine, à commencer par les plus vulnérables, les femmes, les enfants et les personnes âgées. Il a également un impact dans tous les secteurs. Loin de constituer une simple question bilatérale, cet état de siège est condamné par l’ensemble de la communauté internationale qui l’a condamné en octobre 2014, pour la 23ème année consécutive avec une majorité écrasante de 188 pays contre 2 (Etats-Unis et Israël). Dans mon ouvrage précédent, Etat de siège, je rappelle le caractère extraterritorial des sanctions, car celles-ci s’appliquent à tous les pays du monde. Ainsi, l’entreprise allemande Mercedes ne peut pas exporter ses voitures vers les Etats-Unis si elles contiennent un seul gramme de nickel cubain. De son côté, La Havane ne peut importer aucun produit sur le marché international qui contiendrait plus de 10% de composants étasuniens. Cuba ne peut pas renouveler sa flotte aéronautique à l’heure où le tourisme se développe de façon exponentielle en acquérant des avions auprès du fabriquant européen Airbus car ils contiennent tous plus de 10% de composants étasuniens.

Le Président Barack Obama a lancé un appel au Congrès afin qu’il lève les sanctions économiques. C’est un pas positif. Néanmoins, la marge de manœuvre de la Maison-Blanche est grande car seuls quelques aspects des sanctions nécessitent l’accord du Congrès. Obama dispose de toutes les prérogatives présidentielles nécessaires pour montrer par des actes forts sa volonté de pacifier les relations avec Cuba. Ainsi, à titre d’exemple, La Maison-Blanche pourrait parfaitement élargir le nombre de catégories des citoyens étasuniens autorisés à se rendre à Cuba, légaliser le commerce bilatéral entre les entreprises des deux pays, permettre à Cuba d’acquérir sur le marché international des produits contenant plus de 10% de composants étasuniens, autoriser l’importation de produits fabriqués dans le monde à partir de matières premières cubaines, consentir à la vente à crédit de produits non alimentaires à Cuba, et accepter que l’île de la Caraïbe utilise le dollar dans ses transactions commerciales et financières avec le reste du monde. Aucune autorisation du Congrès n’est nécessaire pour cela.

Guantanamo, que les Etats-Unis occupent illégalement depuis 1902, constitue également un point de friction. En effet, suite à l’intervention étasunienne de 1898 dans la guerre d’indépendance cubaine, Washington avait imposé l’intégration de l’amendement Platt à la nouvelle Constitution, sous peine de maintenir indéfiniment l’occupation militaire de l’île. Cet appendice législatif, qui faisait de Cuba un protectorat sans véritable souveraineté, stipulait, entre autres, que Cuba devait louer aux Etats-Unis une partie de son territoire pour une durée de 99 ans renouvelables indéfiniment… à partir du moment où l’un des deux camps y était favorable. Suite à l’abrogation de l’amendement Platt en 1934, la base navale de Guantanamo a été maintenue pour la modique somme de 4 000 dollars par an. Depuis le 1er janvier 1959, le gouvernement cubain refuse de percevoir la rétribution annuelle et exige la dévolution du territoire. A ce jour, Washington refuse toute idée de retrait de Guantanamo.

Vous qui connaissez bien la société cubaine, que pouvez-vous nous dire sur le ressentiment du peuple cubain à l’égard de ces nombreux changements qui s’annoncent ? Certains craignent-ils de voir les nombreuses conquêtes de la révolution telles que l’éducation, la santé, la culture être remis en cause par les réformes à venir ?

Les Cubains n’ont aucune inquiétude au sujet de l’actualisation du modèle économique car ils en sont les auteurs. Comme l’illustrent les conversations de ce livre, cette réforme économique est le fruit d’une large consultation populaire. Il faut savoir que Cuba est une démocratie participative. Au total, près de 9 millions de Cubains ont assisté à l’une des 163 000 réunions organisées pour débattre du projet avec un total de 3 millions d’interventions. Le document original comprenait 291 points, desquels 16 ont été intégrés à d’autres, 94 ont été maintenus intacts, 181 ont été modifiés et 36 ajoutés pour un total comprenant au final 311 points. Le projet de départ a ainsi été modifié à 68% par les citoyens et a été adopté le 18 avril 2011 lors de la tenue du VIIème Congrès du Parti communiste cubain par les mille délégués représentant les 800 000 militants. Il a ensuite été soumis au Parlement cubain, qui l’a approuvé en session plénière le 1er août 2011. Comme le rappelle Ricardo Alarcon, Président du Parlement cubain de 1993 à 2013, interviewé dans le livre, « je ne suis pas sûr que les gouvernements qui ont appliqué des mesures d’austérité drastiques, qui ont réduit les budgets de la santé et de l’éducation, qui ont augmenté l’âge de départ à la retraite, en raison de la crise systémique néolibérale qui touche de nombreuses nations aient demandé l’avis des citoyens sur les changements profonds qui affectent désormais leur quotidien ».

Les conquêtes de la Révolution sont sacrées pour les Cubains. L’actualisation du modèle économique ne remet nullement en cause l’accès universel et gratuit à l’éducation, à la santé, à la culture, à la protection sociale ou à la retraite.

Depuis plus de quinze ans et l’arrivée au pouvoir de gouvernements progressistes en Amérique latine, les Etats-Unis ont perdu beaucoup d’influence et se retrouvent aujourd’hui isolés dans le sous-continent notamment à cause du blocus économique criminel contre l’île caribéenne. Ce rétablissement des relations entre les Etats-Unis et Cuba est-il un moyen pour Washington de redorer son blason en Amérique du Sud ? Quel impact cette nouvelle politique envers Cuba entraînera-elle dans le processus d’intégration latino-américain dont Cuba a toujours été à l’avant-garde comme avec l’ALBA ?

Il est indéniable que Washington est isolé en Amérique. Du Canada à l’Argentine, le seul pays à ne pas disposer de relations diplomatiques, consulaires et commerciales normales avec Cuba sont les Etats-Unis. Même les plus fidèles alliés tels que la Colombie ou le Honduras s’opposent aux sanctions économiques. La Maison-Blanche se trouvait dans l’obligation politique de modifier sa politique hostile avec Cuba, car elle nuisait à ses propres intérêts.

Je ne crois pas que le processus de normalisation des relations entre Washington et La Havane affectera l’intégration latino-américaine pour au moins trois raisons. D’abord, l’intégration continentale va dans le sens de l’histoire et l’Amérique latine vit un changement d’époque. Ensuite, la politique étrangère de Cuba n’est pas négociable. Enfin, Cuba n’abandonne jamais ses amis fidèles.

Comme sur beaucoup de thèmes de politique internationale, l’Union Européenne a très souvent suivi les positions du département d’Etat des Etats-Unis et notamment sur la question cubaine. Après l’annonce du dégel entre la Havane et Washington, de nombreux responsables européens dont le président François Hollande se sont empressés de se rendre sur l’île pour montrer des signes d’amitiés avec le gouvernement cubain. Maintenant que les Etats-Unis ont changé de cap quant à leur politique envers Cuba, doit-on attendre la même chose de l’Europe ? Quelle sera selon vous la nouvelle diplomatie de l’UE envers le gouvernement cubain ?

Il est vrai que la politique étrangère de l’Union européenne est subordonnée à celle des Etats-Unis et cela est profondément regrettable. L’Europe est une puissance économique mais un nain politique et diplomatique, incapable d’adopter une politique constructive, rationnelle et indépendante vis-à-vis de Cuba. Certains pays tels que l’Espagne et la France ont remis en cause cet alignement et ont demandé au reste de l’Europe d’adopter une nouvelle approche et de mettre un terme à la Position commune en vigueur contre Cuba depuis 1996 qui constitue le principal obstacle à la normalisation des relations entre les deux entités. Cuba est à la fois la porte d’entrée de l’Amérique latine et le référant moral du continent qui a su traduire les aspirations des peuples du Sud à la souveraineté et à l’indépendance.

Dans un de vos ouvrages intitulés "Cuba : ce que les médias ne vous diront jamais", vous critiquiez le traitement médiatique mensonger, idéologiquement engagé, partial fait par les médias dominants à l’égard de Cuba. D’autres pays de la région notamment le Mexique, le Paraguay ou encore la Colombie où les droits de l’homme, la démocratie et les libertés sont systématiquement bafoués bénéficient, eux d’un silence médiatique que l’on pourrait qualifier de honteux ; Comment expliquez-vous cette acharnement médiatique à géométrie variable ? La situation des droits de l’homme, de la démocratie, des libertés individuelles concernant Cuba est-elle aussi catastrophique comme aime à nous le décrire les médias dominants ?

Les médias dominants, soumis aux puissances d’argent et chiens de garde de l’ordre établi, n’ont que faire des droits humains et de la démocratie. Si c’était le cas, Cuba serait considérée, à juste titre, comme la référence du Tiers-monde d’une société aux ressources limitées mais capable de défendre les mêmes droits pour tous et de protéger les plus faibles. Ce que l’on ne pardonne pas à la Révolution cubaine est d’avoir remis en cause l’idéologie dominante, d’avoir rejeté l’accumulation au profit du partage, d’avoir choisi la solidarité au lieu de l’égoïsme, d’avoir préconisé le collectif au détriment de l’individualisme et surtout d’avoir placé place l’humain au centre de son projet de société en procédant à une répartition équitable des richesses. C’est pour cela que les médias refusent de donner la parole à la défense !