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Le monde multipolaire en marche : Nigéria, Niger, Cameroun et Tchad, une alliance panafricaine contre Boko Haram !
Le monde multipolaire en marche : Nigéria, Niger, Cameroun et Tchad, une alliance panafricaine contre Boko Haram ! Fodé Roland Diagne
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14 juin 2015
Malgré ses menaces médiatisées Boko Haram n'a pas pu empêcher la tenue des élections qui ont débouché sur une alternance démocratique au Nigéria. L'enlèvement de centaines de filles "converties et mariées de force" avait été l'occasion d'un "Twitt et photo" de Michèle Obama et une campagne médiatique mondiale appelant à une mobilisation internationale contre Boko Haram.
Beaucoup s’attendaient donc, comme on l’a vu au Mali, à un appel au secours qui allait voir déferler Africom (USA) suivi de Barkhane (France) sur les sols Nigérian et Camerounais. Mais à la surprise générale à la place de "l’aide US et de l’UE contre le terrorisme", c’est plutôt à une alliance militaire panafricaine de fait entre le Nigéria, le Cameroun, le Niger et le Tchad que l’on assiste contre Boko Haram. Pourquoi la servilité françafricaine habituelle semble n’avoir pas fonctionné ? Comment comprendre que USA et France aient été ici, pour le moment, diplomatiquement éconduits ? Est-ce l’influence grandissante de Mugabé, actuel président de l’Union Africaine (UA), sur les chefs d’états françafricains, eurafricains et usafricains ?
Ou est-ce la peur de l’exemple du chaos libyen ?
Après avoir renvoyé l’Afghanistan, puis l’Irak "à l’âge de pierre" selon l’expression de G. Bush, l’occupation militaire de ces pays avait précédé l’installation de pouvoirs fantoches. Puis l’agression coloniale de l’OTAN/Françafric et l’assassinat de Kadhafi ont livré la Libye aux hordes surarmées de Al-Qaïda et/ou Daesh qui se sont ensuite répandues sur les pays africains. Boko Haram, Mujao, Ansardine, des mouvements armés "jihadistes", et bien avant, Shebab, LRA de Kony, sévissent ainsi du Sahel-Sahara à l’Afrique de l’est.
Cette déstabilisation militarisée des pays africains s’est développée à partir de la destruction consciente de la Libye comme le révèle Hama Ag Mahmoud, un des ténors du MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad) qui l’a quitté avec fracas en décembre 2012, peu avant le déclenchement de l’opération Serval au Mali : " - La France aurait donc poussé le MNLA à occuper les villes du Nord du Mali ? - Oui tout à fait. La France a demandé au MNLA de l’aider à faire déserter tous les combattants de l’Azawad qui étaient dans l’armée libyenne, pendant la guerre de Libye. Ensuite de bloquer le recrutement des libyens dans l’Azawad et dans l’Aïr au Niger. Et en contrepartie, elle nous avait donné son feu vert pour l’indépendance de l’Azawad. C’est l’accord qui a été conclu avant la guerre entre le MNLA et la France. Et immédiatement la guerre gagnée par le MNLA, la France a changé complètement de politique. Elle a mis tout son dispositif diplomatique contre le MNLA. Alors conclusion, l’objectif de la France était tout simplement d’affaiblir le gouvernement malien et je peux vous assurer que ce n’était pas pour donner raison au MNLA" (Interview, Le Courrier du Sahara, en date du 17 janvier 15 cité par Gri Gri international du 28/02/15).
La Libye a été donc ainsi livrée aux chefs de guerre financés par les théocraties des pétrodollars et armés par les marchands d’armes US et de l’UE dans le but de créer un foyer à partir duquel propager partout en Afrique le cancer "jihadistes". La Libye est devenue pour l’Afrique ce qu’a été et continue d’être l’Afghanistan pour toute l’Asie. Ce foyer de subversion a produit et métastasé pour devenir Daesh, Front Al Nosra, Al Qaïda en Syrie puis en Irak, Boko Haram au Nigéria et Ansardine-Mujao-MNLA au Mali. Ces mercenaires "jihadistes" séparatistes se taillent des territoires dénommés "califat" comme on l’a vu dans le nord du Mali, puis comme on le voit en Syrie et en Irak et se livrent à toute sorte de trafics de pétrole, drogue, etc. Dès qu’ils se sentent suffisamment forts, ils développent parfois leur propre agenda différent de celui de leurs maîtres financeurs et entrent ainsi en opposition à ceux-ci. A chaque déstabilisation d’un pays africain, les impérialistes US, de l’UE et Français se pointent pour "porter secours dans leur grande et désintéressée" magnanimité aux "incapables africains" comme on l’a vu au Mali avec l’opération Serval puis en Centrafrique avec Sangaris avant que ce stratagème ne mute en "Barkhane" (dunes qui se déplacent dans le désert au gré des vents), nom que s’est donné la mouvante occupation militaire française du Sahel-Sahara du Mali en Centrafrique.
Force est donc de constater que les bourgeoisies au pouvoir au Nigéria, au Cameroun, au Niger et au Tchad ont évité, pour l’instant, de faire appel aux "sauveurs" US/UE en forgeant peu à peu une alliance militaire panafricaine contre la menace de chaos et de "califat" que constitue Boko Haram.
Peut-être ont-elles lu les révélations suivantes : "De même, j’affirme sans détour que Daesh et Al-Qaïda ont été créé par la CIA et sont les résultats directs de la politique américaine. Les ’Afghans-Arabes’ étaient le noyau d’Al Qaïda, ils ont été levés, formés, soutenus et appuyés par les services secrets américains. Nous sommes les témoins de cela. Aujourd’hui, la CIA n’est plus capable de contrôler ce qu’elle a créé. Le soutien américain aux moudjahidines arabes en Afghanistan est bien connu. Les services secrets américains ont soutenu les ’afghans arabes’ pour contrer les Soviétiques dans ce pays. A cette époque, la relation entre le soudan et les Etats-Unis était bonne, nous étions donc au courant de cela"(Omar El-Béchir, 54 Etats, hors série).
C’est ce que confirme Hillary Clinton quand elle proclame "nous, Etats-Unis, avons créé Al Qaïda" avec l’intention de refaire exactement "l’opération Ben Laden " des années 78 à 80 dont Zbigniew Brzezinski conseiller des présidents US a pu dire : "cette opération secrète était une excellente idée. Elle a eu pour effet d’attirer les Russes dans le piège afghan et vous voulez que je le regrette ?" (cité par Michel Collon dans ’Je suis ou je ne suis pas Charlie ?).
Ou encore ces propos de James Baker : " Il n’y a pas de pays musulman plus intégriste que l’Arabie Saoudite (...) et pourtant c’est à la fois un ami et un pays important pour les Etats-Unis. (...) Nous ne devons nous opposer à l’intégrisme que dans la mesure exacte où nos intérêts nationaux l’exigent"(cité par Michel Collon, idem).
En effet l’on peut tous constater que jusque dans les années 80 et 90 la majorité des Etats nés des indépendances dans le monde Arabe et Africain se proclamait, même quand il n’était pas d’orientation anti-impérialiste, laïc, nationaliste, panarabe, panègre ou panafricain. Ces Etats postcoloniaux avaient en général obtenu l’indépendance formelle à partir de mobilisations de masses ou parfois de luttes armées dans lesquelles les courants féodaux religieux et/ou ethnicistes étaient quasi absents parce que trop souvent alliés des colonisateurs.
Il apparaît de plus en plus clairement que "l’intérêt national" des USA flanqués de l’UE est aujourd’hui de réactiver les courants religieux dans les pays Arabes et en Afrique en utilisant ses vassaux des théocraties des pétrodollars et les "califats jihadistes" pour détruire les Etats postcoloniaux, le panarabisme et le panafricanisme. Même si cela n’est pas encore très visible, c’est la même fonction et le même objectif qui seront assignés aux courants évangélistes qui pullulent dans les pays à majorité chrétienne.
L’exemple de la Centrafrique est ici significatif. Là cohabitent musulmans et chrétiens et la déstabilisation a débouché sur un affrontement entre "séléka musulmans" et "anti-balakat chrétiens". Une ligne de partage se dessine du Nigéria, Cameroun, Tchad, Centrafrique jusqu’à l’est du continent où de tels affrontements peuvent être suscités pour désintégrer les Etats postcoloniaux nés de la première phase des luttes anticoloniales pour les indépendances entre 1945 et 1960.
Il faut absolument défendre l’unité nationale laïque et démocratique contre les projets d’émiettements des Etats multinationaux parce que les "ethnies" sont en réalité des nationalités à l’époque des Nations en devenir en Afrique. Cette défense des Etats multinationaux nés de la balkanisation coloniale doit s’inscrire dans une perspective panafricaine fondée sur le principe de "l’union libre des peuples libres d’Afrique" lancé par le communiste Malien Tiémokho Garang Kouyaté au milieu des années 30.
Ou est ce la diversification des partenaires économiques ?
A partir des années 80, les bourgeosies africaines compradores, c’est-à-dire serviles aux impérialistes, ont fortement libéralisé et privatisé les économies sous la houlette des plans d’ajustement structurel du Fond Monétaire International (FMI), de la Banque Mondiale et de l’OMC. Libéralisation et privatisation ont bénéficié aux Multinationales impérialistes, mais aussi à une couche "d’opérateurs économiques" locaux surtout dans l’import-export ainsi intégrés dans la "mondialisation" des affaires. Les délocalisations des entreprises à faible composition organique du capital, c’est-à-dire utilisant une main d’oeuvre nombreuse, vers les pays d’Asie et du Moyen-Orient ont favorisé la diversification des sources d’approvisionnements en marchandises des "hommes et femmes d’affaires" des pays africains confinés dans le rôle de "nègres sous traitants".
L’arrivée des nouveaux investisseurs en quête de matières premières que sont les "pays émergents", notamment les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), prolonge et renforce cette diversification des relations économiques au plan étatique et parfois même stratégique. Ainsi on remarquera que le Nigéria premier producteur africain de pétrole, mais aussi le Tchad et le Cameroun tous les deux producteurs de pétrole s’ouvrent de plus en plus aux investisseurs notamment chinois et russes. Il en est de même au Niger avec la fin progressive du monopole exclusif de l’exploitation de l’uranium détenu par la firme française AREVA au profit de la Chine. Ce développement des échanges économiques avec les "pays émergents", en particulier avec la Chine agace les impérialistes US et de l’UE habitués à agir en pays conquis en Afrique. Même si on peut observer que certaines entreprises monopolistes françaises, par exemple, envisagent par réalisme des associations ou de devenir des sous traitants pour ou avec les entreprises chinoises qui sont majoritairement d’Etat. Ainsi la Chine et dans son sillage les pays des BRICS brisent de fait le quasi monopole colonial des entreprises multinationales des impérialistes US, de l’UE et de la France en Afrique. Voilà pourquoi Peter Pham, qui conseille les départements d’état et de la défense étatsuniens, explique que l’AFRICOM, commandement militaire US basé à Stuttgart en Allemagne, a pour "but de protéger les accès en hydrocarbures et autres ressources stratégiques dont l’Afrique est riche, une tâche qui incluait de s’assurer contre la vulnérabilité de ces richesses naturelles et de s’assurer qu’aucune tierce partie comme la Chine, L’inde, le Japon ou la Russie, ne puissent obtenir un monopole ou des traitements de faveur”( cité dans mondialisation.ca).
Cette farouche recherche d’une terre africaine pour accueillir AFRICOM est nécessité, voyez vous, par le fait que "ces ressources et richesses naturelles font de l’Afrique une cible facile pour les attentions de la République Populaire de Chine, dont la dynamique économique… a une soif quasi insatiable de pétrole et de besoins pour d’autres ressources naturelles. La Chine importe à l’heure actuelle approximativement 2,6 millions de barils de pétrole brut par jour, environ la moitié de cette consommation, de l’ordre de 765 000 barils par jour, environ un tiers de ses importations, proviennent de ses sources africaines, spécialement du Soudan, de l’Angola et du Congo (Brazzaville). Est-ce étonnant donc par conséquent qu’aucune région du monde autre que l’Afrique ne rivalise avec l’intérêt stratégique de la Chine ces dernières années… De manière intentionnelle ou non, beaucoup d’analystes attendent que l’Afrique, spécifiquement les états du long de sa très riche côte occidentale, va devenir le théâtre d’une concurrence stratégique entre les Etats-Unis et sa seule réelle concurrence à l’échelle globale, la Chine, alors que les deux pays cherchent à étendre leur influence et sécuriser l’accès aux ressources”(idem). Il faut donc semer le chaos en Afrique pour bloquer le développement des pays "émergents" en les empêchant d’accéder aux matières premières dont ils ont besoin pour se développer.
Le remplacement du système colonial par le système néocolonial grâce aux massacres coloniaux de masses et aux assassinats systématiques des leaders indépendatistes radicaux de la première phase de libération nationale entre 1945 et 1960 ont engendré ce que l’on appelle la françafric, l’eurafric et l’usafric. Il s’agit de mécanismes mafieux corrupteurs qui lient les Multinationales et les politiques des Etats impérialistes (France, UE, USA) aux élites régnantes dans les Etats africains pour maintenir l’Afrique et ses peuples dans les griffes spoliatrices de la dépendance au profit des Multinationales françaises, européennes et étatsuniennes.
Durant "la guerre froide", c’est à dire la lutte entre le camp capitaliste et le camp socialiste, ce système de dépendance néocoloniale faisait des élites régnantes en Afrique des vassaux du camp capitaliste contre l’URSS, contre le camp socialiste. Parfois certains de ces serviteurs apatrides utilisaient la contradiction entre les deux camps pour faire chanter leurs maîtres impérialistes. Mais globalement les Houphouêt, Senghor, Ahidjo, Bongo, Eyadema, Mobutu, Bokassa, pour ne citer que les plus illustres d’entre-eux, obéissaient servilement au point même de prôner le "dialogue" avec l’apartheid sud-africain, de lier des relations diplomatiques avec l’Etat sioniste colonialiste d’Israël et de soutenir les mouvements pro-coloniaux contre les indépendantistes radicaux comme le MPLA, le FRELIMO, le PAIGC, la SWAPO, l’ANC dans les guerres de libération nationale contre le colonialisme fasciste portugais ou l’apartheid Sud Africain.
Ce système semi-colonial sous sa forme initiale ne suffit plus à assurer la pérennité de la vassalisation prédatrice de l’Afrique. Il faut doubler cela d’une stratégie du chaos prétexte à une présence militaire accrue US et de l’UE considérée comme seul gage de la mainmise sur les matières premières africaines pour en empêcher l’accès direct aux BRICS. A cet effet l’usafric poursuit sa quête d’installer l’AFRICOM sur le continent, il en est de même du renforcement de la présence des armées de l’eurafric et de la françafric au nom de la "lutte contre le terrorisme". C’est la tactique bien connue du pyromane pompier qui s’affuble ici des troupes qui rappellent les "tirailleurs" qui ont été les mercenaires de la conquête de l’empire colonial d’Afrque sous la direction d’officiers Français.
Une fissure dans la soumission qui doit s’approfondir
Bien entendu la françafric continue de se manifester sous la forme de la honteuse et dangereuse décision d’envoyer 2100 soldats sénégalais soutenir l’agression militaire saoudienne au Yémen, ce qui est à mettre en relation avec les achats par les Emirs d’avions rafales du complexe militaro industriel de l’impérialisme français. L’eurafric se manifeste sous la forme de l’imposition de la signature de l’Accord de Partenariat économique (APE) spoliateur qui va accroître la dépendance des Etats africains. Mais comment ne pas apprécier que l’axe du refus des bourgeoisies africaines semble remonter progressivement du Zimbabwe, de l’Erythrée, Mozambique, Namibie, Angola, RDC et Afrique du Sud vers le Nigéria, le Cameroun, le Niger et le Tchad. Cette résistance des bourgeoisies africaines reste hésitante, faible, mais elle commence à s’exprimer publiquement et avec une certaine force par la voie de Mugabe. Confrontées à la stratégie US et de l’UE alliés aux fantoches des Monarchies théocratiques qui menacent de plus en plus les Etats qu’elles dirigent, les bourgeoisies africaines pour des raisons de survie semblent chercher des voies pour échapper aux pièges de la duplicité de l’impérialisme occidental dont l’objectif est résumé ainsi : "Actuellement, les Etats-Unis ne rencontrent aucun rival mondial. La grande stratégie de l’Amérique doit viser à préserver et étendre cette position avantageuse aussi longtemps que possible (...) Préserver cette situation stratégique désirable dans laquelle les Etats-Unis se trouvent maintenant exige des capacités militaires prédominantes au niveau mondial"( Zbigniew Brzezinski cité par Michel Collon).
La supériorité militaire plus la vassalisation des théocraties féodales monarchistes pétrolières qui financent des groupes de fanatiques religieux ou ethniques contre le communisme hier et contre les Etats post coloniaux aujourd’hui pour pérenniser le plus longtemps possible la domination unilatérale des USA et de l’UE sur le monde. Telle est la ligne directrice de la stratégie US flanquée de l’UE, d’Israël et des Monarchies des pétrodollars.
En plus de la Chine, la Russie est particulièrement visée comme le déclare Graham E. Fuller, ex-directeur adjoint de la CIA lorsqu’il dit à propos de la Tchétchénie notamment que "la politique pour guider l’évolution de l’islam et les aider contre nos adversaires a fonctionné merveilleusement bien en Afghanistan contre l’armée rouge. Les mêmes doctrines peuvent encore être utilisées pour déstabiliser ce qui reste de la puissance russe" (tiré de ’Et si Poutine dit la vérité, on fait quoi ?’ Le Grand Soir). Cette stratégie qui se déroule devant nous en Afrique, au Moyen-Orient et en Ukraine fait objectivement apparaître deux camps opposés dans ce monde : le camp de la guerre avec les USA, l’UE, les Emirats féodaux et les groupes "jihadistes" et le camp de la paix avec les pays antilibéraux et anti-impérialistes d’Amérique du Sud dont le noyau est l’Alliance Bolivarienne (ALBA), l’Iran, le Hezbollah, la résistance palestinienne et les BRICS, etc.
Cette dichotomie et contradiction à l’échelle mondiale qui se fraye difficilement un chemin en Afrique prend consciemment ou inconsciemment la forme d’une alliance militaire africaine pour vaincre les "progénitures jihadistes" des pétrodollars et de l’impérialisme US et de l’UE.
En Amérique du Sud les bourgeoisies compradores se sont aussi longtemps couchées devant la suprématie US en faisant de leurs pays "l’arrière cour". C’est le cas des bourgeoisies africaines, surtout celles de l’ex-empire colonial français. Que trois des quatre pays que sont le Nigéria, le Cameroun, le Niger et le Tchad soient des ex-colonies de l’impérialisme français est aussi un signe important des processus de distanciation en cours vis à vis des impérialistes de la part de fractions des bourgeoisies nationales qui se sentent menacées. Les critiques qui montent du sud jusqu’au nord, de l’est jusqu’à l’ouest de l’Afrique, surtout depuis l’assassinat de l’Etat libyen et le foyer "jihadiste" ainsi créé en terre africaine de Libye, illustrent une méfiance de plus en plus grande de certaines élites bourgeoises africaines prêtes à ouvrir leur marché et la coopération économique, politique et culturelle avec les "concurrents" de leurs maîtres impérialistes US et de l’UE.
Les forces ouvrières et populaires opposées aux bourgeoisies semi-coloniales ont tout intérêt à analyser et comprendre les facteurs essentiels et objectifs qui déterminent des évolutions progressives ou régressives dans les comportements des classes sociales au pouvoir dans nos pays. Faire ce travail, c’est œuvrer à frayer la voie, comme en Amérique du Sud, aux alternatives antilibérales et anti-impérialistes qui marqueront la seconde phase actuelle de décolonisation.
L’objectif immédiat est et reste la mobilisation populaire pour le démantèlement des bases militaires étrangères et le retrait des armées US, de l’UE et Françaises d’Afrique.
Source : Investig’Action
De l’Afro-pessimisme à l’Afro-optimisme : les enjeux d’un changement de paradigme
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12 juin 2015
Réduite pendant plusieurs décennies à trois grands maux (misère, famine, guerre), l’Afrique est devenue le continent de tous les espoirs après la crise économique de 2008-2009. Ayant merveilleusement résisté aux contrecoups de cette banqueroute mondiale, le continent africain est désormais perçu comme la bouée de sauvetage de l’économie-monde. Sa population jeune et solidement instruite, ses innombrables ressources minières, ses vastes terres arables, son potentiel énergétique… en font le continent de toutes les convoitises en ce début de 21ème siècle.
Faisons un petit exercice de mémoire. Il s’agit de parcourir rétrospectivement les pages Afrique de nos journaux d’il y a quelques années. Elles se résument à peu près à ceci : 1)- Des hommes et femmes parcourant des kilomètres, parfois enfants au dos, pour fuir la guerre dans leur pays situé quelque part… en Afrique ! 2)- Des camions réquisitionnés par le Fonds mondial pour l’Alimentation, la Croix Rouge et autres ONGs afin de livrer des tonnes de céréales à des milliers de personnes aux allures faméliques parce que menacées par la famine dans la corne de… l’Afrique ! 3)- Des gamins de 12-16 ans tenant fièrement une arme reçue pour aller combattre comme enfants-soldats dans les rangs d’une milice à la solde d’un homme politique avide de pouvoir en… Afrique ! 4)- Des équipes d’hommes et de femmes venus directement d’Europe de l’ouest ou d’Amérique du nord pour « aider l’Afrique et les Africains » avec au menu : plans d’ajustement structurel, discours sur le transfert de technologie, appui aux efforts démocratiques...
Bref, l’Afrique qui s’étend pourtant sur 30 221 532 km2 avec un milliard d’habitants (chiffres de 2010) a été longtemps présentée dans les grands médias comme un continent gueux, ou tout simplement mendiant et parasite. Véritable cas social qu’il fallait aider !
Aujourd’hui, les choses ont bien changé. Même si les médias ne communiquent pas avec la même intensité sur ce basculement, force est de constater que l’afro-pessimisme, voire l’afro-pitié a cédé la place à un afro-optimisme qu’il mérite de comprendre.
La vérité des chiffres ou les chiffres de la vérité
« Une nouvelle Afrique a émergé des cendres du passé et prend de l’ampleur. Beaucoup semblent avoir pris un peu connaissance de cette révolution silencieuse qui déferle sur l’Afrique. Il y a un optimisme croissant partout », Aliko Dangote, Dangote News, ISSN 0189-5826, avril 2012, P.4.
Alors que la tendance mondiale est au vieillissement de la population, le continent africain peut se targuer d’avoir un avantage comparatif majeur en la matière : une population jeune et scolarisée. « Avec près de 200 millions d’habitants âgés de 15 à 24 ans, l’Afrique possède la population la plus jeune du monde, et celle-ci continue de croître », indique dès ses premières pages le dernier document programmatique de la politique française en Afrique, datant de décembre 20131.
Selon les projections des démographes fondées sur l’évolution du taux de natalité, la réduction de la morbidité et donc de la mortalité, la population africaine devrait doubler (deux milliards d’âmes) en 2050. Ce qui fera de l’Afrique la première puissance démographique du monde, devant la Chine et l’Inde. Or la démographie est un facteur de puissance.
Toujours pour ce qui est des avancées enregistrées sur le continent, les statistiques du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) sont encore plus éloquentes. La mortalité des moins de cinq ans est passée de 146 décès pour 1 000 naissances vivantes en 1990 à 90 décès en 2011, soit une diminution de 38 %. De même, le taux de mortalité maternelle est passé de 745 décès pour 100 000 naissances vivantes en 1990 à 429 en 2010, soit une diminution de 42 % peut-on lire dans un récent rapport du PNUD intitulé Perspectives économiques en Afrique 20142. « Entre 2000 et 2012, l’espérance de vie a augmenté de 5,5 ans [sur le continent], passant à 55 ans, alors qu’entre 1990 et 2000, elle avait stagné », complète le quotidien Le Monde (19.05.2014).
Il est important de rappeler que les deux milliards d’Africains attendus d’ici 2050 constitueront deux milliards de main d’œuvre et autant de consommateurs qui boosteront la production et la consommation intérieures ainsi que le commerce intra-africain.
En attendant, il importe de constater que l’urbanisation avance à grand pas sur le continent. « En 1980, seulement 28% de la population africaine vivait dans les villes. Aujourd’hui, pour un milliard d’habitants, ce chiffre est passé à 40%, se rapprochant ainsi de la Chine et dépassant l’Inde ». Bien plus, l’Afrique « abrite déjà 52 villes d’au moins un million d’habitants, comme c’est le cas en Europe occidentale3 ». Et « la population urbaine du continent devrait s’accroître de 414 millions à plus de 1,2 milliard d’ici 20504 ».
60% des terres arables non encore cultivées dans le monde se trouvent en Afrique. C’est d’ailleurs ce qui explique la ruée des multinationales de l’agroalimentaire sur le continent. Malgré le pillage séculaire et systématique de son sous-sol, l’Afrique dispose toujours d’une grande quantité de matières premières indispensables pour le fonctionnement des industries de la planète : manganèse, cobalt, uranium, alumine, fer…
L’Afrique aide l’Occident
Le fait est assez marquant pour ne pas être souligné. Frappé de plein fouet par la crise économique de 2009, le Portugal a dépêché son Premier ministre en Afrique pour aller demander de l’aide à son ex-colonie : l’Angola. Face à un José Edouardo Dos Santos (président angolais) droit sur ses bottes, Pedro Passos Coelho (Premier ministre portugais) s’est plié en quatre pour demander un appui financier. « Le capital angolais est le bienvenu chez nous ! », a ainsi lancé le dirigeant portugais en visite à Luanda en novembre 2012. Un pays africain qui vole au secours de son ex-colonisateur, c’est une véritable dialectique maître-esclave, version Hegel ! Au-delà du symbolisme, les fonds injectés par l’Angola ont certes apporté une bouffée d’oxygène à l’économie portugaise devenue exsangue, mais ils ont surtout permis de changer la perception que nombre de pays occidentaux avaient de l’Afrique. Et depuis lors, le continent est devenu une terre d’opportunités et est traité avec plus de respect par les Occidentaux qui s’étaient jusqu’ici distingués par un paternalisme et une condescendance de mauvais aloi.
L’une des preuves de ce changement a par exemple été apportée par le ministre de l’Economie et des Finances français en 2013. Face à plusieurs centaines de dirigeants et hommes d’affaires africains réunis en marge du sommet Afrique-France tenu à Paris en décembre 2013, Pierre Moscovici n’est pas passé par quatre chemins pour avouer que « l’Afrique est une chance pour la France ».
L’Afrique de plus en plus courtisée
On connaissait déjà les sommets France-Afrique, ces rencontres réunissant autour de la France ses ex-colonies autrement appelées « pays du pré-carré français ». Ces rendez-vous permettaient et permettent encore à la France de maintenir sa tutelle sur les matières premières et l’ouverture de l’économie des pays concernés aux entreprises françaises en priorité ; ceci dans le prolongement des accords économiques léonins signés au moment des indépendances des années 1960. A la suite de la France, plusieurs autres pays ont initié des Sommets avec l’Afrique dans le but d’établir des relations politiques, diplomatiques, militaires et surtout économiques privilégiées avec le contient. On a désormais le Sommet Japon-Afrique connu sous l’acronyme Ticad, le sommet Chine-Afrique, le sommet Inde-Afrique, le sommet Brésil-Afrique et plus récemment le sommet Etats-Unis. Dans ce dernier cas, le président états-unien a réuni les chefs d’Etats africains à Washington en août 2014 afin de redorer le blason de son pays en espérant gagner le cœur des Africains de plus en plus sensibles aux sirènes de Pékin.
En 2013, la France s’est dotée d’une nouvelle boussole pour aller plus efficacement à la (re)conquête de l’Afrique où « elle a perdu la moitié de ses parts de marché en 10 ans ». Il s’agit d’un rapport de 170 pages rédigé sous la direction de l’ancien ministre des Affaires Etrangères Hubert Védrine, à la demande du ministère de l’Economie et des Finances. Intitulé « Un partenariat pour l’avenir : 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l’Afrique et la France », ce rapport passe en revue les différents secteurs économiques du continent, fournit des informations précises sur les puissances concurrentes qui s’y sont déjà établies et formule 15 mesures que la France doit adopter pour ne pas perdre « le continent de l’avenir ».
La compétition des barons
Aujourd’hui, la bataille pour le leadership mondial oppose les pays de la Triade (Amérique du nord, Europe de l’Ouest et Japon) aux puissances émergentes dirigées par la Chine. Les premiers veulent rester maîtres de l’économie mondiale tandis que les seconds sont déterminés à leur ravir la vedette. L’Afrique est l’enjeu de cette compétition des barons. Tous savent que celui qui contrôle l’Afrique contrôlera le monde de demain. Car les ressources du continent évoquées plus haut permettront à une puissance quelconque de damer le pion à ses concurrents. Or si les deux groupes d’acteurs ont plus ou moins les mêmes intentions (profiter des ressources africaines), ils se distinguent par la différence de leur approche, d’une part et le poids de l’histoire, d’autre part.
Contrairement aux pays occidentaux qui trainent un lourd passé de domination et de colonisation, les pays émergents ont plutôt fait les frais de cette domination. Lorsque vous examinez le passé des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), une constance se dégage : l’impérialisme direct ou indirect de l’Occident. Ayant eux-mêmes expérimenté la domination et confirmé sa dangerosité, les nouveaux pays émergents ne brillent pas (jusqu’ici) par la condescendance et l’ingérence qui caractérisent les puissances occidentales. D’ailleurs, les BRICS semblent travailler pour améliorer les conditions de vie des citoyens des pays pourvoyeurs de matières premières.
En effet, depuis que l’Afrique a décidé de diversifier ses partenariats sur le plan économique, l’on assiste à la construction des infrastructures du nord au sud et de l’est à l’ouest du continent. On peut ici citer des écoles, des hôpitaux, des infrastructures sportives et routières. Autant de réalisations qui ont très vite conduit les Africains à faire le bilan de leur « coopération » avec l’Occident. A la lecture des médias du continent, il ne fait pas l’ombre d’un doute que ce bilan est négatif. Les éditorialistes ne cessent de parler d’un « esclavagisme des temps modernes ». Sur la question, Charles Ateba Eyene a publié un livre au titre évocateur : La pénétration de la Chine en Afrique et les espoirs de la rupture du pacte colonial avec l’Occident. Comme pour clouer les Occidentaux au pilori, l’auteur écrit « A Yaoundé comme à Douala, les routes construites par les Chinois nous font réaliser des économies. En le disant, nous mettons au défi chacun et tous en ce qui concerne le coût et l’opportunité de l’échangeur que la France vient de construire à Yaoundé, au niveau des services de la région. Au vrai, si ce marché avait été confié aux Chinois, le montant ne serait pas celui qu’on déclare et il n’y aura pas autant d’avenants5 ».
Ayant fait de la lutte contre l’exploitation de l’Afrique par l’Occident sa ligne éditoriale, la chaîne de télévision Afrique Média a le vent en poupe sur le continent. Ses émissions phares : « le débat panafricain » et « Le mérite panafricain » sont suivies par des millions de téléspectateurs qui appellent de toutes les régions de l’Afrique pour dire tout le mal qu’ils pensent de l’Occident. Et les présidents les mieux cotés dans Le mérite panafricain sont ceux qui résistent aux diktats de l’Occident : Robert Mugabé président du Zimbabwé, Obiang Nguema président de Guinée Equatoriale, Edouardo Dos Santos président angolais…
Face à la percée des pays émergents, l’Occident revoit progressivement son discours sur l’Afrique. Aujourd’hui, dans plusieurs rapports et documents officiels des pays occidentaux, on peut lire : « [le continent] affiche une situation économique flatteuse quand celle-ci se dégrade ou montre des signes de ralentissement dans de nombreux pays avancés et émergents »6. « Le potentiel agricole, hydroélectrique et énergétique de l’Afrique est immense », « L’épargne est aujourd’hui abondante en Afrique ». « La croissance des marchés financiers africains est spectaculaire depuis le début des années 1990 » « L’Afrique subsaharienne possède également un extraordinaire potentiel naturel7 »…
Au-delà du discours, l’on assiste également à une arrivée massive des investissements directs étrangers (IDE) en Afrique. La présence occidentale en Afrique est vieille de plusieurs siècles. Depuis les comptoirs coloniaux, les grands groupes commerciaux, les mastodontes du bâtiment et des travaux publics, de l’armement, les pétroliers occidentaux ont fait fortune en Afrique. Sont par la suite arrivés les opérateurs des télécommunications, les constructeurs automobiles… Les deux facteurs évoqués plus haut, à savoir la crise économique et l’arrivée des pays émergents, ont incité des entreprises occidentales à s’implanter sur le continent africain autrefois réduit à une simple réserve de matières premières ou à un vaste débouché.
Pour ne prendre que le cas de la France, on constate qu’en moins de deux ans, ses principaux fabricants de voitures ont pris pied en Afrique. Pour satisfaire la demande en automobiles portée par la classe moyenne, Renault a ouvert une usine en Algérie, plus précisément dans la localité d’Oran. Celle-ci a été inaugurée début novembre 2014 par le ministre des Affaires Etrangères, Laurent Fabius, et son collègue de l’Economie, Emmanuel Macron. Le 21 mai 2015, le quotidien Les Echos a annoncé l’arrivée prochaine de PSA Peugeot Citroën au Maroc. Peu avant, l’agence Bloomberg, citant une source interne à PSA Peugeot Citroën, a révélé que le projet pourrait être officialisé dès juin 2015 en vue de répondre aux besoins du marché maghrébin. Comme des abeilles attirées par le miel, les leaders mondiaux de la grande distribution affluent sur le continent : Wal-Mart, SPAR, Casino, etc. « Un certain nombre d’entreprises ont créé ou sont en train de créer un département Afrique (Banque Lazard, Rothschild…) dont l’expertise pourrait être mobilisée », conclut le Rapport Védrine8.
Mais l’Afrique ne sera plus jamais le terrain de chasse exclusif des étrangers. Les fils et filles du continent y investissent déjà des sommes astronomiques.
L’économie africaine s’africanise
Autrefois portée par les investisseurs étrangers, l’économie africaine s’africanise prodigieusement. Et on assiste à l’émergence d’une bourgeoisie continentale qui ne néglige aucun secteur. Déjà, les grands médias s’ouvrent au fur et à mesure à l’Afrique et aux Africains. Et le misérabilisme a vite cédé la place à l’espoir. Comment pouvait-il en être autrement lorsque des Africains figurent de plus en plus sur le top-100 des grandes fortunes du monde ? Dans l’édition du 7 mars 2012, le magazine Forbes énumérait 18 Africains qui avaient amassé une fortune de plusieurs milliards de dollars : les Nigérians Aliko Dangote et Mike Adenuga, Nicky Oppenheimer d’Afrique du Sud, l’Egyptien Nassef Sawiris…
La cimenterie
Autrefois dominé par les groupes étrangers, le secteur de la cimenterie s’africanise rapidement grâce aux investissements consentis par Aliko Dangote. Le Noir le plus riche, classé 76ème fortune mondiale par Forbes avec une fortune de 24 milliards de dollars, a décidé de construire des cimenteries dans près de 10 pays du continent pour profiter d’une croissance qui permet des constructions tous azimuts. La plus grande des cimenteries Dangote a été inaugurée à Ibese dans l’Etat d’Ogun le 9 février 2013 par le président de la République fédérale du Nigéria, Goodluck Jonathan, entouré de…15 gouverneurs. Cette grande usine avait une capacité initiale de 6 millions de tonnes par an.
Dangote Cement Group s’est implanté au Sénégal, en Zambie, en Tanzanie, en Afrique du Sud, dans la République du Congo, en Ethiopie et au Cameroun. Dans ce dernier pays, l’arrivée de Dangote Cement est un coup dur pour la multinationale occidentale Lafarge qui avait depuis 50 ans le monopole de la production du ciment à travers sa filiale Cimencam. Aujourd’hui, Lafarge voit ses parts de marché se réduire comme peau de chagrin, grignotées par Dangote et Cimaf (Ciment d’Afrique).
Quid du secteur bancaire ?
Le secteur bancaire africain est lui aussi pris d’assaut par des Africains qui rivalisent de stratégies pour imprimer leur marque dans le cercle fermé de la finance. On y retrouve en bonne place les groupes sud-africains Standard Bank/Stanbic (présent dans 23 pays d’Afrique centrale, orientale et australe) et Nedbank. Le groupe nigéro-togolais Ecobank est établi dans 32 pays d’Afrique occidentale, centrale, orientale et australe. Bank of Africa BOA, groupe originaire du Mali, est implanté dans 15 pays d’Afrique subsaharienne. Le marocain Attijariwafa Bank poursuit son ascension. Il est déjà présent dans 11 pays d’Afrique. L’ivoirien NSIA ne cesse d’élargir son spectre d’implantation. Au Cameroun, Afriland First Bank, propriété du milliardaire et intellectuel prolifique Paul Fokam Kenmogne, est devenue la première banque au plan national en talonnant la BICEC, filiale locale du groupe français BNP-Paribas.
Télécommunication et média
Dans sa deuxième édition publiée en février 2015, le Magazine Afrique, bimestriel de l’économie, du développement et de l’entreprenariat, a consacré un dossier de 5 pages à la percée de la téléphonie mobile en Afrique centrale. On y apprend que, de 2005 à 2009, « le marché du mobile africain [était] le premier en terme de croissance sur cette période avec le marché chinois ». Le journal relève surtout la grande compétition à laquelle se livrent les compagnies pour capter les milliards dans le secteur de la télécommunication. Airtel, Azur, Libertis, Orange, Sotel, Telecel, Moov, Etisat, Hits Telecom ou encore MTN se battent pour élargir leurs parts respectives dans un marché en plein essor. « Les entreprises de télécom ont enregistré 316 millions de nouveaux abonnés africains depuis 2000 », confirme le quotidien Le Monde (19.05.2014).
Les groupes africains sont bien présents dans cette compétition des grandes marques. Le sud-africain MTN est déjà présent dans seize pays. Maroc Telecom fait aussi la course en tête.
Le secteur des médias et de la culture n’est pas en reste. On y assiste à une véritable effervescence portée par des chaînes de télévision comme Africâble (malienne), Africa 24 et Afrique Media (détenues par les Camerounais Constant Nemale et Justin Tagouh), 3A Télésud, NotreAfrik… Dans le domaine de la production cinématographique, les nigérians Nollywood et Africa Magic ouvrent le génie artistique africain au monde.
Transport aérien
Sur le continent, Kenya Airways et Ethiopian Airlines constituent des compagnies rentables et en expansion. Cette dernière possède la flotte la plus moderne d’Afrique. Première compagnie en nombre de destinations, premier opérateur cargo et première compagnie pour la qualité de ses services, elle dispose d’une flotte de 60 appareils Boeing et Bombardier. Ethiopian Airlines a transporté 5 millions de passagers et 160 000 tonnes de fret en 2011 et prévoit d’ici 2025 de doubler sa flotte, de transporter 18 millions de passagers et 1,2 million de tonnes de fret par an9.
L’expansion fulgurante de ces groupes illustre l’existence d’un environnement concurrentiel et montre les capacités des investisseurs africains.
Les grands médias à l’assaut du continent
Autrefois délaissée par les grands groupes médiatiques, l’Afrique occupe une place importante dans la stratégie d’extension/expansion des médias mainstream. Depuis des décennies, Radio France International, la Voix de l’Amérique, la Deutsch Weller et BBC émettent en modulation de fréquence sur le continent. La chaîne BBC a ouvert une base à Dakar au Sénégal. Euronews envisage de créer une chaîne africaine. Selon des informations publiques, celle-ci va être implantée au Congo en 2015 et sera dirigée par Stephen Smith, ancien journaliste au Monde et auteur d’un livre controversé qui a pour titre Négrologie. Le groupe français Canal Satellite vient de lancer A+, une chaîne entièrement consacrée à l’Afrique. En partenariat avec plusieurs journaux du continent, le quotidien Le Monde a créé un site consacré à l’Afrique : Le Monde Afrique. Le magazine Forbes a lancé son édition continentale avec pour titre Forbes Afrique sous la direction du journaliste Michel Lobè Ewane.
A son tour, la Chine investit largement dans les médias en Afrique. Le China Daily a lancé une édition africaine. La société d’État China Radio International dispose de stations FM dans 3 villes est-africaines. La China International Television Corporation a récemment acheté le groupe Independent News and Media, l’une des principales entreprises de presse sud-africaine. Pour boucler la boucle, la CCTV a installé le siège de sa branche africaine à Nairobi en 2012 et diffuse des émissions telles que « Africa Live » et « I Love Africa ».
On le voit, malgré le faible niveau de développement des infrastructures, l’insuffisance de l’énergie électrique, l’existence de nombreuses barrières douanières et les taxations multiples, l’Afrique devient une destination privilégiée pour les investisseurs. Ils sont encouragés par l’existence des matières premières, d’une main d’œuvre de plus en plus qualifiée, d’un marché constitué et surtout d’une stabilité politique qui s’enracine sur le continent. Autant d’atouts qui ont fini par renverser le misérabilisme collé pendant plusieurs siècles au continent des Pharaons.
Source : Le Journal de l’Afrique no.11, Investig’Action, juin 2015. Lien : http://michelcollon.info/Le-Journal...
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