L’Arabie saoudite et le Qatar : rôle réel ou rôle fictif dans la lutte contre le terrorisme et Daech ?
Pour combattre le terrorisme, il est primordial de maintenir le dialogue avec les pétromonarchies du Golfe. C’est ce que répètent les dirigeants occidentaux qui multiplient les contrats juteux avec l’Arabie saoudite et le Qatar. Mais quel rôle ces deux pays ont-ils joué dans l’émergence de mouvements comme Al-Qaida et Daech ? Faut-il considérer l’action des institutions saoudiennes et qatariotes ou plutôt se pencher sur les conglomérats de familles et de clans aux intérêts parfois contradictoires ? Quel rôle idéologique a joué le wahhabisme dans la formation des groupes terroristes ? La mainmise des Etats-Unis sur l’or noir du Golfe a-t-il influencé ce courant religieux pour donner lieu à un islamisme anglo-saxon sanctifiant la violence et le culte de l’argent ? Comment le monde arabe et musulman pourra-t-il renouer avec le progrès scientifique, culturel et social ? Maître de conférences à l’Institut national des langues et civilisations orientales, Bruno Drewski examine le rôle des pétromonarchies dans cette guerre contre le terrorisme qui déchire le globe avec en trame de fond, un soi-disant choc des civilisations. (IGA)
N’étant pas spécialiste des pétromonarchies arabes, c’est en tant que chercheur géopolitiste et analyste des questions géo-culturelles dans un monde soumis désormais au pilonnage de l’idéologie du clash des civilisations que je vais intervenir ici.
Si, au départ, l’idéologie politique proclamée par Abd el Wahhab constituait une réaction de repli compréhensible face à la décadence de l’islam ottoman et à l’influence en expansion des pays colonisateurs, très vite la montée du royaume des Saoud puis la création du Qatar et d’autres monarchies dans la péninsule arabique fut gérée par le colonialisme anglais puis son successeur anglo-américain. Ce qui entraîna le fait que ces entités s’engagèrent avec les moyens grandissant que leur procuraient les revenus pétroliers placés dans les circuits du capitalisme planétaire dans la lutte contre les mouvements arabes favorables à la renaissance d’une dynamique de développement autocentré. Acceptant depuis la guerre d’Afghanistan de 1979 de devenir le financeur des mouvements de diversion chargés d’affaiblir le militantisme patriotique arabe concentré sur le drame palestinien.
Ces terrorismes successifs de diversion, tous en partie financés à partir des États du Golfe, touchant Afghanistan, Algérie, Yougoslavie, Irak, etc. connurent une accélération avec le mal nommé « printemps arabe » qui démultiplia les actions de terreur d’abord dans le monde arabe et en Afrique (Libye, Mali, Nigeria, Cameroun, Syrie, Irak, Yémen, etc.). Conflits alimentés par l’afflux d’armes et de combattants financés par des princes du Golfe, en premier lieu d’Arabie saoudite et du Qatar. Deux monarchies par ailleurs rivales et voulant chacune jouer un rôle clef dans la refonte du « Grand-Moyen Orient » bushien puis post-bushien, en s’appuyant d’un côté sur la puissance nord-américaine en crise et d’un autre sur la masse de jeunes plus ou moins musulmans, précarisés par la généralisation des politiques de démantèlement des acquis sociaux et de développement national. Face à la dégradation des services publics et éducatifs, une masse d’argent s’est déversée pour créer jusque dans les banlieues du monde occidental, des réseaux où l’idéologie au pouvoir à Riyad et à Doha s’est répandue. Une idéologie déconnectée de perspectives de progrès social et offrant une vision individualiste, simpliste, faite d’interdits et de fascination pour une consommation et une convoitise morbides, fussent-elles repoussées dans un au delà pour lesquels leurs promoteurs n’ont pas de compte immédiat à rendre.
Qui rendre responsable des financements terroristes ?
Tous les réseaux éducatifs, informatiques, médiatiques et politiques financés à partir des pétromonarchies ont été mis en branle pour lancer vers les Etats arabes encore indépendants des masses de jeunes souvent désoeuvrés et sans avenir sur terre. Deux royaumes du désert ont entretenu, avec l’appui tacite voire actif de leurs protecteurs occidentaux et alliés, les départs de ces jeunes désespérés, mal éduqués ou peu éduqués de plusieurs dizaines de pays vers la Syrie dans le but de mettre à bas, coûte que coûte, un Etat qui avait maintenu, malgré quelques hésitations au début des années 2000 et quoiqu’on pense de son fonctionnement, une politique d’indépendance, de non endettement et de développement auto-centré. Etat qui refusait en plus de devenir le corridor gazier vers l’Europe au service des pétromonarchies et de Tel Aviv. La multiplication des fonds privés et publics en provenance du Golfe finançant les guerres de Libye, de Syrie, d’Irak, du Yémen, etc. a donné naissance à une nébuleuse takfiriste dont Daech est le produit le plus visible. Danger qui menace désormais aussi l’équilibre des trônes pétromonarchiques.
Mais il faut savoir que ces monarchies ne constituent pas en fait de vrais États mais un conglomérat de cercles familiaux et tribaux en concurrence permanente les uns avec les autres et ayant tous accès à des richesses immenses quoique désormais menacées et contrôlant des réseaux de charité, de formation et donc de recrutement qu’ils utilisent tant pour combattre des gouvernements qu’ils jugent « impies », car refusant en fait le culte de l’argent-roi, que pour se concurrencer les uns les autres. Dans ce contexte là, il est inutile de chercher les responsabilités au niveau des seules institutions officielles de ces monarchies mais il faut les chercher au niveau des réseaux auxquels elles ont donné naissance, avec la bénédiction de la puissance nord-américaine qui a accordé par le traité de Quincy sa protection non pas à l’État saoudien, une fiction, mais à la famille des Saoud, dans ses multiples clans et sous clans. Puissance qui, avec son relai britannique constitue le lieu de dépôt des avoirs des princes du pétrole et des pétromonarchies dont l’indépendance budgétaire, et donc nationale, devient du coup purement fictive.
Question à poser sur les origines du terrorisme dans sa version « islamiste »
Si le terrorisme est un phénomène universel qui s’est développé dans le monde entier, entre l’attentat de la gare de Bologne commis par l’extrême droite italienne aux attentats suicides inventés par les Tigres tamouls à Sri Lanka1, il trouve toujours ses justifications dans un terreau social et culturel spécifique. Dans le cas du monde musulman, on remonte souvent pour l’analyser aux origines de ce qu’on appelle le wahabisme d’un côté, les manipulations coloniales d’un autre. C’est ainsi que certains auteurs arabes n’hésitent pas à considérer Abdul Wahab comme un espion anglais qui aurait été démasqué par le contre-espionnage ottoman et la famille Saoud comme les descendants de juifs expulsés de Médine par le prophète de l’islam pour avoir trahi le pacte d’alliance qu’ils avaient signé et qui se vengeraient aujourd’hui de leur humiliation en pervertissant l’islam de l’intérieur2. Ces hypothèses n’ont pas été soutenues par des recherches scientifiques incontestables et ne peuvent donc être retenues jusqu’à preuve du contraire, mais elles témoignent de la profonde division du monde musulman à l’égard du phénomène que constitue les monarchies pétrolières puritaines d’Arabie. Nous devons donc bien analyser les éléments idéologiques au pouvoir dans ces entités si nous voulons comprendre l’éventuelle tolérance qui se manifeste en leur sein, et pas seulement au niveau des pouvoirs officiels, envers les activités terroristes.
Ce qu’on appelle le wahhabisme, que d’autres appellent salafisme, ou islam cherchant un retour aux bons comportements des premiers musulmans, et ce que d’autres encore appellent takfirisme ou islam excommunisateur, a incontestablement d’abord constitué une réaction face à la dégénérescence du monde islamique sunnite et de sa dynamique culturelle, sociale, politique, philosophique et scientifique depuis au moins les Almohades et la destruction de Bagdad par les Mongols. Réaction a priori logique, voire légitime, apparue dans la province tout à fait éloignée et périphérique du Nedj, en Arabie orientale où l’on a observé l’émergence de cet islam à la fois de repli identitaire et de simplicité bédouine mais contenant en lui également ce qui allait devenir dangereux avec son expansion et son enrichissement matériel :
- Clanisme et tribalisme de type ethnocentrique pouvant déboucher sur un opportunisme politique sans principes,
- Simplisme philosophique et artistique pouvant favoriser les tendances à l’éradication de tout facteur de culture, de science, de civilisation et de progrès.
Une sorte de tendance à la vengeance du monde nomade face au monde sédentaire, comparable au comportement des nomades mongols au moyen-âge devant toutes les civilisations établies sur leurs pourtours. La conquête des territoires arabiques plus évolués que le Nedj, le Hasa, les terres des Chammar, le Hedjaz et finalement l’Asir yéménite allait donner aux Saoud l’occasion de multiplier les razzias, les massacres de civils dans le but de terroriser les populations qu’ils intégraient à leur nouveau royaume, avec l’accord du colon anglais qui, dans le même temps, utilisait voire créait sur les bords du Golfe persique un chapelet de monarchies de pacotille qui lui étaient inféodées, entre autre celle du Qatar3. Ces nouvelles entités sans véritable lien avec l’histoire politique arabe et musulmane antérieure éprouvaient sans doute plus qu’une ignorance envers l’histoire et la culture mais une véritable haine qui a commencé à surgir dès les années 1930 à l’égard des habitudes, des écrits et des monuments de la première ère islamique, et de tout ce qui l’avait précédé depuis la haute Antiquité. Le respect à l’égard du savoir accumulé et des monuments historiques manifesté depuis 1400 ans par tous les musulmans a soulevé la haine de ces nouveaux puritains des déserts arabiques qui ressemblaient au puritanisme de leurs épigones néo-chrétiens du Far West américain décidés à éradiquer toute trace de culture et de religiosité antérieure, amérindienne comme européenne. On peut donc considérer que la première vague de vandalisme qui a succédé à la conquête de La Mecque par les Saoud dans les années 1930 constitue, même si elle a semblé s’assagir ensuite jusque dans les années 1990, un des fondements récurrents existant au sein des courants musulmans liés aux monarchies du Golfe. Ce dont Daech ou An Nosra mais aussi tous les mouvements du même type répandus aujourd’hui dans le Sahel constituent une réémergence techniquement modernisée.
Comme nous l’avons indiqué plus haut, il ne faut pas forcément voir dans les gouvernements des pétromonarchies un agent d’exécution systématique des politiques terroristes car nous avons affaire à des réseaux familiaux et claniques démultipliés et en concurrence permanente. Il y a bien entendu tout d’abord la concurrence entre la très nombreuse famille des Saoud et la grenouille qatariote qui, assis sur une immense bulle de gaz, souhaite en profiter pour devenir plus grosse que le bœuf de Riyad, mais il y a aussi en-dessous, les rivalités entre princes nés de mères différentes et donc ayant des allégeances tribales différentes et qui vont puiser dans l’islam qu’ils croient « salafiste » ce qui leur permet de mieux excommunier, « takfiriser », leurs adversaires, « mécréants » comme « apostats » mais aussi leurs concurrents, en s’appuyant sur leurs propres réseaux de complicités au sein des puissances de l’OTAN dont les élites ont eu tendance à verser dans l’affairisme à courte vue depuis le triomphe du « libéralisme sans frontières » d’après guerre froide.
Islamisme anglo-saxon ?
Si le takfirisme puise ses sources dans une certaine interprétation réductrice de l’islam, il est, comme tout phénomène historique et social, avant tout le fruit de son temps, c’est-à-dire de l’ère de l’hégémonie culturelle du cercle anglo-américain qui a pénétré le monde arabe autant par le biais de l’ARAMCO et des nombreuses bases militaires occupées par l’US Army que par le biais de Hollywood et de sa culture binaire et violente. Culture née de la réforme néo-protestante puritaine qui a été à la source du capitalisme le plus radical, par sa pleine réhabilitation de l’usure, son culte du salut individuel ne devant plus dépendre des œuvres mais de la seule foi, d’une pratique purement ritualiste et aussi de la réinterprétation d’une vision du peuple élu par simple caprice divin en faveur d’âmes, de tribus et d’un peuple choisi bénéficiant de mannes célestes apportant un bien-être matériel justifié aux élus de ce dieu là. Cette lecture pragmatique et terre-à-terre de la Bible dont on trouvait les prémices dans l’interprétation messianique active et proto-sioniste4 élaborée au sein du judaïsme depuis le Moyen-âge européen a donné naissance à la puissance coloniale britannique puis à la Manifest Destiny anglo-américaine, ensuite au sionisme moderne et enfin à la conviction que la distribution des richesses, en particulier celle des hydrocarbures dans le monde arabe, était le signe d’une bénédiction divine en faveur de « croyants » qui auraient tiré le gros lot dans un islam désormais perçu comme un grand casino au main d’un dieu sévère, arbitraire, capricieux et paternaliste.
Cette évolution utilitariste et opportuniste de la religion qui n’était pas forcément inéluctable dans le discours puriste wahhabite originel a rejoint l’opportunisme bourgeois, mercantile et pragmatique exporté d’Amérique du nord. Complété d’ailleurs souvent par l’errance d’une partie des chefs des Frères musulmans qui, renonçant à leur combat anticolonial et donc anti-impérialiste, avaient concentré à partir du milieu des années 1950 leur activités contre leurs concurrents directs, les régimes progressistes tiers-mondistes plus indépendants qu’eux à l’égard des métropoles du monde.
Ceux qu’on allait nommer les « islamistes », les promoteurs d’une renaissance politique de l’islam, s’engluèrent donc, sauf dans le cas iranien, libanais et pour une grande part palestinien5, dans un conservatisme social qui allait être exploité par les grandes puissances conservatrices d’Occident6. Décidées à mettre un terme aux tentatives de révolutions sociales et socialistes, à la mobilisation palestinienne, à la résistance visant l’entité coloniale créée en 1948 pour couper en deux le monde arabe, musulman et tout le tiers-monde et aussi au dynamisme nouveau né de la révolution islamique en Iran.
Formation et désinformation
Les rapports de wikileaks7 ont démontré que des sommes colossales ont été dépensées par le royaume des Saoud pour le financement de milliers d’organisations, mosquées, écoles, rencontres, conférences à travers le monde entier, le Qatar n’étant pas en reste, en particulier, par exemple, dans les banlieues françaises. C’est ainsi que le Conseil de la Sharia de Grande-Bretagne a été financé par les Saoud tandis que le trésor US a découvert que l’argent du Qatar avait permis à de nombreuses recrues takfiristes de rejoindre la Syrie en guerre8. A une époque où un ministre français pouvait d’ailleurs annoncer à ses jeunes compatriotes et urbi et orbique son président « ne méritait pas de vivre sur terre » et que « An Nosra faisait du bon boulot en Syrie »9 !
Alors que ces royaumes n’avaient rien contre le chiisme conservateur du Shah d’Iran ou de l’ancien souverain du Yémen qu’ils préféraient aux républicains, fussent-ils sunnites, la révolution islamique en Iran, partie des bases de la société, a provoqué chez eux un tel choc et un sentiment de menace que c’en est devenu une obsession qui se prétend anti-chiite mais qui vise en fait toute tendance révolutionnaire optant pour le développement autonome des peuples du monde musulman. Le conflit chiite-sunnite a été inventé ou réinventé en fait pour couvrir et légitimer les politiques contre-révolutionnaires, laïques ou religieuses.
L’objectif étant de créer un « cordon sanitaire » visant à préserver au moins les sunnites de toute tentative d’imaginer une théologie de la libération islamique ou un mouvement d’émancipation laïc remettant en cause les structures sociales nées de l’économie rentière centrée sur les hydrocarbures et favorisant la tertiarisation d’une économie soumise de fait à l’économie usuraire mondialisée contraire à l’esprit et à la lettre de l’islam.
Tous les investissements éducatifs faits de par le monde par les pétromonarchies ne visent en revanche pas forcément à la promotion de ce qu’on appelle injustement l’« islam radical », car il s’agit bien au contraire de promouvoir un islam socialement conservateur. Beaucoup d’élèves de ces écoles soutiennent l’idée d’une soumission à l’égard des pouvoirs et d’une séparation stricte mais passive d’avec la société environnante si celle-ci n’est pas soumise aux stricts dogmes en vigueur en Arabie saoudite ou au Qatar. Tous ceux qui s’appellent des salafistes ne sont donc pas décidés à mener un combat armé, c’est parfois tout le contraire. Mais, comme dans le cas des « Ikhwans », les partisans les plus extrémistes du wahhabisme des premières années du royaume des Saoud, il existe dans les pays du Golfe et chez leurs protégés, de façon récurrente au sein des mouvances politiques, claniques, tribales et familiales, des partisans d’une résurgence de l’esprit de ce qu’ils considèrent à tort comme le « jihad » et qui vise à détruire physiquement toute forme de « corruption sur terre », dans une logique binaire très proche de la vision du monde qui se dégage des Westernd’origine et des séries télévisées hollywoodiennes.
On doit donc d’abord, avant de parler de double-jeu de la part des pétromonarchies, prendre conscience du fait que celles-ci ne constituent pas des véritables structures étatiques mais un réseau de familles ayant un accès plus ou moins direct au pouvoir et qui jouissent de leur propre autonomie et de moyens économiques importants. Réseaux qui ne s’étendent pas seulement aux Etats dont ils sont les sujets et/ou les gestionnaires mais qui débordent souvent vers l’ancienne métropole coloniale britannique, vers la City, d’où, par ce biais, ils ont atteint les rivages d’Amérique où ils ont aussi étendu leurs réseaux de complaisances, de liens d’affaire et d’affairisme, et désormais d’affinités idéologiques, par-dessus les différences formelles entre religions monothéistes. Beaucoup de princes du Golfe sont actionnaires des grands groupes financiers ou du secteur militaro-industriel transnational basés dans les pays anglo-saxons, ce qui conditionne leurs intérêts et donc aussi beaucoup de leurs décisions politiques10. Ce qui explique les convergences visibles qu’ils ont avec les USA et désormais avec Tel Aviv11, autre base d’exportation d’armes et de formations sécuritaires désormais transnationale12, visant à s’opposer à d’autres pouvoirs musulmans, en Irak, en Syrie, en Iran, en Algérie, en Mauritanie, au Yémen, en Indonésie ou au Tadjikistan.
Aujourd’hui, il est devenu clair que, pour beaucoup de dignitaires et de notables pétromonarchistes, les cercles néoconservateurs, sionistes chrétiens et sionistes tout court d’outre-Atlantique, d’Europe occidentale et du Moyen-Orient sont devenus leurs partenaires dans la lutte contre les Etats et les mouvements politiques qui souhaitent maintenir un développement économique et culturel plus auto-centré. Il ne faut donc pas forcément chercher l’ennemi et le promoteur du terrorisme au niveau des seuls Etats ni dans tous les courants qui se disent salafistes, car certains sont « pacifistes » ou tout au moins politiquement passifs, et il ne faut pas non plus se limiter à les chercher dans des réseaux qui seraient uniquement « musulmans », mais bien voir que ce que l’on considère comme une Internationale de la terreur est en fait un réseau de réseaux qui a implanté des clones et trouvé des appuis dans différents pays, dans différents systèmes étatiques, dans différents systèmes idéologiques et religieux se complétant mutuellement, s’entraidant tout en se concurrençant aussi parfois, selon la logique du marché libre, non faussé et sans frontières. Logique productrice par ailleurs à l’échelle mondiale de masses de jeunes désespérés et déscolarisés que l’on peut exploiter sur le mode du nouveau mercenariat de bandes terroristes et d’armées privées. Qu’il faut d’ailleurs dans l’intérêt du système-monde dominant prendre en main avant qu’ils n’aient envie de se rebeller contre leurs propres pouvoirs. Le monde arabe, y compris l’Arabie saoudite, sont remplis de jeunes sans avenir, à la fois fascinés par le clinquant de la société bourgeoise occidentale de la convoitise et formés dans une vision rigide d’un islam qui n’a en fait jamais existé tels qu’ils le conçoivent, ni dans ses premiers temps ni plus tard mais qui constitue une invention réactive face à la modernité et plus encore à la post-modernité constituant un phénomène réactionnaire visant les idées des Lumières et de progrès.
Depuis la première guerre d’Afghanistan, ce néo-islamisme a visé à détruire systématiquement, politiquement, idéologiquement, militairement, culturellement, tous les Etats et tous les courants politiques autochtones qui échappaient à sa logique binaire socialement conservatrice et méfiante devant l’essor du savoir et de la science dite profane …Alors même que l’islam ne fait en principe pas de différence entre sciences religieuses, sciences exactes et sciences humaines, l’une devant abreuver l’autre, ce que les télécoranistes et téléfatawistes du Golfe, qui sont le plus souvent de véritables clones du télévangélisme inventé outre-Atlantique, ne peuvent imaginer car ils se sont réduits à n’être, au moins depuis 2011, plus que des rabatteurs pour les mouvements terroristes et les armées mercenaires. Créés d’abord en Irak après l’occupation américaine de 2003, lorsque l’ancien promoteur des escadrons de la mort d’Amérique centrale, John Negroponte, fut nommé au poste d’ambassadeur US en Irak.
Le monde arabe et musulman ne pourra renouer avec le progrès culturel, scientifique et social que le jour où il aura scié les branches pétromonarchistes sur lesquelles ses élites sont assises et qui pourrissent sa culture, sa foi, sa jeunesse, son énergie et ses capacités de développement. Pour le plus grand profit de la base israélienne plantée comme un poignard au cœur du monde arabe par l’impérialisme basé aux Etats-Unis et devenu aujourd’hui culturellement et économiquement quasi-totalement destructif et stérile.
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