۱۳۹۵ تیر ۷, دوشنبه

Riccardo Petrella: « bannir la guerre, la première audace »

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Le nouveau livre de Riccardo Petrella, Au nom de l’Humanité, l’audace mondiale, est un réquisitoire implacable contre la guerre économique et sociale menée par la classe dominante contre les peuples, tant au Nord qu’au Sud. Fondateur de l’Institut européen de recherche sur la politique de l’eau, Riccardo Petrella est l’auteur de nombreux ouvrages dont Limites à la compétitivité ou Le Bien Commun et s’oppose avec vigueur aux vieilles recettes néolibérales des politiques dites d’austérité ainsi qu’à la « naturalisation » des récentes interventions militaires. Dans l’interview exclusive qu’il nous a accordée, il lance un appel urgent à s’engager avec audace dans les batailles de notre temps.

Vous avez écrit un ouvrage intitulé « Au nom de l’Humanité. L’audace mondiale » Pouvez-vous résumer en quoi consiste l’audace ?

Il s’agit de trois « audaces », c’est-à-dire réaliser trois changements radicaux de notre univers de vie. Tout d’abord, la « première audace » est de bannir la guerre. Il faut désarmer la guerre. Dans un monde de plus en plus interdépendant, liant la destinée des uns à celles des autres (qu’il soit question d’emploi, de sécurité énergétique, de changement climatique ou de stabilité monétaire…), à quoi sert la guerre ? A quoi a servi que l’Occident ait bombardé l’Afghanistan, l’Irak, puis la Libye et maintenant la Syrie ?
L’humanité a atteint un stade de mondialisation de la condition humaine où la vraie sagesse des humains n’est pas celle de jouer à la guerre pour savoir qui est le plus fort et survivre à la place de et/ou de dominer les autres, mais d’apprendre à vivre ensemble avec les autres êtres vivants et de prendre soin de l’ensemble de la vie sur la Terre. On connaît la ritournelle : « il est impossible de penser que l’on puisse arrêter la guerre, elle fait partie de la « nature humaine», sa « naturalité » la rend inévitable, on peut tout au plus essayer de la prévenir en s’armant ; les êtres humains sont des ennemis pour les autres humains, dès lors il vaut mieux assurer sa puissance pour gagner les guerres plutôt que les perdre».
Dans mon livre, je crois avoir démontré le caractère fallacieux de ces arguments. J’ai insisté, d’une part, sur le fait que dans la prétendue « nature humaine » il y a de tout, l’agressivité et la violence comme l’amour et la paix. Il n’y a pas de déterminisme du mal qui serait plus fort que le bien. Mais j’ai surtout montré que la guerre n’a rien de « naturel » en ce qui concerne l’espèce humaine. Elle est par essence un produit de l’histoire sociale, le résultat des choix opérés par les sociétés humaines. Jusqu’à sa disparition en 1989, les groupes dominants de l’Occident ont affirmé que l’URSS était la cause principale de la course à l’armement du monde à l’ère de la guerre froide. Le collapse de l’URSS n’a pas conduit à la fin de la militarisation du monde. Les dominants ont « découvert » (il serait mieux de dire « créé ») un nouvel ennemi mondial, le terrorisme, en particulier le « terrorisme islamiste ». Aucun anthropologue ou biologiste n’oserait affirmer que le terrorisme « islamiste » fait partie de la « nature humaine ». Il est évident, en revanche, que ce terrorisme est le fruit de la crise des rapports séculaires entre chrétiens et musulmans, alimentée par les nouvelles crises internes au monde chrétien et au monde musulman en tant que « systèmes religieux » absolutistes et exclusifs. Il est également l’un des résultats de la déliquescence des communautés humaines et de la désagrégation de l’Etat au Moyen Orient, allant de pair avec l’insoutenable situation représentée par la domination militaire d’Israël et la colonisation/ occupation des territoires palestiniens.

Auriez-vous des exemples concrets pour étayer votre thèse sur la non-naturalité de la guerre et, en revanche, sur la guerre en tant que construction sociale?

Il y a de nombreuses communautés humaines qui n’ont jamais fait la guerre. C’est le cas, entre autres, de la plupart des communautés monacales. Depuis le XVIII siècle, la Suède ne fait plus la guerre à personne. La Norvège, l’Autriche, l’Irlande et la Suisse ont affirmé leur neutralité. . L’article 11 de la Constitution italienne stipule que l’Italie condamne la guerre. C’était il y a 75 ans. L’histoire est pleine d’exemples de sociétés humaines qui abandonnent la pratique de la guerre. La Chine, notamment, a décidé spontanément au XVIe siècle de ne plus viser aucune expansion territoriale de son Etat. Elle a appliqué ce principe pendant plus de 400 ans. Elle l’a fait sauter en éclat en 1950 par l’occupation militaire du Tibet.
La paix n’est pas non plus un fait naturel. Qui plus est, pacifisme et militarisme coexistent. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, les pays européens occidentaux ont pu vivre ensemble dans la paix et on imagine mal l’Allemagne et la France se remettre en guerre l’une contre l’autre. Pourtant, la plupart des pays européens n’ont cessé d’être en guerre ailleurs dans le monde. Le pacifisme intra-européen n’a pas non plus empêché la France et le Royaume-Uni de rester des grandes puissances militaires (nucléaires) mondiales et la grande majorité des Etats européens de faire partie de l’OTAN. La population de la Suède continue à se considérer et à être considérée comme pacifiste alors que le pays est le troisième principal exportateur d’armes au monde par habitant.
C’est dire que la pratique de la guerre ou de la paix est un choix des sociétés et une illustration des contradictions internes dans un pays et entre les pays. Ce sont les évolutions historiques des sociétés humaines et non pas la « nature humaine » qui font la guerre ou la paix. Il en va de même de la pauvreté.

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En effet, mettre hors-la-loi les facteurs structurels qui engendrent les processus générateurs de l’appauvrissement dans le monde constitue votre « deuxième audace »

La pauvreté n’est pas non plus un fait de nature. Elle ne tombe pas du ciel, comme la pluie. Personne ne naît pauvre ou riche. On le devient. C’est la société qui produit les phénomènes d’appauvrissement ou d’enrichissement, à savoir les processus d’inégalité et d’exclusion sociale entre les êtres humains. Ce qui explique que certaines sociétés sont plus inégales et excluantes que les autres. En fait, plus une société est injuste humainement et socialement plus il y a d’appauvris. Par exemple, si une société adopte des législations favorables à l’appropriation privée des terres et des semences et leur commercialisation à des buts lucratifs, on peut être sûr que cette société produira des paysans appauvris et des propriétaires terriens riches. En outre, moins une société garantit les droits humains et la sécurité sociale pour tous, plus les inégalités face à la vie seront grandes et les exclusions sociales fortes.
Si les processus d’appauvrissement se sont maintenus, voire renforcés ces dernières décennies, ce n’est pas principalement à cause des crises financières ou à cause de l’insuffisance des ressources financières publiques. Le monde n’a pas cessé de devenir plus riche en termes de biens et de services matériels et immatériels, mais il l’a fait de manière très inégale entre catégories sociales et pays et de manière très prédatrice des richesses naturelles, ce qui a engendré, à son tour, de fortes disparités territoriales.
Au cours des quarante dernières années, nos sociétés sont devenues plus injustes pour deux raisons principales. Primo, leurs classes dirigeantes ne croient plus que tous les êtres humains naissent égaux en dignité et ont les mêmes droits humains et sociaux. Ils considèrent, au contraire, que l’inégalité est une donnée naturelle de la condition humaine. D’où l’importance accordée au principe du mérite. La jouissance des droits doit se mériter. Secundo, ils ont adopté la thèse que tout est marchandise, que la valeur des choses passe par l’échange marchand et que, dès lors, même l’accès aux biens et aux droits doit être payant. D’où la privatisation et la monétisation/financiarisation de la plupart des biens et services jadis publics. Et d’où la grande montée de l’appauvrissement au sein même de l’Union européenne puisqu’en 2015 on comptait, selon l’Office statistique de l’UE, plus de 125 millions de personnes sur les 510 millions d’habitants de l’UE vivant au-dessous du seuil de pauvreté.
D’où encore, au plan mondial, ce chiffre ahurissant, absurde, publié dans le rapport d’Oxfam International présenté en janvier 2016 au World Economic Forum : 62 personnes les plus riches au monde possèdent la même richesse monétaire que la moitié la plus pauvre de la population mondiale, à savoir 3,7 milliards d’êtres humains.
Affirmer que la deuxième grande audace mondiale actuelle est de mettre hors-la-loi les facteurs générateurs de la pauvreté dans le monde n’est pas, devant de tels chiffres, une audace aussi audacieuse qu’on le pense.

Mais les dirigeants mondiaux soutiennent que, en temps de crises financières fréquentes, il est impossible de réaliser une telle tâche faute de moyens suffisants…

C’est une pure mystification. Tout le monde sait que, rien qu’à partir de 2008, les dirigeants du monde ont fait couler l’argent à flots pour sauver les banques alors qu’elles étaient les principales responsables de la crise : les estimations varient entre 30 et 50 mille milliards de dollars! Or, selon les estimations de la Banque mondiale et de l’ONU, on sait qu’il faudrait dépenser quelque 200 milliards par an pendant 10 ans pour que tous les « pauvres » actuels puissent avoir accès à l’eau potable et à l’hygiène, à des soins de santé essentiels, à une scolarisation de base et à une alimentation minimale. Tout le problème consiste dans le fait que les pauvres ne sont pas des banques. Ils ne sont pas non plus des armements, pour lesquels le monde a dépensé en 2015 plus de 1.500 milliards de dollars. On peut sauver les banques et on peut alimenter la guerre, mais on ne veut pas éradiquer les causes de l’appauvrissement.
Selon la logique du système financier actuel, les banques  et les armements produisent des profits pour les capitaux investis. En revanche, « sauver les pauvres » est considéré un coût pour le capital, notamment privé. Un exemple « indécent » de cette situation concerne le manque d’accès à l’eau potable et à l’assainissement. Selon une étude publiée le 12 février 2016 dans Science, quatre milliards de personnes vivent dans un état grave de carence d’eau (causes naturelles et humaines). Depuis des décennies, les groupes sociaux dominants, pouvoirs publics compris, affirment qu’on ne peut pas résoudre la situation faute de moyens financiers publics suffisants mais que, si l’eau potable pouvait être librement marchandisée et si la gestion des services hydriques était confiée à des entreprises privées, les capitaux privés seraient incités à investir dans l’eau et le problème serait résolu !

Aujourd’hui, la défense des droits universels paraît de plus en plus difficile. Elle est subordonnée aux exigences financières. Comment construire la paix et éradiquer la pauvreté contre vents et marées ?

Justement en promouvant une économie et une société fondées sur le principe et la pratique de la responsabilité collective des biens (et des services) communs publics essentiels et non-substituables pour la vie et le vivre ensemble tels que l’eau, l’air, le soleil, la terre, les semences, la connaissance, la santé, l’éducation, la sécurité. Pour cette raison, la « troisième audace » consiste. dans la conception et la mise en œuvre d’un nouveau système financier mondial.

Cela comporte avant tout une critique sévère du système économique dominant?

En effet. Comme on l’a vu à propos de la pauvreté, le système économique actuel n’est pas, de toute évidence, raisonnable, sensé, efficient. L’économie actuelle est une économie prédatrice qui produit inégalité, exclusion, injustice, exploitation des uns par les autres, conflits, guerres…Le seul droit qu’elle reconnaît est le droit de la propriété privée et de la liberté mondiale de l’entreprise privée, du commerce, des mouvements des capitaux, du profit, de l’enrichissement…la liberté des marchés.

Vous vous attaquez à la structure et aux outils qui permettent à ce système de se reproduire…

Justement, il faut avoir l’audace de changer radicalement le système financier actuel. La finance en place n’a plus de sens. Même les financiers disent que la finance est détachée, dissociée de l’économie réelle. Alors pourquoi le maintenir ? Normalement la finance sert à assurer les liens entre l’épargne (des familles, des entreprises, des institutions publiques) et l’investissement (dans le but d’améliorer les biens et les services existants ou d’en créer d’autres), contribuant ainsi à créer de la richesse réelle. Ce n’est plus le cas, la finance cherche à faire de l’argent par l’argent. En outre, les financiers reconnaissent également que la finance est devenue de plus en plus volatile, c’est-à-dire que les valeurs financières changent à la rapidité des minutes, des secondes. Depuis quelques années, un essor considérable a été pris par la finance à haute fréquence (FHF), c’est-à-dire que les transactions financières se font désormais au millième de seconde, par des machines, par des algorithmes. Sauf pour la création des algorithmes et la conception des machines, la FHF fonctionne en l’absence totale d’intervention humaine. Là aussi, on peut s’interroger sur le « sens » d’une telle finance. On ne peut pas construire le devenir de l’humanité (plus de 9 milliards d’êtres humains en 2050) sur une économie (« règles de la maison ») dominée par une finance prédatrice du « lieu de vie » (oikos), volatile , privée de « sens » .

Pour conclure, quelle est votre réaction suite aux attentats de Bruxelles du 22 mars?

Celle d’une tristesse énorme. Pour la mort de personnes innocentes. Pour la violence du « non-sens », mais aussi d’une tristesse rageuse en constatant que nos dirigeants n’ont pas appris grand chose des massacres/leçons de ces dernières années, avant et après le 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Ils continuent à utiliser la guerre comme réponse aux problèmes.

Les attentats de 2001 à New York, tout comme ceux de l’année dernière à Paris et maintenant à Bruxelles, ont servi de prétexte à de nouvelles interventions militaires. Qu’en pensez-vous ?

La réaction du genre « on nous fait la guerre, nous devons la gagner » ne me paraît pas une réaction raisonnable ni sage. Cette attitude prétend évacuer la responsabilité énorme que nous, Européens, avons dans la situation actuelle. L’Irak n’a jamais attaqué l’Europe. Il a été attaqué par le Royaume Uni du gouvernement Blair et par les Etats-Unis sur la base de faux documents. La France de Sarkozy a attaqué la Libye et non pas l’inverse. La Syrie a été détruite à cause des nombreux conflits au sein de la Syrie et du monde arabe alimentés, une fois encore, par les intérêts des Occidentaux. L’Afghanistan a été d’abord attaqué par les Russes et puis par les Etats-Unis. Pendant des années, l’Iran a été soumis à une énorme pression politique, économique et militaire de la part des Occidentaux parce qu’il a essayé de se doter d’un armement nucléaire et que cela a été retenu comme une grave menace pour l’Occident (en particulier Israël). Peut-on considérer les Syriens, qui fuient la guerre en masse et essaient de venir chez nous, comme des attaquants et des envahisseurs ? Et sur quelle base juridique et sur quelle éthique l’Union européenne s’attribue-t-elle le droit d’acheter pour 6 milliards d’euros l’accord de la Turquie et de la Grèce pour que les bateaux militaires de l’OTAN patrouillent la mer Egée? Est-ce que les migrants sont des envahisseurs militarisés? L’Irak était un Etat, il ne l’est plus. Les Libyens avaient un Etat, ils ne l’ont plus. Les Syriens avaient un Etat, il n’existe plus. Tout cela à cause de nous. Et maintenant nos dirigeants disent que nous devons nous défendre.

Dans le contexte actuel marqué par la confusion idéologique, quelle serait la principale leçon à tirer ?

Reprendre par tous les moyens possibles les chemins de la pacification en imposant à toutes les parties concernées (Arabie Saoudite et Israël compris) l’arrêt du financement et du commerce des armes. Un chemin  extrêmement difficile à mettre en route et puis à maintenir, mais je considère que c’est la seule voie efficace à emprunter si on ne veut pas maintenir l’ensemble de la région « Méditerranée, Moyen Orient, Asie mineure, Afrique du Nord et Corne d’Afrique » dans un état permanent de guerre et de massacres au cours des 30 à 50 ans à venir. La raison est la paix. La déraison est de continuer la guerre en s’illusionnant que la paix viendra de l’extermination de l’ennemi. Les Etats-Unis, qui poussent toujours à la guerre totale, n’ont rien résolu depuis toutes ces années. Pourquoi suivre leur chemin?

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Brexit / UE : des xénophobes des deux côtés 27 Juin 2016

Brexit / UE : des xénophobes des deux côtés

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Toute la presse ne parle que du Brexit et les opposants anglais à l’Union européenne sont présentés comme des nationalistes, racistes, anti-migrants. Sans doute à juste titre. Mais l’Union est-elle vertueuse pour autant?


Sans entrer dans les aspects socio-économiques de la vision ultra-libérale européenne, qui mériteraient de bien plus longs développements, voyons qui va présider le Conseil de l’Union en ce moment.
Le 1er juillet, la Slovaquie prendra la présidence du Conseil de l’Union européenne, et cela pour six mois. Le président du Conseil de l’UE sera donc Roberto Fico.

Portrait d’un homme pas très sympathique 


Roberto Fico commence sa carrière au parti communiste, en 1987, mais très vite il passe chez les sociaux-démocrates avant de fonder son propre parti Direction – Social-démocratie (SMER-SD).
Il se lance dans une carrière politique aux alliances fluctuantes et accède au pouvoir grâce à une alliance avec les nationalistes (SNS) et les populistes (ĽS-HZDS), ce qui lui vaut d’être suspendu du Parti socialiste européen (PSE), mais très vite réintégré. Il s’agit donc d’un « homme de gauche ». Enfin la gauche telle que définie par le groupe des Socialistes européens. Au gouvernement slovaque, nous retrouvons pourtant de vrais néo-nazis, dont Marian Kotleba, un nostalgique du III ème Reich, ex skinheads, du genre à porter les costumes de la milice slovaque collaborationniste, mise en place par le régime nazi. Les ennemis actuels de cette étrange coalition sont toujours les Juifs bien sûr, mais surtout les Roms, l’Islam et les migrants.
Roberto Fico a dit notamment: « L’islam n’a pas sa place en Slovaquie ». « J’ai décidé de surveiller chaque musulman du pays« . « Je sens que l’UE est en train de commettre un suicide rituel, tout en contemplant (l’invasion migratoire) »; « Le multiculturalisme est une fiction« .

Roberto Fico a aussi émit le souhait de n’accueillir que des migrants chrétiens. Pour sa réélection en 2016, son slogan de campagne était « Protéger les Slovaques ». Il a surfé sur la vague islamophobe et anti-migrant,  présente dans toute l’Europe, au point qu’il a été qualifié de « Viktor Orban de gauche ». Sa rhétorique anti-migrant a remplacé ses discours traditionnels centrés sur les Roms. »Le problème rom ne pouvait être résolu autrement que par certaines limitations des droits de l’Homme ».

Roberto Fico a tenu ses promesses: à l’encontre des Roms, la politique slovaque est choquante et limite très fort les droits de l’Homme. La Cour de Strasbourg a eu l’occasion à de nombreuses reprises de le constater. Elle a condamné la politique slovaque à l’égard des roms dans des affaires qui traitent de meurtre dans un commissariat (2010), de stérilisations forcées de femmes roms ( 2011 et 2012) et bien entendu de discriminations.
Selon un rapport des Nations-Unies, 75% des Roms slovaques sont au chômage, un taux sept fois plus élevé que chez les autres habitants du pays. 20% des 400.000 Roms slovaques vivent ainsi dans l’extrême pauvreté.
C’est cet homme-là qui va présider le Conseil de l’Union, sans que la presse ne se scandalise pour autant, sans que des pétitions n’exigent que le peuple slovaque revote, sans que les défenseurs des droits de l’Homme ne montent au créneau.
Les défenseurs du Brexit avaient peut-être une rhétorique xénophobe et défendaient une position de repli identitaire, mais l’honnêteté intellectuelle nous oblige à reconnaître que les défenseurs de l’Union ont exactement les mêmes tares.

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L’Union européenne victime de son impérialisme démesuré

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    ses bas salaires ?



Bien que peu d’analystes exposent le problème sous cet angle, l’Union européenne souffre d’une crise auto-infligée de « surexpansion », ou si vous préférez, une forme de surmenage impérial. Le vote Brexit n’était que le dernier symptôme de cette catastrophe politique qui comprend également l’escalade des affrontements avec la Russie et la crise en cours en Ukraine.

Les sondages d’opinion au Royaume-Uni ont établi que l’inquiétude généralisée sur l’immigration a été le facteur le plus important conduisant les électeurs à voter pour une sortie de l’UE. Les militants pro-Brexit ont insisté sur les statistiques publiées le mois dernier. Elles montrent que le solde migratoire a atteint le tiers d’un million de personnes en 2015, doublant le taux qui prévalait trois ans plus tôt.

De tels chiffres ont nourri les préoccupations publiques quant à l’impact des immigrants sur le National Health System et les autres services sociaux du pays, ainsi que sur l’emploi. Ces chiffres ont également nourri une profonde méfiance à l’égard de la crédibilité du gouvernement.

Comme le Guardian l’a rapporté après l’étonnante victoire électorale du camp Brexit, « l’échec de David Cameron à donner une réponse convaincante à la publication des chiffres quasi records du solde migratoire lors de la première semaine de la campagne sur le référendum européen s’est révélé être un moment décisif.

“Le chiffre de 333.000 a non seulement souligné de manière incontestable que la Grande-Bretagne était devenue un pays de migration de masse, mais il signifiait aussi que les politiciens qui ont affirmé pouvoir faire des coupes profondes dans les chiffres tout en restant au sein de l’Union européenne n’étaient pas pris au sérieux.

L’afflux de ces nouveaux arrivants a eu un effet psychologique profond sur le public. “L’incapacité du gouvernement britannique pour contrôler la migration (intraeuropéenne) est considérée comme emblématique d’une perte plus large de contrôle”, a écrit le théoricien politique d’Oxford David Miller juste avant l’élection. “Beaucoup de Britanniques estiment qu’ils ne sont plus en charge de leur propre destin : ‘Reprenez notre pays’ est un slogan qui résonne le long du sentier de la campagne.

L’expansion de l’UE et l’immigration


Environ la moitié des immigrants au Royaume-Uni ces dernières années sont venus d’autres pays de l’UE, profitant de l’engagement fondamental pour la libre circulation des personnes au sein de l’Union. Leur grand nombre reflète l’énorme expansion de l’UE depuis 2004 — et l’attrait de l’économie relativement riche de la Grande-Bretagne pour les travailleurs pauvres des nouveaux membres comme la Pologne et la Roumanie.

L’Union européenne — qui dispose d’un commissaire pour “l’élargissement” — s’est élargie sans relâche et sans tenir compte des préoccupations des électeurs de base de ses membres fondateurs. En 2004, l’UE a absorbé Chypre, la République tchèque, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la Slovaquie et la Slovénie — tous des pays à bas salaires avec des normes de standard de vie beaucoup plus basses qu’en Allemagne, en France ou au Royaume-Uni. En 2007, l’Union a également pris la Roumanie et la Bulgarie.

Les statistiques officielles montrent que les citoyens de ces membres plus récents et plus pauvres de l’UE comptent pour près d’un tiers du solde migratoire dans le Royaume-Uni au cours des dernières années.

Bien que de nombreux économistes défendent que la libre circulation du travail est bonne pour l’économie dans son ensemble, le résultat — comme celui du libre-échange avec les pays à bas salaires — peut nuire à des travailleurs moins qualifiés.

En 2011, deux rapports inédits commandés par le ministère des Communautés et des Collectivités locales ont établi ce point.

Un haut fonctionnaire du gouvernement a prévenu que l’immigration en forte augmentation pourrait “accroître les tensions entre les travailleurs migrants et d’autres sections de la communauté” durant la récession du pays. Un autre a noté une forte augmentation des migrants établis de façon inattendue dans les zones rurales, et a conclu qu’ils avaient “un impact négatif sur les salaires des travailleurs du Royaume-Uni dans les plus bas niveaux de la distribution professionnelle.

Nous avons sous-estimé de manière significative le nombre de personnes qui allaient venir en Europe de l’Est”, a concédé Ed Milliband, leader du Parti travailliste. “La migration économique et une plus grande flexibilité du marché du travail ont augmenté la pression rencontrée par les travailleurs moins qualifiés.

Ironiquement, la plupart des localités qui ont voté le plus massivement pour le Brexit avaient des populations migrantes relativement faibles. Mais beaucoup d’entre elles souffrent encore de l’austérité économique et de fortes réductions dans le filet de sécurité sociale imposées par le gouvernement conservateur depuis 2010.

Changer de bouc émissaire en passant du gouvernement au migrant sans visage. . . C’est plus facile quand les gens ont peur pour leur subsistance, et c’est plus commode pour les politiciens qui font campagne des deux côtés” a fait remarquer l’écrivain basé à Londres, Aube Foster.

Les électeurs ont été facilement persuadés que les “lointains” et “anonymes” bureaucrates de l’UE ne saisissaient pas leurs préoccupations. En effet, l’Union européenne reste tordue par une expansion continue. Des pourparlers sont en cours pour l’adhésion de l’Albanie, de la Macédoine, du Monténégro, de la Serbie et de la Turquie. La Bosnie-Herzégovine et le Kosovo sont reconnus en tant que membres potentiels.

La Russie et l’Ukraine


La conduite expansionniste de l’UE a eu d’autres répercussions coûteuses tant pour la Grande-Bretagne que pour le reste de l’Europe. Sa volonté d’établir un “accord d’association” avec l’Ukraine a ainsi été une catastrophe notable. Ce traité de grande envergure comprenait non seulement des dispositions pour une étroite intégration économique, mais aussi un engagement dans le temps à se conformer à la Politique de sécurité et de défense commune de l’Union ainsi qu’aux politiques des Agences de Défense Européennes. Sur ces deux fronts, l’accord a été conçu de manière à tirer l’Ukraine de son orbite russe traditionnelle.

L’expansion de l’UE en Ukraine, comme son expansion dans le reste de l’Europe de l’Est, a été menée parallèlement à l’expansion de l’alliance militaire de l’OTAN dans les mêmes pays, contrairement aux promesses faites par les dirigeants occidentaux à leurs homologues russes en 1990. En 2008, le secrétaire général de l’OTAN — soutenu par le président George W. Bush et le candidat à la présidentielle Barack Obama — a promis que l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan serait accordée.

Inutile de dire que la Russie a mal réagi, comme elle l’a fait plus tard avec la joute de pouvoir menée par l’UE. La Russie a fait pression sur le gouvernement du président Viktor Ianoukovitch pour qu’il résiste aux sirènes de l’OTAN et de l’Union européenne. Le refus de Ianoukovitch de rompre avec la Russie a alors déclenché les manifestations du soi-disant “Euromaidan” et le putsch soutenu par l’Occident qui a renversé son gouvernement en février 2014.

En moins d’un mois, le nouveau Premier ministre pro-européen et pro-US, Arseniy Yatseniuk, avait signé les dispositions politiques de l’accord européen. Quelques mois plus tard, il déclarait qu’il chercherait également à adhérer à l’OTAN.

Le résultat a été une guerre civile sanglante dans l’Est de l’Ukraine ; des confrontations militaires dangereuses et coûteuses entre la Russie et l’OTAN ; et les sanctions économiques qui appauvrissent mutuellement la Russie et l’Union européenne.

Les futurs historiens nous aideront à comprendre les sources sous-jacentes de l’expansion autodestructrice de l’UE. Sans doute comprennent-elles un mélange de foi idéologique dans l’universalité des valeurs européennes, d’agrandissement bureaucratique, et de soumission aux élites néolibérales. Quelles que soient les causes, les conséquences menacent aujourd’hui l’ensemble du projet européen.

L’avenir de l’Union européenne exigera une sérieuse remise en question sur bien des fronts, mais plus particulièrement sur celui des grandioses ambitions d’expansion.


Article publié sur Consortium News sous le titre European Union’s Imperial Reach
Traduit de l’anglais par Investig’Action
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Pourquoi les Britanniques ont dit non à l’Europe

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Britanniques est un acte parfaitement démocratique. Des millions de gens ordinaires ont refusé de se laisser impressionner, intimider et mépriser par les analystes des principaux partis, le monde des affaires, l’oligarchie financière et les grands médias.


Ce fut en grande partie le vote de ceux qui étaient déçus et démoralisés par l’arrogance des défenseurs d’une politique de maintien dans l’UE associée à la déconstruction d’une politique sociale équitable en Grande Bretagne. Le service National de Santé, dernier bastion des réformes historiques de 1945, a été à ce point démantelé par les Conservateurs et les Travaillistes partisans des privatisations qu’il en est réduit à devoir se battre pour sa survie.
 
L’alarme a été déclenchée quand George Osborne, secrétaire au trésor, incarnation de l’ancien régime britannique et de la mafia bancaire en Europe, a menacé d’amputer de 30 milliards de £ le budget des services publics si la population faisait le mauvais choix. Ce chantage était scandaleux.
 
Le problème de l’immigration a été exploité au cours de la campagne avec un cynisme achevé non seulement par les populistes délirants d’extrême droite mais aussi par les travaillistes traînant avec eux une vieille tradition de racisme, symptôme de corruption du sommet plutôt que de la base du parti. On connaît pourtant les raisons de la présence de ces millions de réfugiés qui ont fui le Proche et le Moyen Orient – d’abord l’Iraq, maintenant la Syrie – suite aux invasions et aux agressions lancées par la Grande Bretagne, les Etats-Unis, la France, l’Union Européenne et l’OTAN. Avant cela, il y eut la destruction délibérée de la Yougoslavie ; plus loin encore la confiscation de la Palestine et l’imposition de l’Etat d’Israël.
 
Les casques à plumes ont disparu mais le sang n’a jamais séché. Ce mépris du dix-neuvième siècle pour les pays et les peuples, selon l’importance de leur utilité coloniale, demeure une pièce maîtresse de la « globalisation » avec son socialisme pervers pour les riches et son capitalisme débridé pour les pauvres : liberté pour le capital, déni de liberté pour le travail, politiciens perfides et agents civils politisés.
 
Tout cela a maintenant atterri en Europe, enrichissant Tony Blair et ses semblables en appauvrissant et asservissant des millions de personnes. Ce 23 juin, les Britanniques n’ont rien vu d’autre.
Les promoteurs les plus efficaces de «  l’idéal européen » n’ont pas été l’extrême droite mais une insupportable classe patricienne dirigeante pour laquelle Londres représente le Royaume Uni. Ses membres dirigeants se voient comme instruits, libéraux, élite éclairée du vingt et unième siècle et même un peu cool. Ils ne sont en réalité qu’une bourgeoisie aux goûts consuméristes insatiables, porteuse de sentiments de supériorité dépassés.
 
Dans leur quotidien, le Guardian, ils ont aboyé jour après jour sur ceux qui osaient considérer l’Union Européenne comme profondément anti-démocratique, à la source d’injustices sociales et d’un extrémisme virulent connu sous le nom de néolibéralisme.
 
L’objectif de cet extrémisme est d’installer une théocratie capitaliste figée qui conforte une société à trois classes : une majorité divisée et endettée dirigée par une classe structurée stable et une classe permanente de travailleurs pauvres. Aujourd’hui, en Grande Bretagne, 63% des enfants pauvres vivent dans une famille dont un seul membre travaille. Pour eux, la trappe est déjà fermée. Une étude rapporte que 600.000 habitants du Grand Manchester, la seconde ville britannique, découvrent les effets de la grande pauvreté tandis que 1.6 millions de Britanniques s’enfoncent dans la précarité.
Cette situation catastrophique a été trop peu évoquée par les médias contrôlés par la bourgeoisie, notamment par la BBC dominée par Oxbridge. Pendant la campagne du referendum, aucune analyse en profondeur n’a pu éclipser le cliché hystérique d’une sortie de l’Europe, comme si la Grande Bretagne allait subitement dériver vers les courants hostiles quelque part au nord de l’Islande.
 
Au matin après le vote, un reporter de la BBC accueillait les politiciens dans son studio comme de vieux copains en disant, notamment à Lord Peterson, architecte déconsidéré du Blairisme : « Pourquoi ces gens rejettent-ils l’Europe à ce point ? ». « Ces gens » sont la majorité des Britanniques.
 
Tony Blair, opulent criminel de guerre, reste un héros de la classe « européenne » Mandelson, ce que l’on n’ose plus guère dire aujourd’hui. Le Guardian a décrit Blair en son temps comme un mystique fidèle à son projet de guerre prédatrice. Après le scrutin, l’éditorialiste Martin Kettle a apporté une réponse Brechtienne au mauvais usage de la démocratie par les masses. « Aujourd’hui, nous pouvons nous accorder sur le fait que les referendums sont mauvais pour la Grande Bretagne. » titrait-il sur sa page. Le « nous » n’était pas explicité mais bien compris, tout comme l’était « ces gens » à la BBC. « Le referendum a conféré moins de légitimité aux politiques, rien de plus, » écrivait Kettle…Le verdict au sujet des referendums devrait être brutal : plus jamais ça.
 
Ce genre de brutalité à laquelle aspire Kettle est illustré par le spectacle de la Grèce, un pays passé à l’aspirateur. Là, il y a eu un referendum dont on n’a pas tenu compte. Comme pour le parti travailliste en Grande Bretagne, les dirigeants du gouvernement Syriza à Athènes sont issus de milieux aisés, privilégiés, éduqués, frottés à l’hypocrisie et aux trahisons postmodernistes. Le peuple grec a utilisé courageusement le referendum pour demander à son gouvernement de négocier de meilleurs termes pour l’accord conclu à Bruxelles qui broyait la vie de leur pays. Ils ont été trahis comme les Britanniques l’auraient été.
 
Vendredi, la BBC a demandé à Jeremy Corbyn, leader du parti travailliste, s’il rendrait hommage à son partenaire, le démissionnaire Cameron, dans leur combat pour le « oui » et il a alors, jusqu’à provoquer la nausée, rendu hommage à la dignité de Cameron, rappelé son soutien au mariage  gay et ses excuses aux familles irlandaises pour les victimes du « bloody Sunday ». Il n’a rien dit des germes de division semés dans le pays par Cameron, de ses politiques d’austérité brutales, de ses mensonges au sujet des garanties apportées au Service National de Santé. Il n’a pas non plus rappelé la folie guerrière du gouvernement Cameron : l’envoi de forces spéciales en Libye, la fourniture de lanceurs et de munitions à l’Arabie Saoudite et, par-dessus tout, sa disponibilité pour une troisième guerre mondiale.
 
Au cours de la semaine précédant le referendum, aucun politicien ni, à ma connaissance, aucun journaliste britannique n’a fait mention du discours de Vladimir Poutine à Saint Pétersbourg commémorant le septante-cinquième anniversaire de l’invasion de l’Union Soviétique par les Nazis le 22 juin 41. La victoire des Soviétiques au prix de 27 millions de vies soviétiques et de la majorité des forces armées allemandes nous a permis de l’emporter dans cette seconde guerre mondiale.
 
Poutine a associé l’actuel renforcement fébrile des troupes de l’OTAN ainsi que la consolidation des bases militaires aux frontières occidentales de la Russie à l’opération Barbarossa du troisième Reich. Les exercices de l’OTAN en Pologne ont été les plus importants depuis l’invasion nazie ; l’opération Anaconda a simulé une attaque de la Russie, vraisemblablement avec des armes nucléaires. A la veille du referendum, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a sournoisement prévenu les Britanniques de ce qu’ils mettraient en danger la paix et la sécurité en votant pour la sortie de l’Union Européenne. Ces millions-là l’ont ignoré, comme ils ont ignoré Cameron, Osborne, Corbyn, Obama et celui qui dirige la banque d’Angleterre ; en votant ainsi ils ont peut-être, et seulement peut-être, rendu un espoir de paix réelle et de démocratie en Europe.
 
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Traduit de l’anglais par Oscar GROSJEAN pour Investig’Action

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