۱۳۹۵ فروردین ۲۳, دوشنبه

11 avril 2016
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Le pipeau total de la guerre des USA contre le soi-disant État Islamique était récemment démontré par A+B lors d’une séance du Comité du Services des Armés du Sénat US [US Senate Armed Services Committee (SASC)]. Cette séance concernait la nomination du général Joseph Votel à la tête de l’état-major des armées (US Central Command) et du lieutenant général Raymond Thomas à la direction du commandement des Opérations Spéciales US (US Special Operations Command).



Tandis que l’Armée Arabe Syrienne, épaulée par les forces aérospatiales russes, continue à couper des armées entières de terroristes de leurs lignes de ravitaillement à l’étranger, à les encercler et à les éradiquer à l’intérieur même du territoire syrien, les USA ont plutôt l’air d’essayer d’étirer au maximum l’existence de Daesh, tout en maintenant le plus longtemps possible l’illusion qu’ils combattent réellement l’organisation terroriste.

À plusieurs reprises au cours de cette séance du SASC, les sénateurs US (John McCain entre autres) ont présenté les récents revers et défaites de Daesh – notamment la pression récemment mise sur Raqqa, capitale instituée de Daesh en Syrie – comme autant de succès des opérations US au Proche-Orient. En réalité, le crédit de ces victoires revient intégralement à la capacité des forces syriennes et russes à priver totalement Daesh du flot de ravitaillement qui lui parvenait principalement depuis la Turquie, membre de l’OTAN, de la Jordanie, alliée des USA, et qui passait dans les deux sens la frontière syro-irakienne.

En dehors de la prétendue élimination ponctuelle de pontes de Daesh, les USA n’ont littéralement rien fait pour diminuer significativement la capacité militaire de Daesh sur le terrain. Les pilotes russes et syriens, eux, ont systématiquement pulvérisé le réseau logistique de Daesh et d’Al-Qaïda, au point de trainer sous les feux de la rampe leurs sponsors étrangers – en particulier la Turquie, qui est allée jusqu’à faire abattre un chasseur bombardier russe en opération le long de la frontière syro-turque. Tandis que Russes et Syriens sectionnaient une à une les lignes de ravitaillement qui, à travers les frontières syriennes, alimentent les positions d’Al-Qaïda et de Daesh, les Occidentaux et leurs alliés régionaux se trouvaient progressivement acculés à tenter d’empêcher de plus en plus ouvertement la fin inéluctable du conflit.

Sénateurs et généraux ne manifestent aucun intérêt à priver Daesh de ses moyens

Cette séance du SASC était d’autant plus éloquente que, bien que Daesh y ait été régulièrement évoqué, les propos des sénateurs et des deux généraux indiquaient très clairement que leur seul véritable objectif en Syrie restait le renversement du gouvernement syrien et l’éviction de l’influence de la Russie et de l’Iran, afin de maintenir l’hégémonie américaine au Proche-Orient et dans le reste du monde – Daesh n’étant finalement qu’une excuse pour se maintenir militairement dans la région et continuer d’y poursuivre ces mêmes buts.

En dépit du rôle joué récemment par les USA dans le cessez-le-feu syrien et les pourparlers de paix, généraux et sénateurs continuaient à planifier ostensiblement l’élimination du président Bachar el Assad, et les modalités du prochain programme US destiné à entraîner et équiper de nouveaux combattants à envoyer en Syrie pour y perpétuer les violences.

Tout en continuant à planifier unanimement le renversement du gouvernement syrien, les membres du comité revenaient continuellement sur le constat, non seulement de la présence de Daesh dans le pays, mais de son expansion dans un nombre croissant de nations comme l’Afghanistan, l’Irak ou la Libye, trois pays entièrement détruits par les USA – la Libye étant le dernier en date et évoqué à plusieurs reprises au cours de la séance comme « désormais ingouvernable ».

Ce caractère « désormais ingouvernable » de la Libye était d’ailleurs avancé comme la raison principale de la « soudaine » émergence de Daesh dans cette région d’Afrique du Nord. Evidemment, pas un seul des sénateurs ou généraux présents à cette audience n’a daigné évoquer la manière dont, initialement, la Libye est devenue « ingouvernable » – pas même le sénateur McCain, qui avait pourtant marché littéralement main dans la main avec le futur dirigeant de Daesh en Libye, lors de leur commune prise de pouvoir dans ce pays, suite au renversement du gouvernement libyen à Tripoli.

L’incapacité de l’armée américaine, 16 mois durant, à cibler et détruire l’infrastructure pétrolière de Daesh en Syrie aura certes été évoquée, mais le reste de leur infrastructure logistique en Syrie et au-delà, ou leurs sponsors étrangers, tout cela est totalement passé à la trappe. Ce que cette séance illustrait une fois de plus c’est que, comme toujours, c’est encore aux Américains de faire tout le boulot – en l’occurrence transformer des pays en champs de ruines, puis y semer les graines d’un chaos perpétuel avec des forces mercenaires lourdement armées, grassement financées et solidement soutenues, afin de changer des régions entières en zones de conflit perpétuellement divisées, affaiblies, perpétuellement déchirées, perpétuellement instables, d’où les ennemis de l’Occident puissent être extirpés, et où des régimes plus à leur convenance puissent être mis en place.

En plus d’une heure de séance, rien n’a été abordé qui ressemble de près ou de loin à une véritable stratégie pour affronter et détruire Daesh. Des généraux qui ont passé leur vie dans l’armée, descendants de lignées de militaires, dissertaient tranquillement de l’insuffisance des frappes aériennes en Syrie pour réduire à elles seules les capacités militaires de Daesh, sans mentionner une seule fois le fait que l’armée US dispose de forces considérables stationnées en Turquie et en Jordanie, suffisamment nombreuses pour verrouiller hermétiquement les lignes de ravitaillement de Daesh dans ces pays même [donc sans avoir à violer le territoire syrien], et empêcher de facto le flot continu de combattants étrangers (pourtant constamment évoqués pendant toute la séance) de venir renforcer les positions de Daesh en Syrie.

Loin de dénoncer les fidèles alliés des USA qui alimentent ouvertement la formidable capacité militaire de Daesh et son expansion au-delà des frontières de la Syrie, le Comité a au contraire convenu de la nécessité de travailler encore plus étroitement avec ces derniers dans ce qui manifestement est tout sauf une véritable guerre contre Daesh.

Il semble extrêmement improbable que le général Votel ou le lieutenant général Thomas soient réellement totalement incapables d’identifier la source de la capacité militaire de leur ennemi et de l’oblitérer efficacement. En réalité ils savent pertinemment comment vaincre Daesh, mais quiconque prendra la peine de visionner cette séance du Sénat US – dûment archivée sur le site même du gouvernement US afin d’être consultable par tous – comprendra très clairement que le but réel n’est nullement de combattre ou de vaincre Daesh, mais de réorganiser le Proche-Orient d’une manière propre à y maintenir l’influence des USA, et à protéger les « intérêts » américains dans toute la région.

Combattre Daesh n’est au mieux qu’un prétexte pour pérenniser l’engagement US en Syrie, en Irak, et désormais aussi en Afghanistan et en Libye. Sénateurs et généraux présents à cette séance du SASC s’accordaient unanimement à considérer que le Nigéria, la Somalie, voire d’autres nations bien au-delà verraient sans doute bientôt Daesh s’implanter aussi, durablement, à l’intérieur de leurs propres frontières, offrant ainsi aux USA autant d’excellentes opportunités de l’y traquer, au travers de ce que le Pentagone appelle des « opérations transrégionales ».

À l’heure où des nations comme la Russie ou la Chine sont en train de développer leurs relations économiques avec les pays du Proche-Orient et du Maghreb, leur offrant par ce biais davantage de visibilité et d’influence sur le plan international, les USA semblent manifestement vouloir justifier le maintien de leur présence dans le monde arabe par l’enracinement d’un chaos perpétuel.

Il semble cependant de plus en plus évident que ce chaos, qu’ils prétendent « combattre », est un chaos qu’ils créent eux-mêmes, intentionnellement. Difficile d’imaginer que ce type de politique étrangère soit réellement tenable à long terme, ce que, d’une certaine manière, le Comité lui-même reconnaissait implicitement. Interrogés par le Comité sur la question de savoir si la Russie leur semblait être sur le point d’atteindre ses objectifs en Syrie, les deux généraux répondaient oui, sans la moindre hésitation.

Traduit de l’anglais par Dominique Arias, traducteur free-lancer pour Investigaction et Mondialisation.ca Tony Cartalucci est un analyste géopolitique, chercheur et auteur basé à Bangkok, qui écrit principalement pour le magazine online “New Eastern Outlook”.

Source originale de cet article : New Eastern Outlook Copyright © Tony Cartalucci, New Eastern Outlook, 2016