Les mots précédés d’un astérisque (*) sont définis dans le glossaire se situant au bas de cet article.
Si on se contente de lister les sauvetages intervenus depuis 2012, on peut mentionner :
Dexia en Belgique et en France (2012, 3
e sauvetage),
Bankia en Espagne (2012),
Espirito Santo (2014) et
Banif (2015) au Portugal,
Laïki et
Bank of Cyprus à Chypre (2013),
Monte dei Paschi,
Banca delle Marche,
Banca Popolare dell’Etruria e del Lazio,
Carife en Italie (2014-2015),
NKBM en Slovénie (2012),
SNS Reaal aux Pays-Bas (2013),
Hypo Alpe Adria
en Autriche (2014-2015), n’en sont que quelques exemples. Le plus grave
est que les pouvoirs publics ont décidé de couvrir les exactions de ces
banques en faisant supporter les conséquences des agissements coupables
des dirigeants et des actionnaires par la population. La séparation des
banques des *
banques de dépôt
et des *banques d’affaires reste toujours un vœu pieux. La soi-disant
réforme bancaire engagée en France en 2012 par Pierre Moscovici,
ministre de l’économie et des finances, n’aura été qu’une fumisterie.
Interrogé le 30 janvier 2013 par Karine Berger, rapporteur de la loi de
séparation et de régulation des activités bancaires pour savoir quelle
est la part des activités spéculatives concernée par la loi, Frédéric
Oudéa, PDG de la Société Générale, déclarait :
« Cela représente entre 3 et 5 % de nos activités de BFI, qui représentent elles-mêmes 15 % des revenus totaux de la banque. »
Ce qui fait entre 0,5 % et 0,75 % des revenus totaux de la banque. En
ce qui concerne les rémunérations des banquiers, le plafonnement de la
part variable décidé par le Parlement européen le 16 avril 2013 a eu
pour conséquence immédiate… l’augmentation de la part fixe des
rémunérations et le recours à une disposition dérogatoire prévue par la
loi. Enfin, pour ce qui est du financement de l’économie réelle, les
efforts déployés jusqu’à aujourd’hui par les *banques centrales, la *
BCE en particulier, se sont révéler impuissants à enclencher un moindre début de reprise de l’économie.
Parce que nous pensons, notamment à la lumière de l’expérience
grecque, que les banques sont un enjeu essentiel à tout projet de
changement social, nous proposons ci-dessous les mesures immédiates à
prendre pour atteindre les six objectifs suivants :
- 1. Restructurer le secteur bancaire
- 2. Eradiquer la *spéculation
- 3. Mettre fin au secret bancaire
- 4. Réguler le secteur bancaire
- 5. Financer autrement les dépenses publiques
- 6. Renforcer les banques publiques
Dans une seconde partie, nous développons nos arguments en faveur de la socialisation du secteur bancaire.
I. MESURES IMMEDIATES
1. Restructurer le secteur bancaire
Réduire radicalement la taille des banques afin de supprimer le risque « trop grande pour faire faillite » que représentent les *
banques systémiques |
1|.
Séparer les *banques de dépôt et les *banques d’affaires.
Les *banques de dépôt seront les seules institutions financières
autorisées à collecter des dépôts auprès des épargnants et à bénéficier
d’un soutien public (garantie publique des dépôts d’épargne et accès à
la *
liquidité de la *
Banque centrale).
Ces *banques de dépôt ne seront autorisées à octroyer des prêts qu’aux
particuliers, aux entreprises et aux acteurs publics locaux et
nationaux. Il leur sera interdit de mener des activités sur les *
marchés financiers. Cela veut dire qu’il leur sera interdit de faire de la *
titrisation :
les crédits ne peuvent pas être transformés en titres négociables et
les *banques de dépôt doivent conserver dans leurs livres de compte
jusqu’à leur remboursement définitif les crédits qu’elles ont consentis.
La banque qui a consenti un crédit doit en porter le risque.
Les *banques d’affaires ne doivent bénéficier d’aucune garantie
publique, en cas de faillite les pertes seront intégralement assumées
par le secteur privé, à commencer par les actionnaires (sur l’ensemble
de leur patrimoine, voir plus bas).
Interdire les relations de crédit entre *banques de dépôt et *banques d’affaire.
D’accord avec Frédéric Lordon pour imposer un véritable ’apartheid’
entre *banque de dépôt et banque d’affaires, une *banque de dépôt ne
pourra en aucun cas être impliquée dans une relation de crédit avec une
*banque d’affaires |
2|.
2. Eradiquer la *spéculation
Interdire la *spéculation. Comme le propose Paul Jorion, il faut interdire la *spéculation.
« En
France la *spéculation a été autorisée en 1885, en Belgique en 1867. La
*spéculation était d’ailleurs définie très clairement par la loi qui
visait à « interdire les paris à la hausse ou à la baisse sur des titres financiers ».
Avec
une telle interdiction, les gens qui la pratiquent seraient en
infraction ; qu’ils se trouvent dans une banque X ou Y, cela ne
changerait rien » |
3|. On peut ajouter que les banques qui spéculent pour le compte de clients ou pour leur propre compte seront condamnées.
L’acquisition par une banque ou une autre institution financière d’un
bien matériel (matières premières, aliments, terres, immeubles…) ou
d’un titre financier (*
actions, *
obligations ou tout autre titre financier) dans le but de spéculer sur son prix sera interdite.
Interdire les *produits dérivés.
Cela signifie que les banques et autres institutions financières qui
veulent se couvrir contre les risques de différents types (risques de
change, de taux d’intérêt, de défaut de paiement…), doivent revenir à
des contrats d’assurance classiques.
Obliger les *banques d’affaire à demander une autorisation préalable de mise sur le marché de produits financiers. Tout produit financier nouveau (les *produits
dérivés
ne sont pas concernés ici puisqu’ils sont interdits) devra être soumis
aux autorités de contrôle par les *banques d’affaires afin d’obtenir une
autorisation avant d’être mis sur le marché.
Séparer les activités de conseil et les *activités de marché.
D’accord également avec l’économiste belge Eric de Keuleneer qui
propose de séparer les activités de conseil et les *activités de
marché : «
Il est en effet anormal que des banques prennent des
risques de placement de titres, et conseillent leurs clients quant à la
qualité de ces titres, ou soient actuellement en mesure de spéculer sur
l’or, tout en conseillant de façon « désintéressée » à leurs clients
d’acheter de l’or. » Pour cela il propose de recréer la fonction de courtage.
Interdire le *trading de haute fréquence et le *shadow banking. Limiter strictement ce qui peut être mis dans le *hors-bilan |4|. Interdire les *ventes à découvert et les *ventes à nu.
3. Mettre fin au secret bancaire
Interdire les *marchés financiers de *gré à gré.
Toutes les transactions sur les *marchés financiers doivent être
enregistrées, traçables, réglementées et contrôlées. Jusqu’ici, les
principaux *marchés financiers sont de *gré à gré, c’est-à-dire qu’ils
ne sont soumis à aucun contrôle : il s’agit du
marché des changes (5 300 milliards de dollars chaque jour) |
5|, du marché des *dérivés, du marché des matières premières et des produits agricoles |
6|…
Mettre fin au secret bancaire. Les banques doivent
avoir l’obligation de communiquer toutes les informations sur leurs
responsables, leurs différentes entités, leurs clients, les activités
qu’elles exercent et les transactions qu’elles réalisent pour le compte
de leurs clients et pour elles-mêmes. De même, les comptes des banques
doivent également être lisibles et compréhensibles. La levée du secret
bancaire doit devenir un impératif démocratique minimal pour tous les
pays.
Concrètement cela signifie que les banques doivent tenir à la disposition de l’administration fiscale :
une liste nominative des bénéficiaires d’intérêts, de dividendes, de plus-values et autres revenus financiers ;
les
informations sur les ouvertures, les modifications et les fermetures de
comptes bancaires en vue d’établir un répertoire national des comptes
bancaires ;
toutes les informations sur les entrées et sorties de capitaux avec en particulier l’identification du donneur d’ordre.
Interdire les transactions avec les paradis fiscaux.
Il faut interdire aux banques toute transaction avec un *paradis
fiscal. Le non-respect de l’interdiction doit être assorti de sanctions
très lourdes (pouvant aller jusqu’au retrait de la licence bancaire) et
du paiement de lourdes amendes.
4. Réguler le secteur bancaire
Exiger des banques une augmentation radicale du volume de leurs *fonds propresen rapport avec le total du *bilan |
7|.
Alors que les *fonds propres sont en général inférieurs à 5 % du *bilan
de la banque, nous sommes favorables à porter leur minimum légal à
20 %.
Interdire la socialisation des pertes des banques et
des autres institutions financières privées. Il s’agit d’interdire aux
pouvoirs publics de mettre à la charge des finances publiques des dettes
privées.
Restaurer la responsabilité illimitée des grands actionnaires en cas de faillite.
Le coût de la faillite doit pouvoir être récupéré sur l’ensemble du
patrimoine des grands actionnaires (personnes physiques ou
entreprises/personne morale).
En cas de faillite, les clients de la *banque de dépôt doivent continuer
à bénéficier d’une garantie d’État pour leurs dépôts, limitée au
montant raisonnable d’épargne d’un ménage moyen-supérieur (estimé
aujourd’hui à 150 000 euros, montant à soumettre au débat démocratique).
Taxer fortement les banques. Les bénéfices des
banques doivent être soumis strictement aux dispositions légales en
matière d’imposition des sociétés. En effet actuellement le taux
effectivement payé est très nettement inférieur au taux légal lui-même
largement insuffisant. Les transactions bancaires sur les devises |
8|
et sur les titres financiers doivent être taxées. Les dettes bancaires à
court terme doivent être taxées afin de favoriser le financement à long
terme.
Poursuivre systématiquement les dirigeants responsables de délits et de crimes financiers
et retirer la licence bancaire aux institutions qui ne respectent pas les interdictions et se rendent coupables de malversations.
Sauver les banques d’une autre manière. Outre les
dispositions mentionnées plus haut : responsabilité illimitée des grands
actionnaires (sur leur patrimoine global), garantie des dépôts jusque
150 000 euros, interdiction de mettre des dettes privées à la charge des
finances publiques, il s’agit de créer un mécanisme de mise en faillite
ordonnée des banques avec la création de deux structures : une banque
de défaisance privée (à charge des actionnaires privés et sans aucun
coût pour les pouvoirs publics) et une banque publique vers laquelle
sont transférés les dépôts ainsi que les
actifs
sains. Certaines expériences récentes peuvent servir de source
d’inspiration, notamment l’expérience islandaise engagée depuis 2008 |
9|.
5. Financer autrement la dette publique
Imposer aux banques privées la détention d’un quota de
titres de la dette publique.
Donner pour mission nouvelle à la *Banque centrale d’octroyer des
prêts à taux zéro aux pouvoirs publics. A l’inverse de ce qui est
pratiqué par la *BCE du fait des traités européens, la *banque centrale
serait en capacité de permettre un financement à taux zéro de l’État et
de l’ensemble des structures publiques (collectivités, hôpitaux,
organisme de logement social, etc.) afin de mener des politiques
socialement justes inscrites dans la transition écologique.
6. Renforcer les banques publiques existantes et en recréer dans les pays où elles ont été privatisées
(bien sûr en les soumettant comme toutes les autres banques aux mesures
concrètes mentionnées plus haut). En France, s’est mis en place en 2012
un collectif « Pour un Pôle Public Financier au service des
Droits ! » |
10|
favorable à la création d’un pôle public bancaire. Mais le grave
inconvénient de ce projet est qu’il ne va pas au fond des choses car il
laisse subsister, à côté d’un pôle public insignifiant, des banques
privées et un pôle mutualiste qui n’a de mutualiste que le nom. Dans le
cas de la Belgique où le gouvernement a privatisé les dernières banques
publiques dans les années 1990, l’État a racheté en 2011, la « partie »
banque de Dexia et en est actionnaire à 100 %. Dexia Banque est devenue
Belfius et garde un statut privé. Il faut que Belfius devienne une
véritable banque publique et qu’on y mette en pratique les mesures
concrètes formulées plus haut. Le montant payé par l’État s’élève à 4
milliards d’euros, ce que la commission européenne a considéré elle-même
comme tout à fait exagéré. Ce qu’il aurait fallu faire : Belfius aurait
dû être constituée sans coût pour les finances publiques comme
institution bancaire publique bénéficiant des dépôts des clients chez
Dexia Banque et de tous les actifs sains. Cette banque aurait dû être
mise sous contrôle citoyen. Les conditions de travail, l’emploi et les
revenus du personnel auraient dû être garantis tandis que les
rémunérations des dirigeants auraient dû être nettement réduites. Il
fallait interdire aux administrateurs et directeurs d’avoir un mandat
dans une institution privée. Les dirigeants de Dexia auraient dû être
poursuivis en justice par le ministère public pour les différents délits
qu’ils ont commis. Le rapport d’information du Sénat n° 58 sur la
Société de financement local évalue à environ 20 milliards d’euros (13
milliards pour la France dont 6,6 milliards affectés à la
recapitalisation et le reste à la prise en charge d’une partie des
indemnités de remboursement anticipé des emprunts toxiques ; 6,9
milliards d’euros pour la Belgique, correspondant à la nationalisation
de Dexia Bank Belgique et à la recapitalisation de Dexia) le coût de la
faillite de Dexia à cette date. Le 1
er
février 2013, la France a créé une structure à 100 % publique (avec
l’État à 75 %, le CDC à 20 % et la Banque postale à 5 %) afin de
procéder à l’acquisition à 100 % de la société de crédit foncier Dexia
Municipal Agency (filiale de Dexia Crédit Local) qui est devenue la
Caisse Française de Financement Local (CAFFIL).
II. POUR LA SOCIALISATION DU SECTEUR BANCAIRE
La mise en pratique des mesures concrètes qui sont mentionnées plus
haut constituerait une avancée dans la résolution de la crise du secteur
bancaire mais le secteur privé continuerait à occuper une position
dominante.
Il faut aller plus loin que les mesures immédiates proposées.
Ce que démontre l’expérience des dernières années, c’est
qu’on ne peut pas laisser les banques aux mains des capitalistes. Si,
par la mobilisation sociale, on arrive à faire appliquer les mesures
présentées plus haut (qui sont soumises à la discussion afin de les améliorer et compléter),
les capitalistes chercheront par tous les moyens
à récupérer une partie du terrain perdu, ils multiplieront les
activités leur permettant de contourner les réglementations, ils
utiliseront leurs puissants moyens financiers pour acheter l’appui de
législateurs et de gouvernants afin de déréglementer à nouveau et
d’augmenter au maximum leurs profits sans prise en compte de l’intérêt
de la majorité de la population.
Il faut la socialisation du secteur bancaire sous contrôle citoyen
Parce que les capitalistes ont démontré à quel point ils étaient
capables de commettre des délits et de prendre des risques (dont ils
refusent d’assumer les conséquences) dans le seul but d’augmenter leurs
profits, parce que leurs activités entraînent périodiquement un lourd
coût pour la société, parce que la société que nous voulons construire
doit être guidée par la recherche du bien commun, de la justice sociale
et de la reconstitution d’une relation équilibrée entre les humains et
les autres composantes de la nature, il faut socialiser le secteur
bancaire. Comme le propose Frédéric Lordon, il s’agit de réaliser « une
déprivatisation intégrale du secteur bancaire » |
11|. La socialisation de l’intégralité du secteur bancaire est préconisée par le syndicat Sud BPCE |
12|.
Socialiser le secteur bancaire signifie :
l’expropriation sans indemnité (ou avec comme seule indemnité l’euro symbolique) des grands actionnaires (les petits actionnaires seront indemnisés) ;
l’octroi au secteur public du monopole de l’activité bancaire
à une exception près : l’existence d’un secteur bancaire coopératif de
petite taille (soumis aux mêmes règles fondamentales que le secteur
public).
la création d’un service public de l’épargne, du crédit et de l’investissement,
doublement structuré : un réseau de petites implantations proches des
citoyens, d’une part, et, d’autre part, des agences spécialisées en
charge des activités de gestion de fonds et de financement
d’investissements non assurés par les ministères en charge de la santé
publique, de l’éducation nationale, de l’énergie, des transports
publics, des retraites, de la transition écologique, etc. Ces ministères
devront être dotés du budget nécessaire aux financements des
investissements relevant de leurs attributions. Les agences spécialisées
quant à elles interviendraient dans des domaines et des activités
excédant les compétences et les sphères d’action de ces ministères et ce
afin d’assurer le bouclage d’ensemble.
la définition avec participation citoyenne d’une charte
sur les objectifs à atteindre et sur les missions à poursuivre, qui
mette le service public de l’épargne, du crédit et de l’investissement
au service des priorités définies selon un processus de planification
démocratique ;
la transparence (de la comptabilité) des comptes qui doivent être présentés au public de manière compréhensible.
Le mot « socialisation » est utilisé de préférence à celui de
« nationalisation » ou « étatisation » pour indiquer clairement à quel
point est essentiel le contrôle citoyen avec un partage de décision
entre les dirigeants, les représentants des salariés, des clients,
d’associations, les élus locaux et les représentants des instances
bancaires publiques nationales et régionales. Il faut donc définir de
manière démocratique l’exercice d’un contrôle citoyen actif. De même, il
faut encourager l’exercice d’un contrôle des activités de la banque par
les travailleurs du secteur bancaire et leur participation active à
l’organisation du travail. Il faut que les directions des banques
remettent annuellement un rapport public sur leur gestion. Il faut
privilégier un service de proximité et de qualité rompant avec les
politiques d’externalisation menées actuellement. Il faut encourager le
personnel des établissements financiers à assurer à la clientèle un
authentique service de conseil et rompre avec les politiques
commerciales agressives de vente forcée.
La socialisation du secteur bancaire et son intégration aux services publics permettront :
de soustraire les citoyens et les pouvoirs publics de l’emprise des *marchés financiers ;
de financer les projets des citoyens et des pouvoirs publics ;
de
dédier l’activité bancaire au bien commun avec entre autres missions
celle de faciliter la transition d’une économie capitaliste,
productiviste à une économie sociale et écologique.
Parce que nous considérons que l’épargne, le crédit, la sécurité des
encaisses monétaires et la préservation de l’intégrité des systèmes de
paiement relève de l’intérêt général, nous préconisons la création d’un
service public bancaire par la socialisation de la totalité des
entreprises du secteur bancaire et de l’assurance.
Parce que les banques sont aujourd’hui un outil essentiel du système
capitaliste et d’un mode de production qui saccage la planète, génère un
inégal partage des ressources, sème les guerres et la paupérisation,
rogne chaque jour davantage les droits sociaux et attaque les
institutions et les pratiques démocratiques, il est essentiel d’en
prendre le contrôle et d’en faire des outils au service de la
collectivité.
La socialisation du secteur bancaire ne peut être envisagée comme un
slogan ou une revendication qui se suffirait en elle-même et que les
décideurs appliqueraient après en avoir saisi le bon sens. Elle doit
être conçue comme un objectif politique à atteindre par un processus
porté par une dynamique citoyenne. Il faut non seulement que les
mouvements sociaux organisés existants (dont les syndicats) en fassent
une priorité de leur agenda et que les différents secteurs
(collectivités locales, petites et moyennes entreprises, associations de
consommateurs, etc.) se positionnent en ce sens, mais aussi – et
surtout – que les employé.e.s de banque soient sensibilisé.e.s au rôle
de leur métier et à l’intérêt qu’ils auraient à voir les banques
socialisées ; que les usagers soient informés là où ils se trouvent
(exemple : occupations d’agences bancaires partout le même jour) afin de
participer directement à la définition de ce que doit être la banque.
Seules des mobilisations de très grande ampleur peuvent garantir que
la socialisation du secteur bancaire soit réalisée en pratique car cette
mesure touche au cœur le système capitaliste. Si un gouvernement de
gauche ne prend pas une telle mesure son action ne pourra pas
véritablement provoquer le changement radical pour rompre avec la
logique du système et enclencher un nouveau processus d’émancipation.
La socialisation du secteur bancaire et des assurances doit faire
partie d’un programme bien plus vaste de mesures complémentaires
permettant d’enclencher une transition vers un modèle post-capitaliste
et post-productiviste. Un tel programme, qui devrait avoir une dimension
européenne tout en commençant à être mis en pratique dans un ou
plusieurs pays, comprendrait notamment l’abandon des politiques
d’austérité, l’annulation des dettes illégitimes, la mise en place d’une
réforme fiscale d’ensemble avec une forte imposition du capital, la
réduction généralisée du temps de travail avec embauches compensatoires
et maintien du salaire, la socialisation du secteur de l’énergie, des
mesures pour assurer l’égalité hommes-femmes, le développement des
services publics et de la protection sociale et la mise en place d’une
politique déterminée de transition écologique.
Aujourd’hui, la socialisation de l’intégralité du système bancaire
est bien une urgente nécessité économique, sociale, politique et
démocratique.
GLOSSAIRE :
ACTION : Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce
titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire
(l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices
distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
ACTIVITES DE MARCHE / TRADING : opération d’achat et de vente
de produits financiers (actions, futures, produits dérivés, options,
warrants, etc.) réalisée dans l’espoir d’en tirer un profit à court
terme.
BANQUE CENTRALE : Établissement qui, dans un Etat, est chargé
en général de l’émission des billets de banque et du contrôle du volume
de la monnaie et du crédit. En France, c’est la Banque de France qui
assume ce rôle sous le contrôle de la Banque centrale européenne.
BCE : La Banque centrale européenne est une institution
européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro
lui ont transféré leurs compétences en matière monétaire et son rôle
officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’
inflation)
dans ladite zone. Ses trois organes de décision (le conseil des
gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de
gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes
« reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais
elle est directement influencée par le monde financier.
BANQUE D’AFFAIRES ou BANQUE D’INVESTISSEMENT :
Société financière dont l’activité consiste à effectuer trois types
d’opérations : du conseil (notamment en fusion-acquisition), de la
gestion de haut de bilan pour le compte d’entreprises (augmentations de
capital, introductions en
bourse,
émissions d’emprunts obligataires) et des placements sur les marchés
avec des prises de risque souvent excessives et mal contrôlées. Une
banque d’affaires ne collecte pas de fonds auprès du public, mais se
finance en empruntant aux banques ou sur les marchés financiers.
BANQUE DE DÉPÔT ou BANQUE COMMERCIALE :
Établissement de crédit effectuant des opérations de banque avec les
particuliers, les entreprises et les collectivités publiques consistant à
collecter des fonds pour les redistribuer sous forme de crédit ou pour
effectuer à titre accessoire des opérations de placements. Les dépôts du
public bénéficient d’une garantie de l’Etat. Une banque de dépôt (ou
banque commerciale) se distingue d’une banque d’affaires qui fait
essentiellement des opérations de marché. Pendant plusieurs décennies,
suite au Glass Steagall Act adopté pendant l’administration Roosevelt et
aux mesures équivalentes prises en Europe, il était interdit aux
banques commerciales d’émettre des titres, des actions et tout autre
instrument financier.
BANQUES SYSTÉMIQUES : Ces banques sont dites systémiques du
fait de leur poids et du danger que la faillite de l’une d’entre elles
représenterait pour le système financier privé au niveau international.
BILAN : ‘photo’ de fin d’année des actifs (ce que la société
possède) et passifs (ce que la société doit) d’une société. Autrement
dit, les actifs du bilan donnent des informations sur l’utilisation des
fonds collectés par la société. Les passifs du bilan informent sur
l’origine des fonds collectés.
Dans le cas du bilan d’une banque, on retrouve au
passif :
le capital (les actions propres), les dépôts des clients, les réserves
(bénéfices passés non dépensés) et la dette (notamment ce que la banque a
emprunté auprès d’autres institutions). A l’actif, on retrouve les
prêts (que la banques à octroyés aux particuliers, aux entreprises), les
créances
bancaires (prêts octroyés aux autres banques) et le porte¬feuille
financier (actions, titres émis par d’autres sociétés et acheté par la
banque).
COURTIERS :
Une société de courtage ou courtier est une entreprise ou une personne
qui sert d’intermédiaire pour une opération, le plus souvent financière,
entre deux parties.
FONDS PROPRES : Capitaux apportés ou laissés par les associés à
la disposition d’une entreprise. Une distinction doit être faite entre
les fonds propres au sens strict appelés aussi capitaux propres (ou
capital dur) et les fonds propres au sens élargi qui comprennent aussi
des dettes subordonnées à durée illimitée.
HORS BILAN :
Le hors bilan assure le suivi comptable des activités qui n’impliquent
pas un décaissement ou un encaissement de la part d’une entreprise ou
d’une banque mais qui fait courir à celle-ci un certain nombre de
risques. Il s’agit régulièrement de contrats en cours d’exécution qui
n’ont pas fait l’objet d’un paiement. Les activités enregistrées dans le
hors bilan bancaire sont pour l’essentiel les engagements par
signature, les opérations de change et les opérations sur dérivés.
LIQUIDITÉS : Capitaux dont une économie ou une entreprise peut
disposer à un instant T. Un manque de liquidités peut conduire une
entreprise à la liquidation et une économie à la
récession.
MARCHÉ DE GRÉ À GRÉ : Un marché de gré à gré ou
over-the-counter (OTC) en anglais (hors Bourse) est un marché non régulé
sur lequel les transactions sont conclues directement entre le vendeur
et l’acheteur, à la différence de ce qui se passe sur un marché dit
organisé ou réglementé avec une autorité de contrôle, comme la Bourse
par exemple.
MARCHÉ FINANCIER : Marché des capitaux à long terme. Il
comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché
secondaire, celui de la revente. A côté des marchés réglementés, on
trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à
des conditions minimales.
OBLIGATIONS : Part d’un emprunt émis par une société ou une
collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a
droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. Il peut
aussi, si la société est cotée, revendre son titre en bourse.
PARADIS FISCAL : Territoire caractérisé par les cinq critères
(non cumulatifs) suivants : (a) l’opacité (via le secret bancaire ou un
autre mécanisme comme les trusts) ; (b) une fiscalité très basse, voire
une imposition nulle pour les non-résidents ; (c) des facilités
législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune
obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le
territoire ; (d) l’absence de coopération avec les administrations
fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ; (e) la
faiblesse ou l’absence de régulation financière. La Suisse, la City de
Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés
dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans,
les Iles anglo-normandes, Hong-Kong, et d’autres lieux exotiques. Les
détenteurs de fortunes qui veulent échapper au fisc ou ceux qui veulent
blanchir des capitaux qui proviennent d’activités criminelles sont
directement aidés par les banques qui font « passer » les capitaux par
une succession de paradis fiscaux. Les capitaux généralement sont
d’abord placés en Suisse, à la City de Londres ou au Luxembourg,
transitent ensuite par d’autres paradis fiscaux encore plus opaques afin
de compliquer la tâche des autorités qui voudraient suivre leurs traces
et finissent par réapparaître la plupart du temps à Genève, Zurich,
Berne, Londres ou Luxembourg, d’où ils peuvent se rendre si nécessaires
vers d’autres destinations.
PRODUITS DÉRIVÉS : Famille de produits financiers qui regroupe principalement les options, les futures, les
swaps
et leurs combinaisons, qui sont tous liés à d’autres actifs (actions,
obligations, matières premières, taux d’intérêt, indices,..) dont ils
sont par construction inséparables : option sur une action, contrat à
terme sur un indice, etc. Leur valeur dépend et dérive de celle de ces
autres actifs. l existe des produits dérivés d’engagement ferme (change à
terme, swap de taux ou de change) et des produits dérivés d’engagement
conditionnel (options, warrants…).
SHADOW BANKING (la banque de l’ombre ou la banque parallèle) :
Les activités financières du shadow banking sont principalement
réalisées pour le compte des grandes banques par des sociétés
financières créées par elles. Ces sociétés financières (
SPV,
money market funds,…)
ne reçoivent pas de dépôts ce qui leur permet de ne pas être soumises à
la réglementation et à la régulation bancaires. Elles sont donc
utilisées par les grandes banques afin d’échapper aux réglementations
nationales ou internationales, notamment à celles du comité de Bâle sur
les fonds propres et les ratios prudentiels. Le shadow banking est le
complément ou le corollaire de la
banque universelle.
SPÉCULATION : Opération consistant à prendre position sur un marché, souvent à contre-courant, dans l’espoir de dégager un profit.
TITRISATION : Technique financière qui permet à une banque de
transformer en titres négociables des actifs illiquides, c’est-à-dire
qui ne sont pas (ou pas facilement) vendables. Initialement, cette
technique a été utilisée par les établissements de crédit dans le but de
refinancer une partie de leurs prêts à la clientèle. Les prêts sont
cédés à un véhicule juridique qui émet en contrepartie des titres
(généralement des obligations) placés sur les marchés financiers. Avec
la titrisation, les risques afférents à ces crédits sont transférés des
banques aux acheteurs. Cette pratique s’étend aujourd’hui à d’autres
types d’actifs et d’acteurs (portefeuilles d’assurances, immobilier,
créances commerciales).
TRADING À HAUTE FRÉQUENCE : (de l’anglais
high-frequency
trading), exécution à grande vitesse de transactions financières faites
par des algorithmes informatiques. Ces opérateurs virtuels de marché
peuvent ainsi exécuter des opérations sur les marchés financiers — les
bourses — en quelques microsecondes.
VENTE A DECOUVERT : (
short selling en anglais). La
vente à découvert
consiste à vendre à terme un actif que l’on ne détient pas le jour où
cette vente est négociée mais qu’on se met en mesure de détenir le jour
où sa livraison est prévue. L’actif vendu à découvert est généralement
un titre, mais on peut aussi vendre des devises ou des matières
premières à découvert. Si la valeur de l’actif baisse après la vente à
découvert, le vendeur peut le racheter au comptant et dégager une
plus-value.
Le gain potentiel est limité à la valeur de l’actif. Si, à l’inverse,
elle monte, le vendeur s’expose à un risque de perte illimitée, tandis
qu’un acheteur ne peut pas perdre plus que sa mise de fonds.
VENTE A DECOUVERT A NU : dans ce cas, l’acheteur n’emprunte
rien : il se contente de vendre à terme des titres qu’il ne possède pas
encore. Il parie alors sur la baisse du cours de ce titre, pour pouvoir
l’acheter à moins cher que ce qu’il a promis de le vendre. Pratiquée
massivement, cette technique peut provoquer la baisse des cours que
souhaitent les vendeurs.