۱۳۹۶ آبان ۱۹, جمعه
Une révolution anticoloniale
Au début du 19e siècle, partout en Europe, la plupart des socialistes soutiennent la politique coloniale. S’ils défendent les prolétaires de leur pays, c’est sur le dos des peuples exploités dans les colonies. Lénine marque un tournant radical en dénonçant l’hypocrisie de cette gauche coloniale et en exposant les racines capitalistes du colonialisme. Anti-impérialiste, la révolution d’Octobre allait établir un lien décisif entre les prolétaires occidentaux et les révolutionnaires d’Orient. (IGA)
Pour mieux mesurer les bouleversements mondiaux provoqués par la Révolution russe de 1917, Domenico Losurdo se penche sur l’état de l’Europe au début du XXème siècle. [1]
Nous sommes dans ces années, qualifiées de « Belle époque », où l’Occident, imbu de sa puissance, se glorifie de faire partie d’une race exclusive (blanche, nordique, aryenne, caucasienne, etc.) infiniment supérieure aux « races inférieures ».
C’est également l’époque d’un curieux paradoxe : dans les métropoles « blanches », la démocratie et le suffrage universel se sont développés alors que, simultanément, dans les colonies, les populations sont assujetties à des rapports de travail servile et semi-servile ainsi qu’à la violence et à l’arbitraire bureaucratique et policier.
Cette sordide réalité a été justifiée par des intellectuels de renom comme John Stuart Mill : « le despotisme est une forme légitime de gouvernement quand on a affaire aux barbares ». [2]
Le tournant de Lénine
La cible privilégiée de Lénine est précisément cette race de seigneurs fondée sur l’asservissement de centaines de millions de travailleurs d’Asie et d’Afrique par les soins d’« un petit nombre de nations élues ».
« Les hommes politiques les plus libéraux et radicaux de la libre Grande-Bretagne […] se transforment, quand ils deviennent gouverneurs de l’Inde, en véritables Gengis Khan », écrit-il.
Lénine fustige notamment l’expédition italienne contre la Libye, typique d’« une nation civilisée et constitutionnelle » qui procède au « massacre d’Arabes avec des armes ultramodernes ».
Parce qu’il y a « peu de morts européens », les expéditions des grandes puissances coloniales ne sont même pas considérées comme des guerres. On ne compte pas la vie des centaines de milliers de victimes appartenant aux peuples que les Européens oppriment.
Bolcheviks conte sociaux-démocrates
C’est sur cette question du colonialisme que s’opère la rupture de Lénine et des bolcheviks avec les sociaux-démocrates.
Le social-démocrate allemand Eduard Bernstein, plaide pour les « races fortes » qui représentent la cause du « progrès » et contre les peuples « incapables de se civiliser » qui opposent une résistance rétrograde à la « civilisation ».
En France, Léon Blum, dirigeant du Parti socialiste déclare en 1925 : « Nous admettons le droit et même le devoir des races supérieures d’attirer à elles celles qui ne sont pas parvenues au même degré de culture et de les appeler aux progrès réalisés grâce aux efforts de la science et de l’industrie ».
La Révolution d’octobre 1917 et l’Internationale communiste ont représenté un tournant radical par rapport à cette idéologie d’arrogance et de préjugé racial. Leurs appels à la lutte d’émancipation adressés aux esclaves des colonies apparaissent comme une menace mortelle pour l’Occident et sa suprématie planétaire.
Pour le révolutionnaire coréen Pak Chin-sun, la révolution russe « fut la première à frayer une route entre l’Occident prolétarien et l’Orient révolutionnaire. La Russie des Soviets est devenu un lieu entre deux mondes jusqu’alors séparés ».
Il ajoute : « Il faut coordonner les actions de telle façon que le prolétariat européen assène à sa bourgeoisie un coup sur la tête juste au moment où l’Orient révolutionnaire portera un coup mortel dans le ventre du Capital ».
Dans les métropoles occidentales, les jeunes Partis communistes ont du accepter 21 conditions pour être admis à l’Internationale communiste fondée en mars 1919.
Une d’entre elles indique clairement que « tout Parti appartenant à la IIIème Internationale a pour devoir de dévoiler impitoyablement les prouesses de « ses » impérialistes aux colonies, de soutenir, non en paroles mais en fait, tout mouvement d’émancipation dans les colonies, d’exiger l’expulsion des colonies des impérialistes de la métropole, de nourrir au coeur des travailleurs du pays des sentiments véritablement fraternels vis-à -vis de la population laborieuse des colonies et des nationalités opprimés et d’entretenir parmi les troupes de la métropole une agitation continue contre toute oppression des peuples coloniaux ».
En septembre 1920, l’Internationale communiste organise à Bakou le Premier Congrès des peuples de l’Orient en présence de plus de 2.000 délégués venant d’Asie centrale, de Turquie, d’Arménie, d’Iran, du Caucase, d’Inde, de Chine, de Corée.
En France, le nouveau Parti communiste, issu du Congrès de Tours de 1920, s’efforce de suivre la ligne de l’Internationale. En 1925, il s’oppose résolument à la guerre du Rif en appelant à une grève générale et en organisant l’agitation parmi les troupes en partance vers le Maroc. Ses principaux dirigeants sont arrêtés et emprisonnés.
La Révolution d’Octobre n’a pas atteint tous les objectifs qu’elle avait poursuivis et proclamés. Mais le décalage entre programme et résultats est propre à toute révolution. [3]
Tout au moins, de la Chine à Cuba, elle aura contribué à la victoire et à la survie des révolutions dans nombre de pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine grâce au soutien politique et matériel de l’État auquel elle aura donné naissance.
SOURCE: Le Grand Soir
Notes:
[1] Domenico Losurdo, Le péché originel du XXème siècle, Ed. Aden, 2007. Domenico Losurdo est professeur d’histoire de la philosophie à l’Université d’Urbino.
[2] John Stuart Mill (1806-1873) est considéré comme l’un des penseurs libéraux les plus influents du XIXème siècle.
[3] Domenico Losurdo utilise la métaphore de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb alors que celui-ci était parti à la recherche des Indes.
Le péché originel de Balfour
Il n’y avait jamais eu rien de tel: un empire promettant une terre qu’il n’avait pas encore conquise à un peuple qui n’y vivait pas, sans le demander aux habitants. Il n’y a pas d’autre manière de décrire l’incroyable témérité colonialiste qui se dégage de chaque lettre de la Déclaration Balfour, qui date de cent ans.
Les Premiers ministres d’Israël et de Grande-Bretagne vont célébrer cette semaine cette grande réalisation sioniste. Maintenant, le moment d’une introspection est aussi venu. La fête est finie. Cent ans de colonialisme, d’abord britannique puis, inspiré par lui, israélien, s’est fait aux dépens d’un autre peuple, ce qui renvoie à son désastre sans fin.
La Déclaration Balfour aurait pu être un document juste si elle avait promis l’égalité de traitement à la fois des personnes qui rêvaient de la terre et des habitants de la région. Mais la Grande-Bretagne préférait les rêveurs, dont presque aucun ne vivait dans le pays, à ses habitants qui y avaient vécu des centaines d’années et constituaient sa majorité absolue. Ils préféraient ne leur donner aucun droit national.
Imaginez un pouvoir qui promet de faire d’Israël le foyer national des Arabes israéliens et qui aurait appelé la majorité juive à se contenter de «droits civils et religieux». C’est ce qui s’est passé alors, mais selon des modalités encore plus discriminatoires: les Juifs formaient une plus petite minorité (moins d’un dixième) comparée à celle des Arabes israéliens aujourd’hui.
Ainsi la Grande-Bretagne a semé les graines de la calamité dont les deux peuples mangent des fruits empoisonnés jusqu’à ce jour. Ce n’est pas une cause de célébration. A l’occasion du centenaire de la déclaration, devrait s’imposer un appel à réparer l’injustice qui n’a jamais été reconnue par la Grande-Bretagne et bien sûr, pas par Israël.
Non seulement l’Etat d’Israël est né dans la foulée de cette déclaration, mais aussi la politique à l’égard des «communautés non juives» était également énoncée dans la lettre de Lord Arthur James Balfour à Lord Lionel Walter Rothschild. La discrimination contre les Arabes d’Israël et l’occupation à laquelle sont soumis les Palestiniens sont la suite directe de la lettre. Le colonialisme britannique a préparé la voie au colonialisme israélien, même s’il n’avait pas l’intention de le perpétuer durant 100 ans et plus.
Foreign Office
2 novembre 1917
Cher Lord Rothschild,
2 novembre 1917
Cher Lord Rothschild,
J’ai le plaisir de vous adresser, au nom du gouvernement de Sa Majesté, la déclaration ci-dessous de sympathie à l’adresse des aspirations sionistes, déclaration soumise au cabinet et approuvée par lui.
« Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte ni aux droits civiques et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les Juifs jouissent dans tout autre pays. »
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir porter cette déclaration à la connaissance de la Fédération sioniste.
Arthur James Balfour
Arthur James Balfour
L’Israël de 2017 promet également d’accorder des «droits civils et religieux» aux Palestiniens. Mais ils n’ont pas de foyer national. Balfour fut le premier à faire cette promesse.
Bien sûr, la Grande-Bretagne a diffusé ce genre de promesses durant ces années, celles de la Première Guerre mondiale, des promesses contradictoires, y compris faites aux Arabes [référence aux «promesses» faites T.E Lawrence qui encourageait le soulèvement arabe contre l’empire ottoman]. Toutefois, elle les a concrétisées seulement aux Juifs. Comme l’écrivait vendredi Shlomo Avineri, dans l’édition en hébreux de Haaretz sur le contexte et les implications de la Déclaration Balfour, son objectif principal était de minimiser l’opposition des Juifs-Américains face à la participation des Etats-Unis à la guerre.
Quel que soit le motif, suite à la Déclaration Balfour, plus de Juifs ont immigré dans ce pays. Dès leur arrivée, ils ont agi comme des suzerains, et ils n’ont pas changé leur attitude envers les habitants non juifs jusqu’à ce jour. Balfour les a laissé faire. Ce n’est pas un hasard si un petit groupe de juifs séfarades vivant en Palestine s’oppose à Balfour et cherche l’égalité avec les Arabes, comme l’écrivait Ofer Aderet dans Haaretz[1]. Et ce n’est pas un hasard s’ils ont été réduits au silence.
Balfour a laissé la minorité juive s’emparer du pays, ignorant cyniquement les droits nationaux d’un autre peuple qui vivait sur cette terre depuis des générations. Exactement 50 ans après la déclaration Balfour, Israël a conquis la Cisjordanie et Gaza. Il les a envahis avec les mêmes gros sabots colonialistes et il continue son occupation et son mépris des droits des habitants.
Si Balfour était vivant aujourd’hui, il se sentirait à l’aise dans le parti Habayit Hayehudi [Le Foyer Juif, parti sioniste religieux dont le leader est Naftali Bennett]. Au même titre que le député Bezalel Smotrich [2], Balfour pensait aussi que les Juifs ont des droits dans ce pays et que les Palestiniens n’en ont pas et n’en auront jamais. Comme ses héritiers de la droite israélienne, Balfour n’a jamais caché cela. Dans son discours devant le Parlement britannique, en 1922, il n’a laissé aucun doute, il l’a dit.
A l’occasion du centenaire de la Déclaration Balfour, la droite nationaliste devrait saluer la personne qui a créé la «supériorité juive dans ce pays»: Lord Balfour. Les Palestiniens et les Juifs qui cherchent la justice devraient pleurer. S’il n’avait pas formulé sa déclaration comme il l’a fait, peut-être que ce pays serait différent et plus juste.
Notes du traducteur
[1] Ofer Aderet écrivait dans Haaretz: «En 1921, quatre ans après la promesse de la Déclaration Balfour d’établir un «foyer national pour le peuple juif» en Terre Sainte, Yosef Castel, personnalité publique bien connue à Jérusalem, a préparé une version alternative de la déclaration. Il s’est également centré sur la création d’un foyer national, mais pour deux peuples, juif et arabe, plutôt qu’un.
«Les deux parties se combattent sur une seule terre, et elles doivent, pour des raisons historiques, y vivre ensemble et développer pacifiquement leurs foyers nationaux sur la même terre, qui est destinée à être un seul Etat», écrit-il. Ou, dans la terminologie d’aujourd’hui, «un état pour deux peuples».
«Les deux parties se combattent sur une seule terre, et elles doivent, pour des raisons historiques, y vivre ensemble et développer pacifiquement leurs foyers nationaux sur la même terre, qui est destinée à être un seul Etat», écrit-il. Ou, dans la terminologie d’aujourd’hui, «un état pour deux peuples».
[2] Représentant du Foyer Juif à la Knesset. Nissim Behar, correspondant de Libération à Tel-Aviv, écrivait le 10 février 2017, sous le titre «Bezalel Smotrich, le pousse-au-crime de la colonisation»: «Les chroniqueurs israéliens ont d’ailleurs pu prendre la mesure de son talent [Bezalel Smotrich] lorsqu’il s’est agi de faire voter, malgré l’opposition de Benyamin Nétanyahou, la nouvelle «loi de régularisation» légalisant notamment le vol de terres privées agricoles par les colons des «avant-postes», ces petites colonies sauvages reconnues ni par le droit international ni par celui de l’Etat hébreu.»
Traduit par by alencontre.org
Source : Haaretz
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