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17 septembre 2015
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« La première victime de la guerre, c’est la vérité », aurait affirmé Rudyard Kipling. Un constat particulièrement vrai dans le cas tragique de la Syrie. Je propose dans cet article de déconstruire la validité d’une série de graphiques abondamment relayés dans les médias occidentaux ces derniers jours et qui tendraient à prouver le caractère unilatéralement criminel de l’action de Bachar Al-Assad dans la guerre civile.

Le 13 septembre dernier, mon attention a été attirée par un tweet de Kenneth Roth, Directeur exécutif de Human Rights Watch, diffusant un graphique affirmant que seulement 6% des opérations de Bachar Al-Assad étaient dirigées contre Daesh. L’illustration n’étant accompagnée d’aucune source, j’ai demandé à connaître les origines de cette information, rappelant le soutien précoce de la population syrienne à Assad, comme l’avait révélé un sondage qatari dans le Gulf Times en décembre 2012.

Kenneth Roth n’a pas daigné répondre à mon message, mais un certain « Abdul » (@al_7aleem), sous pseudo donc, a repris le flambeau reproduisant une autre infographie, toujours à charge d’Assad, affirmant que « 95,4% des civils tués en Syrie » l’ont été par le régime (1) . Pressé par la nécessité de dévoiler ses sources, il affirme que les données viennent d’une « organisation de droits de l’homme basée en Syrie » et qu’elles ont été compilées par le « Syrian Network for Human Rights ».
Ce « réseau syrien » ne serait, selon Abdul, « pas financé par des gouvernements étrangers » et « imposerait des mesures strictes de validation ». Il est important de noter ici que des quotidiens aussi prestigieux que Le Monde ont repris ces graphiques, comme en témoigne un article sous la plume de Maxime Vaudano, paru le 8 septembre dernier, avec un titre non équivoque reprenant les conclusions du SNHR sans les questionner : « En Syrie, qui de l’EI ou du régime de Bachar Al-Assad a fait le plus de victimes ? » (2). À noter également que le site Internet du SNHR a une rubrique reprenant les différents médias qui le citent (3).
Comme nous allons le voir, ces affirmations sont des mensonges éhontés. Intéressons-nous au fameux « Réseau syrien des Droits de l’Homme ». Sur sa page de présentation, il se présente comme une organisation « indépendante » qui enquête sur « les violations commises par toutes les parties » dans le conflit syrien depuis 2011. Cette organisation, comme l’est l’Observatoire syrien des Droits de l’Homme aujourd’hui largement discrédité (4) , est enregistrée au Royaume-Uni – une information, qui en soi, n’est pas neutre. Cependant, elle affirme s’appuyer sur « des dizaines de chercheurs et d’activistes » en Syrie. Le problème majeur de cette page d’information ? Rien n’est dit sur ses financements. Or l’on sait d’une part qu’un tel travail nécessite des fonds importants et on sait par ailleurs que personne n’est assez fou pour financer une organisation qui agit contre ses propres intérêts. Ainsi, trouver qui finance le SNHR permet de comprendre quels sont les intérêts de cette organisation. Comme je le disais plus haut, le SNHR se garde bien de préciser qui sont ses bailleurs de fonds. En revanche, le site Internet nous apprend que ce « réseau syrien » est membre du ICRtoP (International Coalition for the Responsability to Protect), comme le montre la capture d’écran qui suit :



Cette « coalition internationale » fait référence à une norme stipulant la « responsabilité de protéger » et servant à justifier l’ingérence militaire dans des pays étrangers. Elle a été gravée dans le marbre avec le document final du sommet mondial des Nations unies de 2005. En soi, ce principe est très contestable car, selon les forces en présence et les intérêts des différents acteurs, il autorise d’attaquer un pays tiers. En cela, il s’oppose au droit international et au principe de non-ingérence qui impose le « respect de la souveraineté politique d’un État par la non-intervention dans ses affaires intérieures » (5). Le ICRtoP n’est pas non plus très explicite quant à ses financements. Mais, comme pour le SNHR, il est possible de remonter à une organisation « parent » grâce au site Internet. En effet, la correspondance pour le ICRtoP doit être adressée au « World Federalist Movement – Institute for Global policy », comme on peut le voir ci-dessous :



Le « World Federalist Movement – Institute for Global Policy » est en revanche plus loquace que les deux précédentes organisations-écrans en ce qui concerne ses financements. Sur sa page « about us – our funders », une liste exhaustive des bailleurs de fonds nous apprend combien les organisations que le mouvement finance sont « indépendantes » et « non gouvernementales ». Jugez-en par vous-mêmes (6) :



Une enquête détaillée de chacun des financements serait sans doute très éclairante, mais ce n’est pas l’objet de cet article. Que voyons-nous ? D’abord que de très nombreux gouvernements, contrairement à ce qu’Abdul avait pu affirmer, financent le SNHR, via le ICRtoP et le World Federalist Movement. Dire que cette organisation n’est pas financée par des fonds gouvernementaux est donc un mensonge patent. Il est intéressant d’ailleurs de constater que parmi ces gouvernements (dont l’Union européenne elle-même), tous sont dans le camp « occidental ». On ne trouve pas, par exemple, de financement russe ou vénézuélien. Ainsi, l’ensemble des bailleurs de fonds rend compte d’une uniformité idéologique évidente. Or, rappelons-le : personne ne souhaite financer une organisation allant contre ses intérêts.

Les gouvernements ne sont pas les seules sources de financement du World Federalist Movement (ni sans doute les plus grosses, bien que les chiffres ne soient pas avancés). En première position, on retrouve la Fondation Ford et, un peu plus loin, l’Open Society Foundations du spéculateur milliardaire étasunien, né en Hongrie, George Soros. Se présentant comme un philanthrope, le trader Soros s’était fait connaître en 1992 en dirigeant une attaque spéculative contre la Livre Sterling, laquelle plongea l’Angleterre dans la récession, avec d’épouvantables conséquences sociales. L’année suivante, Soros fonde l’Open Society Institute qui, comme le rappelle pour nous Bruno Drweski, « soutient à la fois la libéralisation des économies et le morcellement du tissu social par une politique favorisant, sous prétexte de tolérance, l’émergence d’identités culturelles, ethniques, religieuses, morales juxtaposées et opposables les unes aux autres ». Très lié au groupe Carlyle et au complexe militaro-industriel, « Soros coopère et co-finance des initiatives lancées par des organismes comme Human Rights Watch, Freedom House, National Endowment for Democracy. »

Nombreuses sont donc les sources qui dénoncent combien ces organisations liées au Département d’État étasunien, ont participé à la déstabilisation de plusieurs pays dans le monde en formant et en finançant les oppositions (7) , au mépris total du droit de non-ingérence (8). On est donc loin, très loin, d’organismes « indépendants » dont l’objectif serait d’apporter une information rendant compte des violations commises par toutes les parties en présence.

Et qu’en est-il des deux protagonistes qui ont relayé ces informations sur Twitter ? Kenneth Roth, comme expliqué en début d’article, est précisément le Directeur de Human Rights Watch, une organisation elle aussi financée par George Soros (9) . Tandis qu’Abdul est l’animateur d’un blog cherchant à « discréditer les médias assadistes » (10) .



L’iconographie utilisée sur son blog et, en particulier, l’image d’un poing levé n’est pas innocente. Illustrant initialement le mouvement serbe Otpor ! (dont George Soros fut, une nouvelle fois, un des bailleurs de fonds), l’image a été ensuite utilisée pendant les révoltes arabes par des jeunes activistes dont l’auteur Ahmed Bensaada a montré dans son livre Arabesque américaine (11) qu’ils étaient formés et financés par différents organismes proches de la CIA. Ainsi, le militant sur Twitter @al_7aleem est lui aussi lié aux intérêts étasuniens ou, en tout cas, se réclame de cette filiation.

L’armée et les renseignements syriens ont commis des exactions et en commettent certainement encore. Il n’y pas de guerre « propre ». Cependant, les graphiques mensongers plébiscités par la presse occidentale tendent à faire du camp syrien le principal responsable des massacres. Ainsi, l’appui de l’Otan et de ses alliés aux groupes fanatiques et la confiscation précoce du mouvement populaire sont occultés. Comme est occulté le fait qu’en Syrie, à l’instar de la Libye, l’objectif n’était pas, selon les termes de l’Open Society Foundations, de « renforcer la loi, le respect des Droits de l’Homme, des minorités, la diversité des opinions et les gouvernements démocratiquement élus » mais, au contraire, de semer le chaos.

Source : Investig’Action

Notes : 1. L’ensemble de la conversation est accessible sur twitter, @manuwath.

2. http://www.lemonde.fr/les-decodeurs...

3. http://sn4hr.org/blog/category/inmedia/

4. Même Atlantico.fr souligne « l’indiscutable subjectivité » de cet « observatoire :http://sn4hr.org/blog/category/inmedia/

5. http://www.larousse.fr/dictionnaire...

6. http://www.wfm-igp.org/content/our-...

7. http://www.michelcollon.info/Des-mi...

8. Pour plus d’informations à ce sujet, Investig’Action a publié de nombreux articles qu’une recherche sur « Soros » permet de retrouver en partie : http://www.michelcollon.info/spip.p...

9. https://www.hrw.org/news/2010/09/07...

10. http://the-assad-debunkation.tumblr.com/

11. Un livre dont Investig’Action publiera dans les jours qui viennent une nouvelle édition augmentée.

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