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13 janvier 2016
Ce texte fait suite à l'article intitulé « Les massacres sont-ils plus intéressants lorsqu’ils sont commis par des "musulmans" ? » publié le lundi 12 janvier. Dans "musulmans", vous remarquerez les guillemets. Soyons clairs. Il n'y a aucune intention de dépolitiser la question et il ne s'agit aucunement de religion mais du traitement médiatique des massacres.
Lire la 1ère partie de cet article ici
L’appartenance religieuse "musulman"/"non musulman" est-elle vraiment un critère dans le traitement médiatique de l’information ? Deux contre-exemples suffisent pour déconstruire cette thèse : les escadrons de la mort en Irak et les exactions commises au Yémen par toutes les parties du conflit, dont la coalition dirigée par l’Arabie saoudite (qui ne font jusqu’à maintenant l’objet d’aucune enquête onusienne indépendante). Mais y-a-t-il après tout une certaine logique dans ce traitement ?
Prenons l’exemple des escadrons de la mort en Irak. Dès 2004, soit une année après l’invasion de l’Irak, les Américains avaient commencé à mettre en place de centres de torture et des escadrons de la mort afin d’éradiquer l’insurrection. Ces escadrons, composés de commandos de police, étaient entraînés et financés par les USA. Leur mission était d’assassiner civils et militaires, sans distinction, sur seule base de leur appartenance religieuse. Ils ont participé à l’embrasement de l’Irak en alimentant la guerre civile entre sunnites et chiites. Pendant les périodes les plus sanglantes, on comptait jusqu’à près de 3000 victimes par mois.
La technique n’est pas nouvelle, elle remonte au début des années 1980, quand l’administration Reagan soutenait le gouvernement salvadorien face aux mouvements de guérilla de gauche. Une guerre civile qui avait fait plus de 75000 victimes et 1 million de réfugiés. Allan Nairn, journaliste d’investigation, révéla en 1984 l’implication de la CIA, du pentagone et du département d’Etat dans le financement et l’entrainement des forces de sécurité salvadoriennes, directement liées aux escadrons de la mort. (1)
Les experts militaires étasuniens impliqués dans la formation de ces unités paramilitaires faisaient partie du " MilGroup" et ils avaient à leur tête James Steele. Ce nom est à retenir. Steel avait commencé à forger sa réputation entre 1968 et 1969 dans le "Blackhorse regiment" durant la guerre du Vietnam. (2)
Pendant l’invasion de l’Irak, la mise en œuvre de ce qui a été appelé "El Salvador option" a été confiée à Steel et au général David Petraeus par l’administration Bush. Entre 2004 et 2005, ils ont réussi à constituer une force de 12.000 combattants qui faisaient partie de plusieurs brigades, essentiellement les brigades chiites Badr, les plus sanguinaires. Ces brigades étaient sous les ordres du Général Adnan Thabit (Officier sunnite mort récemment qui avait fait de la prison au temps de Saddam pour tentative de renversement du gouvernement). Avec la complicité des "experts américains", la bibliothèque de Samara fut convertie en centre de torture et les massacres à grande échelle commencèrent dès la nomination de Bayan Jabr Solagh à la tête du Ministère de l’Intérieur irakien.
Dans un câble de wikileaks rapportant la rencontre de Henry Crimpton, ambassadeur américain et coordinateur de la lutte contre le terrorisme, avec des officiels irakiens du Ministère de l’Intérieur (5-8 Décembre 2015), on lit l’extrait suivant : "La philosophie de Thabit concernant la guerre contre le terrorisme repose sur trois éléments de base : combattre la terreur par la terreur ; combattre le terrorisme avec des opérations d’information efficaces ; cultiver le soutien populaire". (3)
Interrogé par un journaliste lors d’un briefing du Pentagone en 2005, Donald Rumsfeld, alors secrétaire d’Etat à la Défense, nie toute connaissance de l’existence de tels escadrons. On l’aurait presque cru, mais c’était sans compter sur d’autres câbles de wikileaks. Parmi les documents divulgués par Chelsea Manning, plusieurs références sont faites à un ordre appelé "Frago 242" (l’abréviation de Fragmentary Order 242). Il est demandé explicitement aux troupes de la coalition d’ignorer la torture pratiquée par les autorités irakiennes.
L’appartenance religieuse "musulman"/"non musulman" est-elle vraiment un critère dans le traitement médiatique de l’information ? Deux contre-exemples suffisent pour déconstruire cette thèse : les escadrons de la mort en Irak et les exactions commises au Yémen par toutes les parties du conflit, dont la coalition dirigée par l’Arabie saoudite (qui ne font jusqu’à maintenant l’objet d’aucune enquête onusienne indépendante). Mais y-a-t-il après tout une certaine logique dans ce traitement ?
Prenons l’exemple des escadrons de la mort en Irak. Dès 2004, soit une année après l’invasion de l’Irak, les Américains avaient commencé à mettre en place de centres de torture et des escadrons de la mort afin d’éradiquer l’insurrection. Ces escadrons, composés de commandos de police, étaient entraînés et financés par les USA. Leur mission était d’assassiner civils et militaires, sans distinction, sur seule base de leur appartenance religieuse. Ils ont participé à l’embrasement de l’Irak en alimentant la guerre civile entre sunnites et chiites. Pendant les périodes les plus sanglantes, on comptait jusqu’à près de 3000 victimes par mois.
La technique n’est pas nouvelle, elle remonte au début des années 1980, quand l’administration Reagan soutenait le gouvernement salvadorien face aux mouvements de guérilla de gauche. Une guerre civile qui avait fait plus de 75000 victimes et 1 million de réfugiés. Allan Nairn, journaliste d’investigation, révéla en 1984 l’implication de la CIA, du pentagone et du département d’Etat dans le financement et l’entrainement des forces de sécurité salvadoriennes, directement liées aux escadrons de la mort. (1)
Les experts militaires étasuniens impliqués dans la formation de ces unités paramilitaires faisaient partie du " MilGroup" et ils avaient à leur tête James Steele. Ce nom est à retenir. Steel avait commencé à forger sa réputation entre 1968 et 1969 dans le "Blackhorse regiment" durant la guerre du Vietnam. (2)
Pendant l’invasion de l’Irak, la mise en œuvre de ce qui a été appelé "El Salvador option" a été confiée à Steel et au général David Petraeus par l’administration Bush. Entre 2004 et 2005, ils ont réussi à constituer une force de 12.000 combattants qui faisaient partie de plusieurs brigades, essentiellement les brigades chiites Badr, les plus sanguinaires. Ces brigades étaient sous les ordres du Général Adnan Thabit (Officier sunnite mort récemment qui avait fait de la prison au temps de Saddam pour tentative de renversement du gouvernement). Avec la complicité des "experts américains", la bibliothèque de Samara fut convertie en centre de torture et les massacres à grande échelle commencèrent dès la nomination de Bayan Jabr Solagh à la tête du Ministère de l’Intérieur irakien.
Dans un câble de wikileaks rapportant la rencontre de Henry Crimpton, ambassadeur américain et coordinateur de la lutte contre le terrorisme, avec des officiels irakiens du Ministère de l’Intérieur (5-8 Décembre 2015), on lit l’extrait suivant : "La philosophie de Thabit concernant la guerre contre le terrorisme repose sur trois éléments de base : combattre la terreur par la terreur ; combattre le terrorisme avec des opérations d’information efficaces ; cultiver le soutien populaire". (3)
Interrogé par un journaliste lors d’un briefing du Pentagone en 2005, Donald Rumsfeld, alors secrétaire d’Etat à la Défense, nie toute connaissance de l’existence de tels escadrons. On l’aurait presque cru, mais c’était sans compter sur d’autres câbles de wikileaks. Parmi les documents divulgués par Chelsea Manning, plusieurs références sont faites à un ordre appelé "Frago 242" (l’abréviation de Fragmentary Order 242). Il est demandé explicitement aux troupes de la coalition d’ignorer la torture pratiquée par les autorités irakiennes.
« Donald Rumsfeld on Uniformed Death Squads in Iraq »
Ce ne serait pas une nouveauté. En 2010, plus de 390 000 rapports publiés par wikileaks, connus sous le nom de "Iraq War Logs", ont révélé le recours régulier à la violence, la brutalité et la torture par les autorités irakiennes mais aussi par les forces de la coalition. Le scandale d’Abu Ghraib en est l’exemple le plus connu, tout comme la bavure militaire américaine connue sous le nom de " Collateral Murder". Dans cette vidéo, un apache américain ouvre le feu sur des civils à Bagdad. Un journaliste de Reuters et son chauffeur font notamment partie des victimes.
Pourtant l’information concernant les escadrons de la mort en Irak n’est pas un scoop. Elle a été diffusée dans une enquête réalisée par la BBC arabe en collaboration avec The Guardian. Contacté par e-mail, "Journeyman Pictures", le distributeur, indique que ce film a été diffusé dans différents pays européens mais dans aucun média français ou francophone.
Ainsi, s’il existait une logique à dégager, elle serait la suivante. La vision du monde par l’establishment occidental en général, obéit à un traitement dichotomique qui est en parfait accord avec les puissances occidentales et leurs préférences politiques (4). Elle se résume aux deux règles suivantes :
1- Quand ces puissances, leurs alliés ou leurs sous-fifres commettent des atrocités, elles seront ignorées ou minimisées et les victimes ne mériteront pas notre attention ou notre indignation. Les massacres ne seront jamais appelés "génocide/crime/terrorisme" lorsqu’ils sont commis par ces puissances.
2- Quand ces atrocités sont commises par un ennemi ou un état ciblé pour déstabilisation, l’inverse est vrai. Dans ce cas, elles sont infâmes et les victimes méritent notre attention, notre sympathie, l’affichage public de notre solidarité et les appels aux enquêtes et aux représailles sont lancés.
Notes :
1) - Allan Nairn. Behind the Death Squads : An exclusive report on the US role in El Salvador’s official terror. The Progressive, May, 1984
2) - Les Etats-Unis ont connu ces méthodes sur leur propre sol. Des escadrons de la mort vietnamiens du nom de K-9 (formés de Vietnamiens de droite exilés aux Etats Unis) auraient commis des crimes entre 1981-1990. Soupçonnés par le FBI dans le meurtre de 5 journalistes vietnamiens, les membres de K9 n’ont jamais été inquiétés par la justice américaine. Dans une enquête récente publiée sur le site internet de PSB Frontline (émission télé américaine), de nouvelles preuves lieraient ces escadrons de la mort à un responsable américain, Richard Armitage, un ancien officier de la marine ayant travaillé en étroite collaboration avec la marine vietnamienne avant d’être promu à position sénior au Pentagone. Il les aurait aidé à échapper à la justice.
Source : « Terror in Little Saigon », FRONTLINE
3) « Cable : 05BAGHDAD5038_a »
4)- Thèse avancée et longuement discutée dans le livre coécrit par Edward S. Herman et David Peterson " Génocide et propagande : L’instrumentalisation politique des massacres".
D’autres détails sont disponibles dans le livre de Michel Collon : "Je suis ou je ne suis pas Charlie ?", Bruxelles, 2015.
Source : Investig’Action
3) « Cable : 05BAGHDAD5038_a »
4)- Thèse avancée et longuement discutée dans le livre coécrit par Edward S. Herman et David Peterson " Génocide et propagande : L’instrumentalisation politique des massacres".
D’autres détails sont disponibles dans le livre de Michel Collon : "Je suis ou je ne suis pas Charlie ?", Bruxelles, 2015.
Source : Investig’Action
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