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17 janvier 2016
La guerre et les persécutions ont engendré un nombre record de réfugiés dans le monde entier, indique un rapport du bureau du Haut-Commissariat pour les Réfugiés des Nations Unies. Actuellement, ce sont 59,5 millions de personnes - soit près d’un pourcent de la population mondiale – qui sont réfugiés, demandeurs d’asile ou déplacées dans leur pays. La moitié d’entre eux sont des enfants. Cette crise a fait couler beaucoup d’encre, notamment sur la réponse à lui apporter, mais très peu se demandent à qui profite cette situation tragique.
La réalité est que la guerre et les conflits actuels au Moyen-Orient nourrissent la migration et l’extrémisme. La guerre bénéficie également à l’industrie de l’armement en augmentant ses profits et, par la même occasion, son influence sur les politiques publiques. Par exemple, l’US Air Force a déjà tiré tellement de missiles et de bombes (plus de 20,000) sur les positions de Daech qu’elle est sur le point d’être à court de ce type d’armement, selon un article d’USA Today daté du 3 décembre 2015. Une bonne nouvelle pour Lockheed Martin (première entreprise américaine et mondiale de défense et de sécurité), qui fabrique les missiles Hellfire.
Selon Zacks.com, un site de recherche d’investissement, les tensions géopolitiques obligent les nations du monde à améliorer leurs capacités défensives : On peut y lire que « L’augmentation de la menace… a stimulé la demande d’armes américaines […] Ce qui bénéficie aux entreprises américaines d’armement ».
Les cadres du complexe militaro-industriel ont assuré aux géants de la finance mondiale que plus de guerre signifie plus de marchés pour leurs produits. Le directeur financier de Lockheed Martin, Bruce Tanner, a annoncé lors d’une conférence au Crédit Suisse que la guerre au Moyen-Orient donnerait à son entreprise « un avantage non négligeable » et qu’elle a augmenté la demande de jets F-22 et F-35. A la même réunion, le journal The Intercept a rapporté que le président d’Oshkosh, Wilson Jones, avait affirmé que la menace grandissante de l’Etat Islamique allait multiplier la demande de véhicules armés.
Pendant ce temps, les Etats du Golfe fournissent déjà des armes fabriquées aux Etats-Unis aux rebelles en Syrie. C’est en tout cas une information du Daily Mail qui cite le directeur d’une entreprise d’armement basée aux Etats-Unis « La Syrie est une zone de croissance exponentielle pour nous ».
Selon une analyse de The Intercept, ce n’est pas une coïncidence si la valeur des stocks d’entreprises telles que Raytheon, General Dynamics, Booz Allen, Lockheed Martin et Northtop Grumann ont bénéficié d’une augmentation inopinée au lendemain des attaques terroristes sur Paris.
La tendance est à la hausse pour la vente d’armes au niveau international, et les Etats-Unis s’accrochent à leur position de leader mondial. « Le volume du transfert d’armes majeures s’est élevé de 16% durant la période 2010-2014 par rapport à la période 2005-2009 » rapporte l’Institut International de Recherche pour la Paix basé à Stockholm.
Pour les Etats-Unis, la vente d’armes a augmenté de 23%. « Plus que n’importe quel autre fournisseur, les Etats-Unis ont livré des armes majeures à au moins 94 destinataires entre 2010 et 2014 », selon une recherche de l’Institut. Les armes ont été dispersées partout dans le monde, mais un tiers des exportations états-uniennes ont été destinées au Moyen-Orient.
Les armes vendues aux alliés des Etats-Unis, comme l’Irak ou l’Arabie Saoudite, ne restent pas au même endroit. « Les combattants de Daech utilisent principalement des armes pillées dans les stocks de l’armée irakienne, armes qui ont été fabriquées dans plus de douze pays, y compris la Russie, la Chine, les Etats-Unis et des pays européens », selon Amnesty International.
« La quantité et la diversité du stock d’armes et de munitions de Daech témoignent de décennies d’irresponsabilité quant aux transferts d’armement vers l’Irak, mais aussi de multiples erreurs commises lors de l’occupation états-unienne pour la sécurisation des livraisons et des stocks d’armement, ainsi que de la corruption endémique régnant en Irak », selon le récent rapportd’Amnesty
La Recherche sur les Conflits Armés, un groupe basé à Londres qui a analysé l’arsenal djihadiste, indique que « Daech n’a pas eu beaucoup de difficultés à piocher dans l’immense stock d’armes qui entretient le conflit en Irak et en Syrie. Armes fournies non seulement par des grandes puissances mondiales, mais aussi par des allers-retours d’exportateurs tels que le Soudan », selon un rapportdu Centre pour l’Intégrité Publique. L’un des fournisseurs de munitions est une usine de Lake City, dans le Missouri, gérée par Alliant Techsystems qui a, en 2014, dépensé $1,35 milliards en lobbying.
Et le cycle continue. Le complexe militaro-industriel utilise son poids de lobby et les contributions de la PAC (Comité d’Action Politique) pour remporter des contrats de production d’armes. Les armes utilisées outre-Atlantique créent de nouveaux ennemis. Ces ennemis interceptent ces armes et les retournent vers des cibles états-uniens.
Les migrants désespérés recherchant la sécurité ont provoqué des vagues accrues de xénophobie, entraînant de nouvelles violences en Occident. Plus de peur et plus de violence : voilà ce qui crée de nouveaux marchés pour l’industrie de l’armement. L’augmentation des ventes fournit plus d’argent à dépenser dans le lobbying, dans les campagnes présidentielles et chez les groupes d’experts pro-conflit.
Nous pouvons briser cette spirale en arrêtant la guerre, en accueillant les réfugiés et en interrompant l’influence injustifiée de ceux qui profitent de la violence. Le président Dwight D. Eisenhower avait raison lorsque, il y a 54 ans déjà, il mettait en garde contre « l’acquisition d’une influence injustifiée, voulue ou non voulue, par le complexe militaro-industriel ».
« Seuls un signal d’alarme et des citoyens éduqués peuvent contraindre l’immense réseau de l’industrie et de la manufacture militaire de défense, en utilisant des méthodes et des objectifs pacifiques, afin que la sécurité et la liberté puissent prospérer ensemble », insistait Eisenhower.
Il est temps de répondre à son appel !
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Traduit de l’anglais par Thomas Freneat pour Investig’Action
Source : Truthout
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