La France, sponsor des terroristes ? La terreur, une longue tradition française (8/10)
- 12 Juil 2016
En matière de sabotages et d’homicides, les services secrets français ont déjà fait toute la démonstration de leur savoir-faire. Petit tour d’horizon…
Depuis les années 1950, la France a utilisé ses services de renseignement pour assassiner des cibles politiques et faire régner la « guerre psychologique » (autrement dit la terreur) en Indochine et en Algérie notamment. Le Service Action (SA) du SDECE[1], puis de la DGSE[2], a été créé pendant la Guerre d’Indochine, et fortement utilisé en Algérie pour éliminer la résistance à coup de sabotages (« opérations arma ») et d’enlèvements ou d’assassinats ciblés (« opération Homo »), y compris de civils pour « faire craquer » la population.
L’organisation armée La Main rouge, qui assassina des militants de l’indépendance du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie, était vraisemblablement liée au SDECE et agissait pour le compte de la France qui rechignait à voir ses colonies obtenir leur indépendance. La Main rouge a notamment assassiné le syndicaliste tunisien Farhat Hached le 5 décembre 1952, ainsi que les militants du mouvement national tunisien Hédi Chaker le 13 septembre 1953, Abderrahmen Mami le 13 juillet 1954, puis les frères Taher et Ali Haffouz. L’assassinat à Casablanca du militant pour l’autonomie du Maroc Jacques Lemaigre Dubreuil le 11 juin 1955, a lui aussi été attribué à la Main rouge. De nombreux autres militants pour les indépendances ont été assassinés entre 1950 et 1962. Au cours de la seule année 1960, 135 personnes ont été tuées par le Service Action du SDECE selon Constantin Melnik, qui supervisait à l’époque l’action des services secrets pour le Premier ministre français Michel Debré.
Mais ces actions hautement confidentielles ne se font pas sans bavures, et il arrive que des opérations secrètes tombent ainsi dans le domaine public. C’est le cas de l’attentat raté contre le militant indépendantiste algérien Tayeb Boulahrouf à Rome, qui tua accidentellement un enfant de 10 ans[3].
Un autre exemple : l’assassinat en 1960 à Genève du leader pour l’indépendance du Cameroun, Félix-Roland Moumié. L’agent français chargé d’assassiner Félix Moumié en se faisant passer pour un journaliste lui administra une double dose de poison, et Félix Moumié mourut à Genève le 3 novembre 1960 au lieu de mourir plus tard au Cameroun comme cela était prévu. L’enquête effectuée par la police suisse permit de révéler l’identité de l’assassin : William Bechtel, un réserviste du SDECE, dont le procès déboucha sur un non-lieu le 27 octobre 1980[4].
Un dernier exemple, « l’Affaire du Rainbow Warrior » : le 10 juillet 1985, des agents secrets français de la DGSE sabordent le navire de Greenpeace Rainbow Warrior qui visait à protester contre les essais nucléaires français dans le Pacifique, sur les îles polynésiennes de Moruroa et Fangataufa[5]. Cette opération fit un mort, le photographe néerlandais d’origine portugaise Fernando Pereira. N’ayant pas pu évacuer le navire à temps, il était encore à bord lorsqu’a explosé la deuxième mine magnétique placée sur la coque du bateau par les services français. C’est d’ailleurs après la bavure du Rainbow Warrior qu’un groupe spécial sera créé au sein du Service Action de la DGSE : les « Cellules alpha[6] ».
Aujourd’hui encore, le Service Action de la DGSE agit hors de nos frontières et hors de tout contrôle démocratique. Ainsi, les services secrets participant à l’intervention militaire de 2011 en Libye ont préparé et encadré le débarquement sur une plage de Tripoli des commandos insurgés venus de Misrata, en coopération avec le Special Air Service (SAS) britannique, avec des Qatariens et probablement des Emiriens[7]. Des opérations clandestines opérées par les forces spéciales françaises sont encore en cours en Libye[8] aujourd’hui[9], au plus grand mépris de la transparence à laquelle on pourrait s’attendre dans un pays qui se dit démocratique.
Source: Investig’Action
Notes:
[1] . SDECE : Service de Documentation Extérieure et de Contre-Espionnage, créé en 1945. Il est remplacé en 1982 par la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE).
[2] . Direction Générale de la Sécurité Extérieure .
[3] . « Tayeb BOULAHROUF : Le gentleman de la diplomatie de guerre », Lequotidienalgerie.org, 26 juin 2012.
[4] . « William Bechtel, l’agent français qui a tué Félix Moumié », Journalducameroun.com, 24 novembre 2014. & Georges DOUGUELI, « Comment Félix Moumié a été empoisonné », Jeuneafrique.com, 9 juin 2008.
[5] . Hervé GATTEGNO, « Greenpeace, vingt ans après : le rapport secret de l’amiral Lacoste », Lemonde.fr, 9 juillet 2005.
[6] . Patrick PESNOT, « Rendez-vous avec X : Les cellules Alpha », France Inter, 9 mai 2015. & Vincent NOUZILLE, Les tueurs de la République, Fayard, 2015, 73.
[8] . Nathalie GUIBERT, « La France mène des opérations secrètes en Libye », Lemonde.fr, 24 février 2016.
[9] . En février 2016.
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