Lettre ouverte d'un citoyen plasticien colleur d’histoires :
LETTRE OUVERTE A FRANÇOIS
Tu sais cher François – tu me permets de t’appeler François au moins ; homme du peuple comme moi, nous pouvons nous tutoyer, non ? Donc, tu sais cher François disais-je, je n’ai pas voter pour toi aux élections présidentielles de 2012. D’ailleurs, je peux d’ores-et-déjà t’annoncer que je ne voterai pas plus pour toi en 2017. Pourtant, je suis de gauche. Que dis-je, parce que je suis de gauche justement.
Cher François. Cher est peut-être exagéré. Allez, je ne t’appellerai que François. D’ailleurs, m’appellerais-tu Cher Luc ? Oui ? Ah… Bon, François quand même. Donc.
François,
Il faut que je te dise toute l’émotion qui est en moi ces derniers jours après le terrible attentat qui a été perpétré par deux malades mentaux – je ne dirai pas fous ce serait faire injure aux fous ; d’ailleurs, parler de malades mentaux est également injurieux pour tous ceux qui souffrent de problèmes mentaux. Comment les appeler alors… Deux bêtes immondes tiens, comme l’aurait sûrement fait Berthold Brecht. Oui, deux bêtes immondes. Il n’y a que le fascisme et sa bestialité pour engendrer pareils actes.
Choqué, traumatisé, écœuré. Un dessin, une kalachnikov. Une kalachnikov, un dessin… Oui les dessins de Charlie hebdo dérangeaient. Ils étaient là pour cela. Et ils dérangent encore. Mais ce n’était que des dessins comme ceux de Siné mensuel que j’ai suivi dans son aventure éditoriale après l’attitude de Val (Val, pas Valls) préférant les discours ambigus et la proposition d’embauche de Sarkozy à la tête de France inter que la véritable défense du droit d’expression sur lequel il pleure à longueur d’antenne ces derniers jours après avoir viré « Là-bas si j’y suis » et quelques humoristes notamment de l’antenne du service public.
Ces derniers jours, François, je pense notamment au chéri de ma fille dont les parents sont algérien et marocain et qui est, comme nombre de jeunes à ne pas être descendu dans la rue ces derniers jours parce qu’ils sont choqués par les caricatures. Mon autre fille, son chéri est suisse. Et là, pas de souci. Quelle injustice… Les débats ne sont pas simples avec eux. Ma fille a marché avec moi hier à Grenoble (la grande manifestait avec son chéri suisse à Genève), et se trouve de fait elle aussi dans cette contradiction. Et elle a peur. Peur de la suite, peur pour son chéri. Elle a peur. Et sa peur je la partage en pensant ainsi à tous ceux qui craignent d’être plus encore les victimes de dérives de stigmatisation, d’amalgame, de rejets, de haine, d’exclusion…
François. Il faut que tu le saches puisque ton entourage politique ne semble pas très conscient de la situation. Mais ton geste hier a terriblement choqué, bien au-delà des caricatures de Mahomet. Oui, je te l’assure. Ne me remercie pas de t’ouvrir les yeux – de tenter de te les ouvrir, c’est normal – mais tu nous a terriblement choqué, avec une violence extrême. Tu ne comprends pas ? Alors je suis heureux de pouvoir t’aider au moins une fois. Et bien voilà, comment dire ? Tu sais, les mecs que tu as invité hier à manifester avec le peuple réuni dans l’émotion et la dignité – quoi ? Tu n’as pas manifesté ? Juste marché quelques mètres avec tes invités devant les médias venus du monde entier ? C’est donc pour ça qu’on ne voyait pas le vrai peuple sur ces images ? Quand je pense que la presse annonçait avec force que tu étais le premier président à manifester avec le peuple depuis Mitterrand… Les cons… Pardon. Donc, les mecs venus te rejoindre hier, certains ne t’ont certainement pas été présentés correctement. Ou mal. Franchement, tu es vraiment mal entouré. Tu sais, celui qui était le seul avec un garde du corps à sa droite alors les vôtres étaient derrière vous, et bien c’est Benyamin Netanyahou, le facho sanguinaire qui dirige aux destinées d’Israël et qui n’hésite pas à massacrer les palestiniens. Tu ne vois pas ? Et puis il y avait Ali Bongo véritable insulte à la nation gabonaise, Viktor Orban qui déclare sans honte « Nous ne voulons pas voir une minorité significative aux caractères et au passé culturels différents. Nous voulons que la Hongrie reste la Hongrie », Erdogan le premier ministre turc qui assume la mort de nouveaux manifestants chez lui lors de heurts entre policiers et manifestants à quelques jours du premier anniversaire des grandes manifestations de la place Taksim, des ministres russes envoyés par Poutine assassin notamment du peuple tchétchène, des ministres algériens, égyptiens ou encore des Émirats arabes unis. Que des mecs horribles qui favorisent l’expression de la bête immonde dont je parlais tout à l’heure tout en combattant la liberté de la presse de la citoyenneté chez eux
Manifester avec eux, comme inviter l’UMP jusqu’aux polémiques avec l’extrême-droite dans ta soi-disant union nationale est bien là une injure à la France et à son peuple. Une tentative de récupération pour quelques points dans les sondages t’ont sûrement promis tes proches qui injurie le peuple que tu dis vouloir rassembler. Ce peuple qui n’a pas attendu après toi pour s’émouvoir, pour manifester sa colère et son indignation, ce peuple qui sait se réunir sur de grandes et belles causes, qui sait se réunir pour rêver et construire, ensemble.
François. Non. Ne me dis pas que tu es au courant de tout ça ? Ne me dis pas que tu étais de la combine ? Que d’inviter des bourreaux à te serrer chaleureusement dans leurs bras pour pleurer de vulgaires dessinateurs ou journalistes pas plus que les quelques victimes collatérales (policiers, passants, citoyens faisant leurs courses) était tout à fait volontaire et assumé. Non François, pas toi. Après les si beaux discours que tu faisais avant les dernières présidentielles.
Tu sais François. Tu me fais honte. Terriblement honte. Tout cela n’est que mascarade électoraliste. Alors que tu devrais développer le vivre ensemble, les moyens donnés à l’école et à la culture, quand tu devrais donner les moyens nécessaires à la santé publique, à l’habitat, à la jeunesse, à l’emploi plutôt qu’aux patrons capitalistes, à la justice, à la défense de l’environnement et d’une écologie solidaire, quand tu devrais soutenir plutôt qu’asphyxier les collectivités locales (communes, Départements…) qui ne peuvent plus conduire leurs politiques de proximité. Quand tu devrais… Honte plus encore quand tu préfères parader avec des assassins plutôt qu’avec les victimes.
Oui François. J’ai honte et pourtant je me sens plus fort encore aujourd’hui pour combattre tes idées, tes discours, tes actes, qui sont au registre des discours et actes de la droite et même de l’extrême-droite quand le vois comment sont traités les Roms, les SDF, les plus précarisés, les sans-papiers, les sans… Non pas pour imposer mon point de vue, mais pour échanger, pour partager, pour travailler au vrai, au seul discours à tenir pour que cet ensemble que nous voulons, pouvons et devons construire, sur le terrain, loin des conseils et propos des professionnels de la politique. Oui, citoyen, oui, plasticien colleur d’histoires, je suis de la rue, celle qui partage, celle qui gronde, celle qui se parle, celle qui manifeste, celle qui danse, celle qui rêve et celle qui construit.
François, tu n’as jamais connu cela et tu ne le connaitras jamais. Pas plus que tous ceux qui t’entourent et que ceux qui pensent et œuvrent comme toi, dans le même sens. Cette rue que j’aime intelligente, ouverte, colorée, combative, partageuse, joyeuse. Cette rue citoyenne, cette rue de la vraie vie, loin des ministères et des bureaux des énarques qui veulent nous imposer leurs volontés.
Désolé François de t’avoir de la sorte interpellé. La colère qui est la mienne depuis si longtemps ne peut s’empêcher quelques fois de déborder. Aujourd’hui c’est ton tour de prendre, et au travers de toi tous ceux qui nous mentent, qui nous méprisent, qui nous excluent, qui nous bâillonnent, qui nous persécutent et qui nous assassinent. Parce que oui François, aujourd’hui je me sens plus que jamais humilié, trompé, bâillonné, je me sens assassiné. Mais je suis debout, comme Chard et ses amis, je suis debout, je suis un citoyen debout, plus que jamais.
Pour conclure François, je ne sais que mettre comme formule de politesse. Peut-être, pour te rendre service, t’inviter à ne plus penser à notre place, nous, le peuple. Ce peuple qui doit enfin se reprendre en main, non pas avec celle que tu aides à conduire vers le pouvoir, la marinière qui vogue tranquillement avec sa flottille de la haine. Non, je pense là au peuple solidaire, je pense au peuple de la couleur et du respect, au peuple qui ne rejette pas, je pense au peuple qui aime, au peuple qui partage, au peuple qui réfléchi, au peuple qui aime à rire et à vivre.
Luc Quinton. Citoyen plasticien colleur d’histoires. 12 janvier 2015
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