« Ma maison a été détruite, nous n’avons plus d’eau, ni électricité. » Le journaliste de l’Humanité a pénétré dans la bande de Gaza qui, depuis le début de l’offensive, était maintenu à huis clos par les troupes
israéliennes. Il nous raconte ses premières impressions
LA DÉTERMINATION À RÉSISTER DEMEURE
Rafah (Bande de Gaza), envoyé spécial.
La nuit tombe sur la ville palestinienne de Rafah, première ville de la bande de Gaza après l’Égypte. Il aura fallu plus de trois heures pour franchir une frontière large de seulement quelques dizaines de mètres. Il y a de la bureaucratie égyptienne mais surtout des questions sécuritaires : les avions israéliens s’acharnent sur la frontière pour détruire les tunnels. Une fois passé la barrière, la première chose que l’on aperçoit, ce sont les ambulances du croissant rouge qui amènent les blessés - ils sont nombreux - de l’autre côté.
Sur la route principale qui mène vers la ville, les détritus qui jonchent le sol montrent que la ville ne fonctionne plus. Avec les minutes la pénombre s’installe. Il n’y a plus d’électricité ce qui crée un sentiment d’insécurité. Quelques voitures circulent néanmoins. Abou Ahmed nous montre le quartier Chaboura où des bombardements ont eu lieu il y a deux semaines. Des morceaux de béton gisent à même le sol. Là, c’est un jardin pour enfants qui abritait une structure qui a été touchée. De l’autre côté de la rue, les magasins ont été soufflés. « Il y a une eu une dizaine de morts », précise Abou Ahmed. « Il y a encore eu des bombardements avant-hier. Mais ils semblent plus se concentrer sur la zone frontalière et l’est de la ville ». Un de ses amis précise : « ça ne les empêche pas de continuer à distribuer des tracts pour nous dire de partir. Les Israéliens laissent aussi des messages sur nos téléphones portables pour qu’on dénonce ce qu’ils appellent les terroristes. C’est une vieille méthode utilisée pour nous effrayer, pour faire peur à la population ».
Devant un brasero improvisé Nidan Ali tente de se réchauffer avec sa femme et ses enfants. « Ma maison a été détruite », dit-il. « C’est un F-16 qui a balancé un missile. Nous n’avons plus d’eau, plus d’électricité . Des membres de ma famille ont été blessés. Je veux vivre en sécurité avec ma famille, qu’il n’y ait plus d’occupation et que le siège de Gaza finisse. » En face de la mosquée Abrar, bombardée il y a deux jours, Ahmed Bardawi montre les dégâts dans sa pharmacie. Les étagères sont renversées, le plafond s’est effondré. Un point de médicaments en moins pour le quartier. « Il y a d’abord eu une roquette tirée, comme un avertissement », témoigne-t-il, la voix encore tremblante. « Et puis tout de suite après un missile s’est abattu sur la mosquée. J’étais près de ma fenêtre et j’ai un peu touché. Mais je ne voulais pas aller à l’hôpital parce que dans une situation pareille je ne voulais pas laisser ma famille seule ».
Pas très loin de là on entend les bruits sourds des canons d’artillerie. A moins que ce ne soient des chars qui déversent leurs obus. Ils sont à quelques encablures de là. On ne sait pas s’ils sont dans la bande de Gaza ou en lisière. La nuit s’installe sur Rafah et sur la bande de Gaza. Il paraît que les Israéliens ont prévu de lourds bombardements sur la frontière. Rafah n’est qu’à un kilomètre. Ici, tout le monde a les traits tirés, les yeux rouges, les visages pâles. On n’attend qu’une chose, que ça finisse. Mais personne n’est prêt à abdiquer.
Pierre Barbancey
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