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21 septembre 2015
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Ce week-end, le pape François rend visite à Cuba, ce qui en fait l’un des rares pays à avoir été visités par chacun des trois derniers papes. Pour un pays communiste, c’est d’autant plus curieux. Mais qu’est ce que, grands dieux, un pape peut bien aller chercher à Cuba ?


Ennemis jurés ?

L’Église et le communisme sont des ennemis jurés qui, toujours et partout, se sont détestés. C’est du moins ce que veut le cliché. Mais c’est sans compter Cuba la rebelle. Ici, l’Église et le communisme se croisent d’une façon étonnante et inhabituelle. Quelques exemples pour illustrer la question.

En 1998, le pape polonais Jean Paul II est venu à Cuba. Il y a passé pas moins de sept jours, l’une des plus longues visites de son mandat. Sur l’île, on trouve deux monuments représentant ce pape pourtant vivement anticommuniste. Et au moment de la mort du pape, en 2005, Fidel Castro annonce trois jours de deuil national.

Mais qu’est-ce que, grands dieux, le pape peut bien aller chercher à Cuba ?

Après qu’en 2006, Fidel ait été sérieusement malade, Jaime Ortega, archevêque de La Havane, surprit sympathisants et opposants avec son appel à prier pour un rétablissement rapide d’el Commandante et, plus encore en annonçant que, dans son pays, l’église catholique n’approuverait jamais d’intervention étrangère. Un soufflet destiné à Bush qui du faire machines arrières dans ses projets de changement de régime.

Pourtant, il en a, jadis, été autrement. Dans les premières années de la révolution, le clergé et les révolutionnaires étaient carrément opposés les uns aux autres. Comment et quand, cette hostilité a évolué vers une situation de bonne entente, nous allons tenter de l’éclairer dans cet article, en faisant un zoom avant sur les deux protagonistes principaux, l’église Catholique et le régime révolutionnaire.

Pastoralement faible mais politiquement fort

À Cuba, la situation de l’église Catholique diffère de celle du reste du continent. Dans toute l’Amérique latine l’Église a été et est toujours, très liée à l’establishment et le système hiérarchique y est très dominant. Mais à Cuba, l’Église était, en plus, très élitaire et limitait ses activités, essentiellement, aux régions urbaines. Il existait très peu de vocations locales et une très grand partie du clergé était constitué par des missionnaires Espagnols, dont il n’était pas rare que depuis les années trente, ils n’aient été vivement influencés par le fascisme de Franco. Il ne fut donc pas vraiment surprenant qu’après la révolution, on ait assisté, assez rapidement à une confrontation avec le clergé.

La ligue révolutionnaire tenta, au départ, de chercher des rapprochements d’avec l’église Catholique. Ceci réussit jusqu’à un certain point, mais les réformes du pays furent inacceptables pour l’establishment (l’Église). Quand, deux ans plus tard, l’enseignement ne fut plus organisé que par l’État, l’Église fut mise hors-jeu. Une partie de l’Église allait devenir le fer de lance de la contrerévolution : les séminaires devinrent les bastions de l’action contrerévolutionnaire, les prêtres prirent activement part aux activités subversives et les croyants furent vivement « montés » contre la révolution.

Les premières années de la révolution furent, pour l’église Catholique de toutes manières, autodestructrices et traumatisantes. De par ses attitudes hostiles, elle fut marginalisée en tant qu’institution, puis touchée aussi dans ses forces vives du fait que de nombreux membres du clergé, jugeant le combat perdu, émigraient à Miami.

L’église Catholique ne s’est, en fait, jamais vraiment remise de cette situation. Un petit retour de flamme au cours de la grosse crise économique du début des années quatre-vingt-dix. C’est dans les périodes difficiles que les gens cherchent encore un refuge dans le religion. De plus, grâce à l’aide de l’étranger, les paroisses avaient souvent plus de moyens matériels que les organisations locales. Elles pouvaient organiser des fêtes et des activités ludiques, tentant, par ce moyen d’attirer à nouveau un public.

Le résultat ne fut pas à la hauteur. Beaucoup de Cubains se considèrent, il est vrai, comme catholiques, mais ne vont jamais à la messe. À Cuba, il n’existe pas de communauté catholique comparable à celles d’autres pays Latino-Américains. On évalue à moins de deux pour-cent la communauté des pratiquants et, comme chez nous, majoritairement des personnes plus âgées. De plus, ces dernières décennies, l’église Catholique perd du terrain par rapport au monde Protestant et aux sectes évangéliques qui, comme ailleurs en Amérique-Latine sont en nette progression. Avec cette visite, si le pape veut donner un peu d’espoir aux croyants, il veut certainement aussi renforcer la position de l’église Catholique vis-à-vis des autres églises Protestantes et des sectes.

Peut-être, d’un point de vue pastoral, l’Église ne représente-t-elle pas grand chose, mais d’un point de vue politique si, surtout ces dernières années. L’église Catholique s’est révélée en tant que médiatrice entre La Havane et Washington. Ceci a permis, fin 2014, la libération des Cuban Five, de deux agents US, et à un réchauffement des relations entre les deux pays. Mais, évidemment, cela a aussi sensiblement amélioré les relations entre Église et pouvoir révolutionnaire. Aujourd’hui, on parle de la relation en termes de respect, fidélité, transparence et réconciliation. Jamais les relations entre les ennemis traditionnels n’ont été aussi bonnes qu’en ce moment. Les positions « gauchisantes » du pape actuel n’y sont certainement pas étrangères.

La lutte contre la polarisation

Au commencement de la révolution, la religion n’était ni un sujet, ni un obstacle. Frank País, figure importante du mouvement du 26 juillet, était un évangéliste convaincu et le Père Sardiñas, un prêtre catholique, faisait partie de la guerrilla. Après la prise de pouvoir, Fidel Castro voulait un front, le plus large possible, et les croyants en faisaient partie. En l’an premier de la révolution, il déclarait à la presse : “Notre révolution n’est, en aucun cas, contre le sentiment religieux. Notre révolution ambitionne le renforcement des désirs et des idées nobles de l’homme. Si l’on appliquait les instructions du Christ, dans la pratique, cela mènerait le monde à une véritable révolution. N’oubliez pas que le Christ a été poursuivi, qu’il a même été crucifié et que ses idées étaient très combattives. Le christianisme était une religion des pauvres, des petites gens”.

Quinze ans avant la théologie de la libération, Fidel interprétait l’évangile sur un mode radical. La main était tendue aux croyants, mais les action contre-révolutionnaires du clergé allaient gâter l’atmosphère.

La situation allait rapidement se polariser et des réactions extrêmes avoir lieu des deux côtés. Les croyants furent discriminés : empêchés d’être membres du parti communiste, freinés dans leurs promotions, etc.

Le processus devait s’accentuer sous l’influence de Moscou. À partir de 1963, Cuba commença à utiliser le manuel soviétique en matière d’économie politique et de philosophie, ce qui ne fut pas sans influencer un grand nombre de gens. Des concepts comme l’athéisme scientifique furent copiés et de nombreux révolutionnaires adoptèrent une position antireligieuse.

Ce raidissement idéologique ne devait pas se limiter à la religion mais s’étendre à toute la culture jusqu’à atteindre un climax pendant les cinq années sombres, de 1971 à 1976 : les « quinquenio gris ». Le Conseil National de la Culture censura des dizaines d’artistes, certain d’entre eux faisant même l’objet de poursuites. Que cela ait eu lieu à un moment où Cuba s’appuyait fortement sur l’Union-Soviétique, n’était, évidemment pas le fruit du hasard. Après un échec économique en 1970, le pays était devenu membre de Comecon, le bloc économique des pays communistes. « Le pacte avec l’Union-Soviétique avait d’énormes avantages en termes économiques, mais il y avait des désavantages sur le plan idéologique », devait déclarer Fidel.

Fidel, à l’époque, était sur une autre longueur d’ondes mais aussi en position minoritaire. Au cours d’une visite au Chili en 1971, il devait plaider pour une alliance entre chrétiens et marxistes, non sur une base tactique mais stratégique, ce qui veut dire « définitive ». Six ans plus tard, il réitérait ce message en Jamaïque.

Après les « cinq années sombres », on assiste à un dégel des relations entre les Protestants et la révolution. Les Protestants étaient, d’une part, moins liés à l’establishment et d’autre part, ne s’étaient jamais comportés politiquement de manière hostile à l’encontre de la ligue révolutionnaire.

Une percée devait avoir lieu en 1984. Cette année là, un pasteur noir, candidat à la présidence des USA, Jesse Jackson, visite Cuba et Fidel assiste à un service religieux avec Jackson. Une rupture d’avec le passé qui fut relayée par la radio, la télévision, et devait paraître dans tous les journaux et magazines possibles et imaginables.

L’année suivante, le Dominicain brésilien Frei Betto interviewait Fidel, une journée durant et l’interview était publiée sous forme d’un livre portant le titre : « Fidel et la religion », déclenchant, en son temps, une petit tsunami. Dans ce livre, il signe l’arrêt de l’escalade des positions antireligieuses alors courantes entre marxistes. A la question de savoir si la religion est l’opium du peuple, il répond alors que ce « peut être une drogue ou un moyen merveilleux selon qu’elle sera utilisée pour se défendre des oppresseurs et des exploiteurs ou par, les exploiteurs et les oppresseurs ».

Une visite officielle faite par Fidel Castro au Brésil, en 1990, fut l’occasion d’un important rassemblement des églises protestantes avec Fidel. Cette réunion représenta un tournant définitif en ce qui concerne les relations avec les dirigeants révolutionnaires. L’année suivante, le parti communiste modifiait ses statuts et l’obligation d’être athée pour devenir membre du parti fut rayée des conditions préalables. La constitution fut modifiée également, et le caractère athée de l’état fut éliminé, une nouvelle loi rendant possible pour un chrétien, d’assumer un mandat politique.

Ceci fut également l’occasion d’un rapprochement d’avec l’église catholique permettant, dans le même temps, d’aplanir les quelques aspérités qui pouvaient subsister.

Point culminant de ce processus, la visite en 1998 du pape Polonais, connu pour ses prises de positions durement anticommunistes. L’accueil à Cuba fut très chaleureux et le pape s’inscrivit contre l’embargo économique des USA. Le ton était donné pour les années suivantes et cela permit à l’Église de jouer un rôle d’intermédiaire important dans les négociations entre les USA et Cuba.

Le pape actuel a œuvré également au réchauffement des relations entre La Havane et Washington. Il n’est pas encore question d’une réelle normalisation des relations, tant que le blocus reste d’actualité. Il s’agira de voir si le pape François se prononcera à ce propos. Le fait qu’il combine sa visite à l’île avec celle qu’il rend aux USA est, en tous cas, un signal qui compte.

Marc Vandepitte est l’auteur de différents livres à propos de Cuba.

Traduit par Anne de Meert pour Investig’Action 

Source : Investig’Action


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