۱۳۹۴ بهمن ۲۶, دوشنبه

14 février 2016
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Geneviève Caré revient d’un séjour de plusieurs mois en Palestine occupée. Interview

Umsala, décembre 2014 - Manifestation contre la colonisation des terres

Info-Palestine : Geneviève, pouvez-vous vous présenter, et nous faire un historique même rapide de votre longue histoire avec la Palestine ?

Geneviève Caré : En pleine Intifada, je suis allée en Palestine la première fois en 2003 pour participer à la cueillette des olives à Yanoun, tout petit village à quelques kilomètres de Naplouse qui, à l’époque , était très difficile d’accès. J’accompagnais un couple, par curiosité de cette réalité palestienne dont je savais ne pas savoir pas grand-chose. Nous avons partagé la vie des villageois et cueilli , y compris avec des Israéliens, emmenés par Arik Asherman, président des Rabbins pour les Droits de l’homme. Expérience fondatrice !



J’y suis retournée en 2004, dans le cadre des CCIPP, toujours pour la cueillette, dans plusieurs villages de Cisjordanie occupée, saignée par la construction du Mur. En 2007, j’ai accompagné , pour une huitaine de jours, des amis chrétiens de ma commune de la banlieue lilloise, dont la paroisse est jumelée avec une paroisse chrétienne de Ramallah.

Nous avons , par exemple, été reçus par Michel Sabbah, patriarche de Jérusalem, à l’époque et fait de belles rencontres dans la communauté chrétienne.

En 2008, profitant de mon nouveau statut de retraitée (de l’éducation nationale, j’étais professeur d’économie et gestion) et de la nouvelle née association Amitié Lille-Naplouse ( dans le cadre du jumelage de Lille avec Naplouse, depuis 1998), je suis partie deux mois à Naplouse pour travailler en tant que volontaire avec Project Hope, une association palestinienne de Naplouse, partenaire de Amitié Lille-Naplouse. Je donnais principalement des cours de français, dans un cadre extra-scolaire, à des enfants et de jeunes adolescents, dans la vieille ville de Naplouse, dans les camps de réfugiés (Balata, Asqar) et dans des villages (Kusra, Asseera al-Shamliya, Burin....).

J’aidais aussi des étudiants en français de l’université An-Najah de Naplouse et participais à diverses activités selon les besoins , y compris au Centre Culturel (CCF), devenu Institut Français (IF).

J’y retourne depuis chaque année, dans ce même cadre mais aussi parfois à titre « privé », pour y emmener des randonneurs ou des "touristes" ou même mes petits-enfants ( mon cadeau pour leurs 16 ans !) à la découverte de la Palestine et surtout des Palestiniens.

Que de chemin parcouru depuis 1967 où, étudiante à l’école de journalisme de Lille, je prenais fait et cause pour les Israéliens dans la guerre des six jours !

IP : Vous avez tout récemment résidé à Naplouse, sur une assez longue période. Quelles étaient vos activités ? Et en lien avec quelles associations ou organisations palestiniennes ?

GC : Mon dernier séjour s’étalait du 26 septembre au 14 décembre 2015. j’ai d’abord participé à la cueillette des olives, dans trois villages, Beit Lid (près de Tulkarem), Kusra (près de Naplouse), très menacé, souvent agressé par les colons voisins. Kusra est à quelques kilomètres seulement de Duma, le village dans lequel le 31.07.2015, l’acte incendiaire criminel de colons a causé la mort atroce d’un bébé et de ses parents.

J’ai participé aussi à la récolte des olives à Asseera al-Shamliya, proche de Naplouse. Ceci en lien avec Project Hope ou à titre « privé », amical car depuis que je vais en Palestine, j’ai noué des relations fortes avec celles que j’appelle mes familles d’adoption.

J’ai repris mon travail à Project Hope (cours d’initiation au français, de « conversation française ») et aussi à l’Institut français ( l’heure du conte, ateliers divers....) et encore à l’Université An-Najah où j’intervenais dans le cadre d’un atelier de français, via Project Hope.

J’ai fait la guide à Jérusalem pour des amies françaises venues se rendre compte par elles-mêmes. Nous avons ensuite eu recours à un ami guide palestinien, réduit comme les autres au chômage , par la défection massive des touristes . Bethléem est économiquement étranglé, hôtels et échoppes vides...

IP : Parlez-nous de votre vécu quotidien au sein de la société palestinienne. Que souhaitez-vous dire au sujet des familles qui vous ont accueillie, des militants qui vous ont accompagnée, des amitiés que vous y avez construites ?

GC : Bonheur et douleur..........le décompte quotidien des jeunes palestinien(ne)s abattu(e)s , l’angoisse de mes amis parents d’adolescents ou de jeunes adultes , la brutalité de l’occupation, la folie furieuse des colons , le soutien indéfectible international à l’agresseur, cela fait mal !

Je me sens BIEN pourtant en Palestine !

L’hospitalité, la gentillesse incommensurables des Palestinien(ne)s sont un baume pour le coeur et l’esprit,

j’ai plaisir à partager , à même le trottoir , le café à la cardamome offert par mes amis vendeurs de rue à Naplouse, à me faire interpeller dans la rue par des anciens élèves heureux de me savoir de retour, à écouter sans trop comprendre les conversations sous l’olivier, à voir grandir les bébés de celles que j’ai connues jeunes filles, à découvrir les talents d’écrivaines de Fanan et Dima, à accompagner des enfants du camp de Balata à la découverte d’une partie de Bowling, à écouter Habib au oud, à déguster le knaffé, à apprécier les talents culinaires de Akil, à chanter en canon , avec mes petits élèves, « Frères Jacques » , à tenter de danser la dabka, à marcher, marcher, marcher, à faire des photos, encore des photos.... « fais des photos, montre les, dis que nous ne sommes pas des terroristes. »



Abou Hani et ses olives à Yanoun, octobre 2003

IP : Vous avez eu accès à plusieurs reprises au camp de Balata, près de Naplouse. Ce camp est réputé pour son accès difficile. Parlez-nous de ce camp, de vos activités, et dites-nous comment vous y êtes reçue ?

GC : Le camp de Balata est le plus grand camp de réfugiés de Cisjordanie, 27000 habitants, à trois kilomètres de Naplouse. Depuis plusieurs années, j’y interviens, via Project Hope, pour une initiation au français.

J’ y suis reconnue, je n’ai donc pas de problème pour y circuler, même s’il m’est quand même arrivé une fois d’être prise en charge, dès mon arrivée, pour raison de sécurité !

je ne m’y suis jamais sentie en insécurité même s’il m’arrive d’entendre des coups de feu, lors de la libération d’un prisonnier me dit-on. Mes accompagnateurs-traducteurs palestiniens (étudiants en français)ne sont, quant à eux, pas toujours rassurés ! Les enfants y vivent dans des conditions matérielles et psychologiques difficiles. Mes interventions, comme celles des autres volontaires , visent non pas à faire des francophones mais à distraire d’une réalité très dure.

Un jeune garçon m’a dit un jour qu’il voulait apprendre le français pour être comédien....

Je leur raconte des histoires qui n’en sont pas, par exemple le Tunnel sous la Manche et ils imaginent, morts de rire, un train dans un immense aquarium, je les calme avec des coloriages dont ils sont friands, je les accompagne au zoo de Qalqilya, après une leçon sur le vocabulaire des animaux sauvages et ils ne se lassent pas de voir les singes éplucher les mandarines....

Amitié Lille-Naplouse prend régulièrement à sa charge , des sorties pour ces enfants : rencontre avec des jeunes de leur âge au village de Kusra, le nouveau bowling de Naplouse, sortie à un parc d’attractions, au zoo....

Dernièrement, j’ accompagnais à Balata mes deux amies françaises en visite en Palestine, je leur montrais l’étroitesse des ruelles du camp quand deux jeunes gens nous ont invitées à rentrer chez eux où nous avons bu le café dans un intérieur sombre mais très coquet, nous avons fait la connaissance de Yasan, nouveau-né de trois jours, leur neveu, son père est en prison en Israël.

Fin de la 1ère partie de l’interview

Photos : Geneviève Caré 

Source : Info-Palestine

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