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2 décembre 2015
Nos semblables sont quelque peu différents oui et alors ? Nous sommes 7 milliards : tous différents mais là n’est pas le problème ! La radicalisation n’est pas une fatalité, on ne naît pas radical on le devient. Le code génétique ne renferme pas en lui le germe de l’obscurantisme. Ce germe est le produit d’une culture que l’homme intériorise petit à petit et qu’il finit par adopter comme étant sienne.
Toutes les personnes et les cultures connaissent ou ont connu une forme de radicalisation à un moment ou l’autre dans leur vie -voir au cours de leur histoire- ceci n’est pas propre à une race (si toutefois les races existent…) L’Histoire (encore elle) nous apprend comment ce phénomène se construit pour devenir idéologie et conscience sectaire collective. L’obscurantisme et le fascisme se construisent sur le même terreau que la misère sociale, la misère culturelle, la misère politique et la misère économique. L’obscurantisme et le fascisme prospèrent là ou la pensée émancipatrice est faible .
Hommes politiques, ne détournez pas la tête pour occulter cette réalité, ne dites pas que cette misère n’influence pas nos pensées, l’histoire passée et récente doit servir de témoin, de guide et de conscience. L’obscurantisme et le fascisme sont des plaies béantes qui s’infectent chaque fois que tous les ingrédients de la misère sont réunis. Rien ne sert de tourner autour du pot et de tenter d’expliquer la radicalisation par la génétique ou par une autre abstraction loin des réalités objectives et concrètes.
Le vécu dans nos quartiers, et particulièrement celui des jeunes avec lesquels je travaille, n’est pas brillant et n’offre pas beaucoup de perspectives. Qu’on se le dise. Les enfants et les jeunes de Molenbeek sont le reflet d’une société cloisonnée qui hiérarchise, trie, relègue et discrimine à tour de bras. Cette réalité est le ferment du fléau sectaire qui couve dans notre pays.
En chiffres, cela se traduit de la façon suivante : décrochage scolaire et chômage (jusqu’à 60 % chez les jeunes dans les quartiers est), discriminations et ségrégation massive à l’école et à l’embauche, familles nombreuses sans revenus du travail entassées dans des logements minuscules dont un quart n’est pas équipé d’un confort minimal.
Molenbeek-Saint-Jean est l’une des communes qui compte parmi les plus pauvres du territoire (une personne sur 3 est au chômage) Une importante partie de la population dépend d’allocations sociales ou d’un revenu de remplacement et le taux de natalité est parmi le plus élevé de la Région Bruxelloise. Sans oublier le nombre croissant de mères seules (avec souvent plusieurs enfants) vivant dans la plus grande précarité. Bref, il ne peut pas y avoir de paradis social dans un véritable désert économique. Faudrait-il faire comme si tout ceci n’existait pas et n’aurait aucune influence sur les consciences ?
Le darwinisme social à tous les niveaux est une guerre larvée contre les populations, et les jeunes en particulier, dont la grande majorité se résigne et accepte son sort tandis qu’une petite partie ne l’accepte pas et se radicalise. La seule façon efficace de se battre contre la misère culturelle, la misère politique, la misère sociale et la misère économique, en somme contre l’ignorance et le radicalisme, n’est pas d’opposer une autre forme de radicalisme mais de donner des perspectives.
Se battre contre l’ignorance par la répression ne réglera pas le problème de l‘ignorance, la seule façon humaine de gagner ce combat est d’opposer à cette ignorance plus de culture, plus d’éducation, plus de pédagogie et plus de formation, c’est en somme de gagner l’unique guerre qui en vaille humainement la peine : la guerre des idées.
Il existe des endroits qui sont fréquentés par tous ces jeunes. Les écoles, les lieux de culture, les salles de sport sont des endroits où se construit une pensée démocratique, humaine, scientifique, analytique… indispensable à mettre en œuvre au quotidien. Il ne faudrait qu’un coup de pouce pour en garantir l’accessibilité à tous et ainsi donner à tous la possibilité de réussir.
Oui, les endroits et les moyens existent s’il y a une volonté politique pour le faire. Les différentes expressions culturelles, sportives, théâtrales, musicales, plastiques, sont une véritable mine d’or pour capter l’intérêt de notre jeunesse. Il faut leur redonner de l’espoir, les valoriser, les soutenir et les aider à retrouver le chemin des perspectives d’avenir.
L’influence de ces expressions culturelles est immense, nous sommes souvent les dernières personnes de confiance et leur dernier wagon mais nos moyens sont rudimentaires et nos propres contrats (pour ceux qui en ont...) sont précaires. La norme est souvent la débrouille ou le volontariat. Le travail qui nous attend est immense à la mesure des problèmes de ces quartiers paupérisés. Je vous en conjure : donnez- nous les moyens d’agir, nous sommes souvent l’ultime rempart de ces jeunes avant la chute libre.
Source : Investig’Action
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