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12 juin 2015
Pour comprendre l’évolution des pays progressistes de l’Amérique latine, il faut rappeler qu’ils sortent d’une période néolibérale qui a affecté tout le continent durant plus de deux décennies à partir des années 1980. S’appuyant sur des régimes de dictature et orientés par les organismes financiers internationaux, comme le FMI et la Banque mondiale, les économies se libéralisèrent, les systèmes de sécurité sociale embryonnaires furent démantelés et les États soumis aux ajustements structurels, c’est-à-dire à des restrictions budgétaires destinées essentiellement à payer les intérêts de la dette extérieure.
Sorties du « néolibéralisme »
La résistance politique et celle des mouvements sociaux s’organisèrent dans la plupart des pays du continent et, dans un certain nombre d’entre eux, réussirent à renverser les régimes en place, notamment « par les urnes ». Dans le cas du Nicaragua et du Salvador, ce fut grâce à une lutte de guérilla. Dans d’autres, il y eut une tentative de coup d’État qui déboucha ultérieurement sur des élections, comme au Venezuela. Ailleurs ce fut par le biais de scrutins. De nouvelles formations politiques virent le jour, en grande partie comme expression politique des mouvements sociaux : le Parti du travail au Brésil (PT), le Mouvement vers le socialisme (MAS) en Bolivie, le Front sandiniste de libération nationale (FSLN) au Nicaragua, le Front Farabundo Marti de libération nationale (FMLN) au Salvador, Allianza País (AP) en Équateur.
Ces nouvelles formations politiques absorbèrent un grand nombre de dirigeants des mouvements sociaux, affaiblissant ainsi ceux-ci faute de relève. Avec le temps, ces nouveaux partis n’ont pas échappé aux travers traditionnels du champ politique latino-américain – népotisme, corruption, caudillisme –, perdant ainsi une partie de leur influence morale. Les nouvelles constitutions jouèrent un rôle important dans l’initiation des changements. En Équateur et en Bolivie, leur préparation fut l’occasion d’une large participation populaire et elles introduisirent des notions inédites, telles que le « Bien Vivre » inspiré de la philosophie des peuples indigènes, la pluri-nationalité et les droits de la nature. C’est une difficile transition qui se mit en route, car il fallait construire du nouveau, alors que les vielles structures étaient encore en place, notamment sur le plan économique et que les pouvoirs de décision se trouvaient pour beaucoup à l’extérieur d’un continent périphérique par rapport à la centralité capitaliste. Il y eut évidemment de vives réactions. Ainsi, à la veille des élections qui allaient porter Lula au pouvoir au Brésil, les capitaux étrangers se retirèrent en masse. Au Salvador, à l’aube des scrutins, des rumeurs courraient affirmant qu’en cas de victoire du FMLN, les États-Unis interdiraient les transferts d’argent des migrants, qui constituaient la principale source de devises du pays. Au Venezuela, après les victoires électorales des présidents Chavez et Maduro, les détenteurs du capital local organisèrent des pénuries artificielles de biens de consommation essentiels.
Ces nouvelles formations politiques absorbèrent un grand nombre de dirigeants des mouvements sociaux, affaiblissant ainsi ceux-ci faute de relève. Avec le temps, ces nouveaux partis n’ont pas échappé aux travers traditionnels du champ politique latino-américain – népotisme, corruption, caudillisme –, perdant ainsi une partie de leur influence morale. Les nouvelles constitutions jouèrent un rôle important dans l’initiation des changements. En Équateur et en Bolivie, leur préparation fut l’occasion d’une large participation populaire et elles introduisirent des notions inédites, telles que le « Bien Vivre » inspiré de la philosophie des peuples indigènes, la pluri-nationalité et les droits de la nature. C’est une difficile transition qui se mit en route, car il fallait construire du nouveau, alors que les vielles structures étaient encore en place, notamment sur le plan économique et que les pouvoirs de décision se trouvaient pour beaucoup à l’extérieur d’un continent périphérique par rapport à la centralité capitaliste. Il y eut évidemment de vives réactions. Ainsi, à la veille des élections qui allaient porter Lula au pouvoir au Brésil, les capitaux étrangers se retirèrent en masse. Au Salvador, à l’aube des scrutins, des rumeurs courraient affirmant qu’en cas de victoire du FMLN, les États-Unis interdiraient les transferts d’argent des migrants, qui constituaient la principale source de devises du pays. Au Venezuela, après les victoires électorales des présidents Chavez et Maduro, les détenteurs du capital local organisèrent des pénuries artificielles de biens de consommation essentiels.
Les mesures « post-néolibérales »
Ce n’est qu’en Amérique latine qu’il y eut des systèmes politiques pour adopter des mesures post-néolibérales. Ce ne fut le cas ni en Asie, ni en Afrique, ni dans le monde arabe et encore moins en Europe où l’Union européenne appliqua à satiété des mesures libérales pour « sortir de la crise » alors même que la crise trouve son origine dans ces mesures. Quant aux États-Unis, ils ne firent pas exception dans ce domaine. Il s’agissait donc de reconstruire les fonctions de l’État qui avaient été éliminées par le néolibéralisme qui avait conservé ou renforcé le système juridique protégeant la propriété privée des moyens de production et considérablement renforcé les forces de répression, alors que les investissements sociaux et les services publics avaient fait les frais du fondamentalisme économique.
Dans les pays progressistes latino-américains, la priorité fut donnée au rôle social et économique de l’État et au développement des équipements collectifs, notamment dans le domaine de la santé et de l’éducation. Aucun d’entre eux ne prit des mesures aussi avancées que celles de la révolution cubaine et tous restèrent dans le cadre d’une économie mixte et conservèrent le pluralisme des opérateurs d’éducation et de santé. Les ONG qui avaient pris une place importante durant la période néolibérale pour suppléer aux failles du système, notamment par d’innombrables projets de développement, virent leur champ se réduire : certaines l’interprétèrent comme une atteinte à la liberté.
Par ailleurs, le contexte économique mondial contribua à favoriser les pays du continent qui voulaient entrer dans une ère post-néolibérale. En effet, le prix des matières premières, du pétrole, des minéraux, de certains produits agricoles augmentèrent et, durant une décennie, les rentrées en devises s’accrurent considérablement, ouvrant ainsi la possibilité de mener des politiques d’investissements publics et de protection sociale. Mais en même temps, on assista à une désindustrialisation relative et à une accélération de l’extractivisme, source de graves conflits sociaux, notamment avec les populations indigènes les plus directement affectées. Avec la baisse des prix, à partir de 2014, de sérieux problèmes se posèrent pour des pays comme le Venezuela, la Bolivie et l’Équateur. S’y ajoutèrent la crise des économies capitalistes centrales pesant sur la demande de matières premières, la baisse du taux de croissance en Chine et les politiques pétrolières agressives des États-Unis et de leurs alliés du Golfe pour affaiblir leurs adversaires russes, iraniens et vénézuéliens.
Sur le plan des politiques sociales, la lutte contre la pauvreté fut la priorité. En quelques années, grâce à des programmes comme les bourses familiales au Brésil ou les bons humanitaires en Équateur, des millions de personnes sont sorties de la « pauvreté extrême » et de la « pauvreté simple », selon les catégories établies par les Nations-Unies. Ces programmes, généralement décentralisés au niveau des municipalités, sont associés à des obligations d’affiliation à un centre de santé et de scolarisation des enfants. Cependant, l’indice de Gini (qui mesure l’écart entre les plus riches et les plus pauvres) n’a guère été affecté. En effet, si les pauvres sont sortis progressivement de leur état (il en reste plus ou moins 10 % selon les pays), les riches se sont enrichis et, dans des pays comme le Brésil, de façon considérable.
Or, ce type de lutte contre la pauvreté ne produit pas des « acteurs sociaux », mais plutôt des « clients » des pouvoirs politiques. Sans négliger leur apport, la critique de leurs fonctions réelles s’impose néanmoins, même quand une préoccupation humanitaire est à l’origine de leur adoption. D’ailleurs, les pays restés néolibéraux, comme la Colombie, le Mexique, le Costa Rica et, en grande partie, le Pérou et le Chili, ont, eux aussi, initié des programmes semblables, parfois avec des résultats similaires, sinon même légèrement meilleurs. Mais, c’est évidemment dans un tout autre esprit que ces mesures sont prises : inspirés par la Banque mondiale, qui en a fait depuis longtemps un de ses chevaux de bataille, ils estiment que la diminution de l’indigence est un facteur favorable à l’expansion du marché. L’augmentation du pouvoir d’achat est un élément-clé de la consommation, donc, à terme, des profits et de l’accumulation du capital.
L’accès élargi à la santé et à l’éducation fait également partie des objectifs des pays progressistes de l’Amérique latine. En Équateur, en moins de dix ans, le nombre d’élèves et d’étudiants a été multiplié par deux. La réforme universitaire tend à renforcer la qualité déficitaire du système et quatre super-universités ont été créées, notamment pour répondre aux exigences des sciences et technologies de pointe. Un millier d’« écoles du Millenium » sont en voie de construction, remplaçant les petites écoles locales dans les régions rurales. L’orientation est influencée par la volonté d’entrer dans la modernité et s’inspire au niveau de l’enseignement supérieur de la Réforme de Bologne (au service de l’économie de marché). Une perspective relativement technocratique se manifeste ainsi dans les réformes de l’éducation, symptôme du projet de développement dont nous parlerons ci-après.
De grands investissements sont en cours dans le domaine des infrastructures. L’Équateur a construit des centaines de kilomètres d’excellentes routes, dans des conditions géographiques très difficiles, notamment dans les Andes. Le Brésil multiplie les barrages hydroélectriques, surtout sur les fleuves et rivières de l’Amazonie. Les transports urbains se modernisent, grâce aux téléphériques et aux métros. Raffineries, bâtiments publics, aéroports sont édifiés. Les dépenses publiques pour les chemins vicinaux, l’agriculture paysanne (à peu près abandonnée), les écoles bilingues, l’habitat populaire (sauf au Venezuela) sont moins importants. L’agriculture industrielle pour l’exportation connaît un grand essor, surtout au Brésil et en Argentine : l’éthanol, l’agro-diesel, la nourriture du bétail et les OGM sont encouragés. Elle entre dans le cadre de la « Nouvelle matrice productive » en Équateur.
Dans les pays progressistes latino-américains, la priorité fut donnée au rôle social et économique de l’État et au développement des équipements collectifs, notamment dans le domaine de la santé et de l’éducation. Aucun d’entre eux ne prit des mesures aussi avancées que celles de la révolution cubaine et tous restèrent dans le cadre d’une économie mixte et conservèrent le pluralisme des opérateurs d’éducation et de santé. Les ONG qui avaient pris une place importante durant la période néolibérale pour suppléer aux failles du système, notamment par d’innombrables projets de développement, virent leur champ se réduire : certaines l’interprétèrent comme une atteinte à la liberté.
Par ailleurs, le contexte économique mondial contribua à favoriser les pays du continent qui voulaient entrer dans une ère post-néolibérale. En effet, le prix des matières premières, du pétrole, des minéraux, de certains produits agricoles augmentèrent et, durant une décennie, les rentrées en devises s’accrurent considérablement, ouvrant ainsi la possibilité de mener des politiques d’investissements publics et de protection sociale. Mais en même temps, on assista à une désindustrialisation relative et à une accélération de l’extractivisme, source de graves conflits sociaux, notamment avec les populations indigènes les plus directement affectées. Avec la baisse des prix, à partir de 2014, de sérieux problèmes se posèrent pour des pays comme le Venezuela, la Bolivie et l’Équateur. S’y ajoutèrent la crise des économies capitalistes centrales pesant sur la demande de matières premières, la baisse du taux de croissance en Chine et les politiques pétrolières agressives des États-Unis et de leurs alliés du Golfe pour affaiblir leurs adversaires russes, iraniens et vénézuéliens.
Sur le plan des politiques sociales, la lutte contre la pauvreté fut la priorité. En quelques années, grâce à des programmes comme les bourses familiales au Brésil ou les bons humanitaires en Équateur, des millions de personnes sont sorties de la « pauvreté extrême » et de la « pauvreté simple », selon les catégories établies par les Nations-Unies. Ces programmes, généralement décentralisés au niveau des municipalités, sont associés à des obligations d’affiliation à un centre de santé et de scolarisation des enfants. Cependant, l’indice de Gini (qui mesure l’écart entre les plus riches et les plus pauvres) n’a guère été affecté. En effet, si les pauvres sont sortis progressivement de leur état (il en reste plus ou moins 10 % selon les pays), les riches se sont enrichis et, dans des pays comme le Brésil, de façon considérable.
Or, ce type de lutte contre la pauvreté ne produit pas des « acteurs sociaux », mais plutôt des « clients » des pouvoirs politiques. Sans négliger leur apport, la critique de leurs fonctions réelles s’impose néanmoins, même quand une préoccupation humanitaire est à l’origine de leur adoption. D’ailleurs, les pays restés néolibéraux, comme la Colombie, le Mexique, le Costa Rica et, en grande partie, le Pérou et le Chili, ont, eux aussi, initié des programmes semblables, parfois avec des résultats similaires, sinon même légèrement meilleurs. Mais, c’est évidemment dans un tout autre esprit que ces mesures sont prises : inspirés par la Banque mondiale, qui en a fait depuis longtemps un de ses chevaux de bataille, ils estiment que la diminution de l’indigence est un facteur favorable à l’expansion du marché. L’augmentation du pouvoir d’achat est un élément-clé de la consommation, donc, à terme, des profits et de l’accumulation du capital.
L’accès élargi à la santé et à l’éducation fait également partie des objectifs des pays progressistes de l’Amérique latine. En Équateur, en moins de dix ans, le nombre d’élèves et d’étudiants a été multiplié par deux. La réforme universitaire tend à renforcer la qualité déficitaire du système et quatre super-universités ont été créées, notamment pour répondre aux exigences des sciences et technologies de pointe. Un millier d’« écoles du Millenium » sont en voie de construction, remplaçant les petites écoles locales dans les régions rurales. L’orientation est influencée par la volonté d’entrer dans la modernité et s’inspire au niveau de l’enseignement supérieur de la Réforme de Bologne (au service de l’économie de marché). Une perspective relativement technocratique se manifeste ainsi dans les réformes de l’éducation, symptôme du projet de développement dont nous parlerons ci-après.
De grands investissements sont en cours dans le domaine des infrastructures. L’Équateur a construit des centaines de kilomètres d’excellentes routes, dans des conditions géographiques très difficiles, notamment dans les Andes. Le Brésil multiplie les barrages hydroélectriques, surtout sur les fleuves et rivières de l’Amazonie. Les transports urbains se modernisent, grâce aux téléphériques et aux métros. Raffineries, bâtiments publics, aéroports sont édifiés. Les dépenses publiques pour les chemins vicinaux, l’agriculture paysanne (à peu près abandonnée), les écoles bilingues, l’habitat populaire (sauf au Venezuela) sont moins importants. L’agriculture industrielle pour l’exportation connaît un grand essor, surtout au Brésil et en Argentine : l’éthanol, l’agro-diesel, la nourriture du bétail et les OGM sont encouragés. Elle entre dans le cadre de la « Nouvelle matrice productive » en Équateur.
L’intégration latino-américaine
Sur le plan de l’intégration latino-américaine des progrès importants ont été réalisés. Le Venezuela a été le principal moteur des initiatives nouvelles. Il y eut toujours deux courants au cours de l’histoire : l’un prônant l’intégration de la « Patria Grande » comme disait Simon Bolivar ou de « Notre Amérique » selon les paroles de José Marti, le philosophe et patriote cubain du dix-neuvième siècle et l’autre en faveur de l’intégration avec l’Amérique du Nord, en vertu de la doctrine Monroe (président des États-Unis au début de ce même siècle) – « L’Amérique au Américains » – qui s’opposait au colonialisme européen. Les pays progressistes optèrent pour le premier modèle. D’où la constitution d’Unasur (Union des pays sud-américains), de la Celac (Communauté des pays d’Amérique latine et des Caraïbes), œuvre de Hugo Chavez et de l’ALBA (Alliance bolivarienne des peuples de Notre Amérique) conçue également par le président vénézuélien. Ces initiatives s’ajoutèrent au Mercosur (Marché commun du Sud) regroupant les pays du Cône Sud et, dans le prolongement de la lutte victorieuse contre le projet du président George Bush, l’ALCA (Traité de Libre échange entre l’Amérique du Nord et du Sud).
Par contre, les pays restés néolibéraux sont des fidèles de l’OEA (Organisation des États américains), dont le siège est à Washington : ils ont mis en place l’Alliance des pays du Pacifique, pour promouvoir les liens économiques avec l’Asie dans une perspective néolibérale avec les États-Unis. Les pays progressistes sont aussi anti-impérialistes : l’Équateur a mis fin à la base américaine de Manta, le Venezuela dénonce régulièrement l’intervention des services américains appuyant l’opposition, la Bolivie a expulsé USAID, organisme de coopération du gouvernement des États-Unis.
Par contre, les pays restés néolibéraux sont des fidèles de l’OEA (Organisation des États américains), dont le siège est à Washington : ils ont mis en place l’Alliance des pays du Pacifique, pour promouvoir les liens économiques avec l’Asie dans une perspective néolibérale avec les États-Unis. Les pays progressistes sont aussi anti-impérialistes : l’Équateur a mis fin à la base américaine de Manta, le Venezuela dénonce régulièrement l’intervention des services américains appuyant l’opposition, la Bolivie a expulsé USAID, organisme de coopération du gouvernement des États-Unis.
Trois modèles de développement
Quels sont les modèles de développement promus par les pays progressistes latino-américains ? Schématiquement, on peut distinguer trois propositions différentes. Le premier projet s’inscrit dans ce qu’on peut appeler le « néo-développementisme » (neo-desarrollismo). Il s’agit en l’occurrence, d’une nouvelle version du projet de la CEPAL (Commission économique des Nations-Unies pour l’Amérique latine) qui prônait dans les années 1960, le remplacement des importations par une production nationale et le développement d’un capitalisme local. L’Équateur, la Bolivie et le Nicaragua vont nettement dans cette direction, avec la constitution d’un capitalisme moderne, qui s’oppose aux anciennes oligarchies, accepte la lutte contre la pauvreté, la promotion du travail formel et la diminution de l’informel, l’établissement d’une sécurité sociale et le besoin d’un État stable financé par l’impôt. Les secteurs de la finance, du commerce intérieur et des intermédiaires économiques avec la Chine prospèrent. Par ailleurs, l’accroissement des exportations pour financer l’État oblige à de nouveaux contrats avec les multinationales de l’extraction ou de l’agro-négoce et, à cause de la chute des prix, le recours à l’endettement auprès de la Banque mondiale, des banques nord-américaines, de la Chine et des pays du Golfe, à des conditions meilleures, toutefois, que précédemment. Il en résulte une attention moindre aux problèmes écologiques, peu d’intérêt à l’égard des peuples originaires (en Équateur) une opposition aux revendications des travailleurs, des petits paysans, des indigènes, considérées comme des obstacles au modèle et une tendance à criminaliser les résistances. Un État centralisé est l’instrument de ces politiques.
Le second modèle est de type nettement social-démocrate, acceptant le capitalisme comme base de la croissance et distribuant une partie du produit social. C’est le cas du Brésil, où le Parti du travail a encouragé le développement du capitalisme local, notamment dans l’agriculture et attiré les capitaux étrangers. Jamais les riches n’ont gagné autant d’argent, mais, en même temps, quelque 30 à 40 millions d’individus sont sortis de la pauvreté. Reste qu’il n’y a pas eu de réforme agraire sérieuse et que le nouveau gouvernement de Dilma Rousseff compte parmi ses ministres, celui des Finances, issu de l’École de Chicago, et celle de l’Agriculture, ancienne porte-voix des grands propriétaires à l’Assemblée nationale. Le Mouvement des Paysans sans Terre, après l’avoir appuyée électoralement, lui a pratiquement déclaré la guerre, en reprenant les occupations de terres de latifonds : notamment une propriété d’un des ministres du gouvernement. L’Argentine et l’Uruguay se trouvent dans une situation proche.
Un troisième cas est celui du Venezuela. Les efforts de participation populaire ont été plus marqués, avec les initiatives communales, où l’utilisation d’une part du budget public est décidée par la base. À la fin de sa vie, Hugo Chavez insista beaucoup sur l’écosocialisme, intégrant la préoccupation de la nature dans le projet socialiste. Ne pouvant compter sur l’administration de l’État au début de son mandat, il instaura un État parallèle avec les revenus du pétrole et organisa divers types de « missions » pour tous les domaines des services publics, de la santé avec les médecins cubains, de l’éducation aux divers niveaux, de l’économie sociale, de l’agriculture, des peuples indigènes, etc. Mais le mal fondamental du Venezuela est la rente pétrolière, qui a détruit la production locale (tout était acheté avec les pétrodollars), l’agriculture (70 % de l’alimentation est importée) et l’ensemble des normes sociales (la violence est sociale et seulement partiellement politique). Le pays n’est pas sorti de la culture politique de corruption, même s’il a réalisé de grands progrès dans les domaines sociaux et culturels. Sa volonté de changement en profondeur explique également la férocité de l’opposition.
Le second modèle est de type nettement social-démocrate, acceptant le capitalisme comme base de la croissance et distribuant une partie du produit social. C’est le cas du Brésil, où le Parti du travail a encouragé le développement du capitalisme local, notamment dans l’agriculture et attiré les capitaux étrangers. Jamais les riches n’ont gagné autant d’argent, mais, en même temps, quelque 30 à 40 millions d’individus sont sortis de la pauvreté. Reste qu’il n’y a pas eu de réforme agraire sérieuse et que le nouveau gouvernement de Dilma Rousseff compte parmi ses ministres, celui des Finances, issu de l’École de Chicago, et celle de l’Agriculture, ancienne porte-voix des grands propriétaires à l’Assemblée nationale. Le Mouvement des Paysans sans Terre, après l’avoir appuyée électoralement, lui a pratiquement déclaré la guerre, en reprenant les occupations de terres de latifonds : notamment une propriété d’un des ministres du gouvernement. L’Argentine et l’Uruguay se trouvent dans une situation proche.
Un troisième cas est celui du Venezuela. Les efforts de participation populaire ont été plus marqués, avec les initiatives communales, où l’utilisation d’une part du budget public est décidée par la base. À la fin de sa vie, Hugo Chavez insista beaucoup sur l’écosocialisme, intégrant la préoccupation de la nature dans le projet socialiste. Ne pouvant compter sur l’administration de l’État au début de son mandat, il instaura un État parallèle avec les revenus du pétrole et organisa divers types de « missions » pour tous les domaines des services publics, de la santé avec les médecins cubains, de l’éducation aux divers niveaux, de l’économie sociale, de l’agriculture, des peuples indigènes, etc. Mais le mal fondamental du Venezuela est la rente pétrolière, qui a détruit la production locale (tout était acheté avec les pétrodollars), l’agriculture (70 % de l’alimentation est importée) et l’ensemble des normes sociales (la violence est sociale et seulement partiellement politique). Le pays n’est pas sorti de la culture politique de corruption, même s’il a réalisé de grands progrès dans les domaines sociaux et culturels. Sa volonté de changement en profondeur explique également la férocité de l’opposition.
Conclusion
Les pays de « révolution citoyenne » en Amérique latine sont post-néolibéraux, mais pas post-capitalistes. On peut l’expliquer à la fois par la force du système qui impose mondialement ses lois, par le type de formation des dirigeants, plus enclins à moderniser leurs sociétés qu’à rechercher un nouveau paradigme de la vie collective des humains sur la planète et finalement à l’appui populaire majoritaire, en partie formé par des « clients » des régimes, en fonction des avantages immédiats. Mais le fait de n’être pas sorti de la logique prédominante du capitalisme implique aussi la reproduction de contradictions sociales homologues et une lutte de classes renouvelée dans ses modalités. D’où également une certaine ignorance des « externalités », c’est-à-dire des dégâts écologiques et sociaux qui ne sont pas pris en charge par le capital, comme ingrédient inévitable du modèle.
Certes des progrès ont été accomplis, mais ils risquent de s’éroder avec une situation économique plus tendue. Certes, l’alternative d’un retour de la droite au pouvoir signifierait le retour au néolibéralisme avec son cortège de misères, mais la nécessité de dépasser la situation actuelle, admise par certains mouvements sociaux, n’en reste pas moins une exigence fondamentale.
Source : Article paru dans la revue française Savoir/agir n°31 consacrée à la "Démocratie".http://www.savoir-agir.org/.
Certes des progrès ont été accomplis, mais ils risquent de s’éroder avec une situation économique plus tendue. Certes, l’alternative d’un retour de la droite au pouvoir signifierait le retour au néolibéralisme avec son cortège de misères, mais la nécessité de dépasser la situation actuelle, admise par certains mouvements sociaux, n’en reste pas moins une exigence fondamentale.
Source : Article paru dans la revue française Savoir/agir n°31 consacrée à la "Démocratie".http://www.savoir-agir.org/.
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