۱۳۹۴ خرداد ۲۲, جمعه

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12 juin 2015
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Les Wayuu, une communauté ancestrale indienne, présente notamment en Colombie, est en train de mourir à petit feu. La raison ? L'exploitation par les multinationales des ressources naturelles du pays. Et l’extermination de tout un peuple se fait dans l'indifférence générale de la fameuse « communauté internationale ».


Un peuple en voie de disparition...

Qu’aurait dit Eduardo Galeano, qui nous a quittés le 13 avril dernier, de la mort programmée de la communauté indienne Wayuu en Colombie ? Celui qui a donné une voix aux sans voix dans son chef d’œuvre Les veines ouvertes de l’Amérique Latine aurait sans aucun doute pris la défense de cette communauté victime de la rapacité des multinationales étrangères. Car cette communauté ancestrale vieille de plusieurs siècles symbolise à elle seule la tragique histoire des peuples indiens du continent latino-américain.

Quelques chiffres et précisions tout d’abord pour situer cette ethnie : on estime le nombre d’indiens Wayuu à 600 000 personnes. Ces derniers vivent à cheval entre le Venezuela et la Colombie. Au Venezuela, on les trouve dans l’Etat du Zulia situé au nord-ouest tandis qu’en Colombie ils occupent le département de la Guajira au nord-est. Leur territoire s’étend sur 15.300 km². 97% d’entre eux parlent leur langue autochtone, le wayuuniaki. Seuls 32% parlent l’espagnol.

Les Wayuu ont toujours vécu de l’artisanat, de la chasse et de la pêche. Le Rio Rancheria est un fleuve d’une importance capitale pour la survie de cette communauté qui l’utilise pour tous types d’activités, notamment la pêche et la cuisine. Mais aujourd’hui leur vie est en danger. Les entreprises nationales et multinationales alliées au gouvernement néolibéral sont en train de les déposséder des ressources dont ils ont besoin pour vivre. Ces puissantes multinationales, notamment BHP Billiton ou Anglo America, toutes deux expertes dans l’exploitation des ressources minières (diamants, or, charbon) ont visiblement très peu de considération pour les peuples indiens.

Le charbon, par exemple, est en train de signer l’arrêt de mort de la communauté Wayuu. En effet, El Cerrejon, la plus grande mine de charbon à ciel ouvert du monde, pompe plus de trente-cinq mille litres d’eau par jour du fleuve Rancheria pour extraire le charbon. De plus, le peu d’eau qui reste aux habitants est pollué et dangereux. Rafael Puchana, un habitant indien, dénonce l’hypocrisie des multinationales « Ils disent en permanence que nous ne sommes pas contaminés, que nous sommes heureux, que nous allons bien. Mais la situation que nous vivons est très préoccupante pour nous et notre santé. L’eau que nous consommons ici est totalement contaminée ». (1)

L’épuisement des ressources d’eau couplé à la contamination de cette dernière est en train de provoquer une véritable hécatombe. Le manque de recherches et de statistiques sur le drame qui affecte la communauté rend difficile l’établissement de chiffres concrets sur l’impact des multinationales. Mais, selon la communauté Wayuu, ce serait plus de 14000 enfants qui seraient morts d’inanition tandis que 36000 enfants souffriraient de dénutrition. Selon le Département Administratif National de la Statistique, en 2012, 38,8% des enfants de moins de cinq ans sont décédés. (2)

Selon Gonzalo Guillén, auteur du documentaire « El rio que se robaron » (Le fleuve qu’ils ont volé), ce sont « environ trois enfants qui meurent chaque jour à la Guajira ». Ce peuple indien est tout simplement abandonné par le gouvernement et les pouvoirs publics. Les soins de santé, l’éducation, les aides sont inexistants. Et quand le gouvernement daigne « aider » les Wayuu, l’argent n’arrive pas car détourné par la corruption. « Les mesures qui ont été prises sont insuffisantes et avec la permission du gouvernement, les multinationales se sont emparées de l’unique source hydrique que nous avions, laissant la communauté mourir de soif. C’est ainsi que beaucoup de vies ont été perdues » remarque tristement Javier Rojas Uriana, un des porte-paroles de la communauté Wayuu.

Et puis, ce ne sont pas que les hommes qui sont touchés par ces activités criminelles. C’est toute la faune et la flore qui sont en train de disparaître. Chaque jour ou presque, les habitants retrouvent des cadavres d’animaux morts de soif. C’est tout le système d’une communauté qui se voit menacé par l’exploitation des ressources minières. C’est toute une histoire, une culture, une civilisation qui sont en train de mourir sans que ceci n’émeuve vraiment les défenseurs des « droits de l’homme ».

Alors, que faire face à ce crime de masse ? La communauté Wayuu a décidé le 2 février 2015 de déposer plainte devant la Commission Inter-américaine des droits de l’Homme (CIDH) pour revendiquer son droit à un accès gratuit à une eau de qualité et demander des mesures urgentes pour parer à la crise humanitaire. Malheureusement, il y a peu de chance que la Commission puisse agir de manière concrète pour améliorer le sort de cette communauté. « Ceci est un territoire ancestral que nous avons toujours habité. Nous avons ici notre cimetière. Mais apparemment, ici prévaut l’intérêt d’une industrie au détriment des droits humains » constate une habitante Wayuu.

Et lorsque les communautés indiennes osent se soulever pacifiquement contre cet état de fait, l’État n’hésite pas, comme il n’a cessé de le faire dans son histoire, à réprimer brutalement les manifestants. Toute contestation de l’ordre établi en Colombie s’attire les foudres des forces de l’ordre qui usent de tous les moyens pour faire taire les manifestants. La devise du pays est pourtant « Liberté et Ordre ». Il semble malheureusement que seul le deuxième concept ait été retenu. Car pour la liberté, on repassera.

Le pillage continue

La Colombie est cependant loin d’être un cas isolé. C’est tout le continent latino-américain qui fait face depuis de nombreuses décennies déjà à la sauvagerie des multinationales. On pourrait citer ici le cas de la multinationale pétrolière états-unienne Chevron qui a littéralement détruit une partie de la forêt amazonienne sur le territoire équatorien. Ou encore au Brésil où l’entreprise états-unienne Bunge, qui vend son sucre à Coca-Cola, a délogé des tribus indigènes pour pouvoir récolter le sucre. Et la liste est encore longue...

De son côté, l’État colombien ne semble pas pressé d’agir. Et il faut savoir dès maintenant qu’il ne fera rien ou presque. Pourquoi ? Tout simplement parce que, depuis plus de cinquante ans, tous les gouvernements qui se sont succédé ont déroulé le tapis rouge aux investisseurs et aux multinationales. Pour ces dernières, la Colombie représente un véritable paradis terrestre. Nickel, or, platine, émeraudes, diamants... un vrai pactole. Les multinationales se bousculent pour avoir leur part du gâteau.

De la britannique Anglo American à l’états-unienne Monsanto en passant par l’espagnole Telefonica, les multinationales du monde entier se sont donné rendez-vous depuis des décennies pour continuer le pillage de la Colombie. Selon le site internet de la revue Semana, le pays compterait plus de sept cents multinationales sur son territoire. Pas étonnant alors que les chancelleries occidentales adoubent Bogotá tout comme le Mexique ou le Pérou. Ces trois pays ont en effet suivi à la lettre les ordres des institutions financières internationales en libéralisant leurs économies, en vendant les « bijoux de famille » et en accueillant à bras ouverts les investisseurs occidentaux.

Dans ces pays-là, le temps semble figé. L’époque de l’exploitation minière par les conquistadors espagnols a aujourd’hui laissé la place aux nouveaux maîtres de l’économie mondiale, les transnationales. Les nations sud-américaines semblent être condamnées au pillage éternel de leurs richesses.

Au Pérou, des milliers de paysans ont été chassés de leurs terres par l’État pour satisfaire l’appétit de la multinationale Newmont qui exploite l’or et le cuivre dans la région de Cajamarca. Comme dans le cas de la communauté Wayuu, l’exploitation des ressources minières a entraîné de monstrueux pompages d’eau, ce qui a provoqué l’asséchement des sols et la mise à mort des communautés paysannes qui ont été contraintes d’aller rejoindre les villes. Et certains paysans qui avaient osé contester l’hégémonie des multinationales ont été purement et simplement tués.

Pas plus tard qu’il y a deux semaines, un paysan est mort et deux personnes ont été blessées par la police lors d’une manifestation organisée pour protester contre le nouveau projet minier de l’entreprise Southern dans la province de Islay sur la côte ouest du pays. (3)

Au Mexique aussi, les multinationales dictent leurs lois. En décembre 2013, le président Enrique Pena Nieto a annoncé la privatisation du secteur pétrolier. Un secteur qui avait été étatisé en...1938. Le responsable de la mort des 43 étudiants d’Ayotzinapa est sans doute le symbole le plus significatif de l’inféodation d’une partie du continent latino-américain aux entreprises étrangères.

Depuis les années 1980, l’État mexicain n’a cessé de brader ses richesses et son territoire aux investisseurs étrangers. Et le pays a signé son arrêt de mort en 1994 lorsqu’il a intégré l’Accord de Libre Echange Nord-Américain (ALENA).

Quelle est donc la conséquence de ces privatisations à outrance ? Quels en sont les résultats sur le taux de pauvreté et les inégalités en Colombie ? Alors que la majorité des pays de la région ont fortement réduit leur taux de pauvreté, la Colombie, elle, peine à améliorer la vie des plus pauvres. De 2002 à 2008, alors que l’Argentine, par exemple, avait réduit son taux de pauvreté de 45,4% à 11,3% soit une baisse de 34,1%, le taux de pauvreté en Colombie n’avait enregistré qu’une baisse de 8,5% passant de 54,2% à 45,7%. (4) Le coefficient de Gini qui mesure les inégalités y est le plus élevé d’Amérique Latine. Il se trouvait à 53,5 en 2012. (5)

L’extractivisme en question

Pendant que des nations se soumettent toujours un peu plus à Washington, Madrid ou Londres, d’autres pays en revanche ont décidé de prendre leur destin en main. C’est le cas du Venezuela ou de la Bolivie pour ne prendre que ces deux exemples. Meurtris par des années de néolibéralisme qui avait produit misère, inégalités, chômage, dénutrition, les nouveaux dirigeants de ces nations sud-américaines ont décidé à leur arrivée au pouvoir que les ressources naturelles de leur pays devaient appartenir à leur peuple et non aux capitalistes occidentaux.

C’est dans cet esprit que le président Hugo Chavez a nationalisé les ressources pétrolières de son pays. De son côté, le président bolivien Evo Morales a fait voter une loi sur les hydrocarbures qui permet à l’État d’acquérir 82% des bénéfices liés à l’exploitation du pétrole et du gaz, laissant 18% aux multinationales. Avant la promulgation de cette loi, les chiffres étaient inversés. Cette politique volontariste et interventionniste a permis de réduire fortement la pauvreté et les inégalités. Entre 2006 et 2014, la pauvreté est passée de 38 à 18% en Bolivie et le pays est devenu, tout comme le Venezuela, « territoire libre d’analphabétisme ».

Mais au-delà de la simple comparaison entre pays néolibéraux et pays progressistes, une question urgente se pose. Quel type de développement l’Amérique va-t-elle choisir pour son avenir ? Car, bien que selon les pays les bénéfices liés à l’extraction minière et pétrolière ne profitent pas aux mêmes classes sociales, comme nous venons de le voir, le point commun entre tous ces pays est la persistance des gouvernements à insister sur le modèle extractiviste, un modèle destructeur non seulement pour l’environnement mais également pour les communautés indiennes qui sont les premières touchées par ces activités économiques.

La sortie de ce modèle est donc une urgence pour tous les pays d’Amérique Latine.

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